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13/06/2024 | FRANCE | N°22BX03083

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 13 juin 2024, 22BX03083


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 janvier 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident du 2 septembre 2019.



Par un jugement n° 2101569 du 31 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2022, et un

mémoire enregistré le

29 mars 2024, Mme D..., représentée par Me Tandonnet, demande à la cour :



1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 janvier 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident du 2 septembre 2019.

Par un jugement n° 2101569 du 31 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2022, et un mémoire enregistré le

29 mars 2024, Mme D..., représentée par Me Tandonnet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 octobre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 8 janvier 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident du 2 septembre 2019, ensemble la décision du 25 mars 2021 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier d'Agen-Nérac de reconnaître cette imputabilité au service, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Agen-Nérac la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges, ainsi que le centre hospitalier, ont commis une erreur d'appréciation des faits en refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident du 2 septembre 2019, dès lors que le fait générateur n'était pas l'entretien professionnel du

8 août 2019 avec M. A..., qui l'avait informée des conclusions du médecin reconnaissant son aptitude à reprendre à temps plein le poste d'aide kiné qu'elle occupait du fait de son handicap, de la suppression de ce poste et de la nécessité d'envisager un reclassement, mais la prise de connaissance à son retour de vacances, le 27 août 2019, d'un courrier en date du 13 août 2019 l'affectant sur un poste d'aide-soignante à temps complet en soins de suite et de réadaptation à compter du 2 septembre 2019, en contradiction avec le projet professionnel qui avait été jusqu'alors évoqué avant son départ, et avec son état de santé ;

- il n'a pas été tenu compte des avis du Dr B..., médecin-psychiatre, du

20 juillet 2020, et de la commission de réforme du 25 septembre 2020, concluant à une reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 septembre 2019.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mai 2023, le centre hospitalier d'Agen-Nérac, représenté par le cabinet GSA Conseil (Me Munier), conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme D... de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- s'agissant de l'entretien du 8 août 2019, Mme D... n'apporte la preuve d'aucun évènement ou d'aucune circonstance révélant un exercice anormal du pouvoir hiérarchique ou des conditions anormales d'exercice des fonctions ;

- s'agissant du courrier du 13 août 2019, sa réception par Mme D... le

27 août 2019 ne peut être regardée comme un évènement soudain et violent qualifiable d'accident. Au surplus, à supposer même qu'il soit regardé comme un accident, il ne peut être reconnu comme un accident imputable au service, dès lors qu'il est survenu pendant une période de congé.

Par une ordonnance du 5 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au

5 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Catherine Girault,

- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,

- les observations de Mme D... et celles de Me Munier, représentant le centre hospitalier d'Agen-Nérac.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D... exerçait des fonctions d'aide-soignante au sein du centre hospitalier d'Agen-Nérac, et a bénéficié d'un arrêt de travail d'avril 2015 à février 2019 au titre d'une maladie professionnelle. A partir du 1er mars 2019, elle a réintégré ses fonctions sur un poste aménagé " d'aide-kinésithérapeute ", en temps partiel thérapeutique, en raison d'une incapacité permanente partielle évaluée à 25 % du fait d'un syndrome du canal carpien faisant obstacle au port de charges lourdes. Le 6 novembre 2019, elle a déposé une déclaration d'accident du travail pour un syndrome dépressif consécutif à des violences psychologiques subies lors d'un entretien le 8 août 2019 et la réception d'un courrier le 27 août 2019, qui ont conduit à un arrêt de travail du 2 septembre 2019. Par une décision du 8 janvier 2021, le directeur a refusé de reconnaître cet évènement comme un accident imputable au service. Le recours gracieux formé le 28 janvier 2021 par Mme D... a été rejeté par une décision du 25 mars 2021. Mme D... relève appel du jugement du 31 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / (...)".

3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service un évènement, quelle que soit sa nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D...,

aide-soignante, a été en arrêt de travail entre le mois d'avril 2015 et le mois de février 2019, en raison d'une maladie professionnelle, puis a bénéficié d'un temps partiel thérapeutique à compter du mois de mars 2019 sur un nouveau poste aménagé d'aide-kinésithérapeute, pendant une durée de 6 mois. Elle a ensuite été reçue le 8 août 2019 par l'attaché d'administration du centre hospitalier, qui l'a informée de ce que le poste qu'elle occupait était supprimé. Dans sa déclaration d'accident de service, rédigée le 6 novembre 2019, elle indique avoir " été choquée " par l'entretien du 8 août 2019, " avoir eu envie de pleurer sur le moment, (...) s'être sentie incomprise, diminuée ". Toutefois, ces seules déclarations relatives à un état de mal-être ne suffisent pas à établir que l'entretien du 8 août 2019 aurait donné lieu à un comportement ou à des propos de l'attaché d'administration du centre hospitalier excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par suite, l'appelante, qui au demeurant indique en appel, contrairement à ce qui est mentionné sur l'arrêt de travail du 2 septembre, que ce n'est pas l'entretien du

8 août 2019 qui est à l'origine de sa dépression, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Bordeaux et le centre hospitalier d'Agen-Nérac auraient commis une erreur d'appréciation en déniant la qualité d'accident de service à cet entretien.

5. En second lieu, par une décision du 13 août 2019, le directeur du centre hospitalier a autorisé la requérante à réintégrer ses fonctions d'aide-soignante à temps complet le 2 septembre 2019. A son retour de congés, le 27 août 2019, Mme D... a pris connaissance du courrier du 16 août l'informant de cette décision. L'appelante soutient, pour la première fois en appel, que c'est la réception de ce courrier, dont le contenu serait en contradiction avec le projet professionnel qui aurait été évoqué avec son service avant son départ en congé, qui a été à l'origine de " l'accident de service " du 2 septembre 2019, et non l'entretien du 8 août 2019 avec l'attaché d'administration du centre hospitalier. Dans sa déclaration d'accident de service, qu'elle a rédigée le 6 novembre 2019, elle indique avoir fait part de son incompréhension au cadre de service et s'être sentie " vraiment mal ", de sorte qu'elle est allée voir son médecin traitant, qui l'a maintenue en arrêt de travail. Elle estime que la reprise sur un poste d'aide-soignante est dénuée de cohérence dès lors qu'il aurait été évoqué qu'elle soit maintenue sur le poste d'aide-kinésithérapeute qu'elle avait occupé à temps partiel thérapeutique pendant une durée de 6 mois. S'il ressort des pièces du dossier, et notamment des différents documents retraçant son suivi médical au cours de l'année 2019, que Mme D... a bénéficié d'un poste aménagé d'aide-kinésithérapeute, créé spécialement pour elle par le centre hospitalier, à compter du 1er mars 2019 en temps partiel thérapeutique, plusieurs documents médicaux témoignent qu'il a toujours été envisagé que Mme D... reprenne, à l'issue du temps partiel thérapeutique, un poste d'aide-soignante. Dans un avis médical du 30 juillet 2019, le Dr E..., diplômé de réparation juridique du dommage corporel et d'expertise des accidents médicaux, a indiqué qu'à cette date " la réadaptation professionnelle de Mme D... était considérée comme acquise après 6 mois de temps partiel thérapeutique " et que " l'état de santé de l'agent est consolidé avec séquelles depuis juillet 2018 ". Par ailleurs, il indique qu'une " reprise des activités professionnelles pourra s'effectuer, à compter du 2 septembre 2019, sur un poste d'aide-soignante en soins de suite et réadaptation (SSR) ". Si l'appelante produit deux rédactions différentes de cet avis médical, l'une concluant à une reprise à temps complet sur " ce poste ", ce qui pouvait être interprété comme visant l'ancien poste d'aide-kiné, l'autre précisant " sur un poste d'aide-soignante en SSR ", une telle contradiction révèle uniquement que le médecin a rectifié le jour même la portée de son avis, et le document rédigé par le même médecin le 8 octobre 2019 précise bien que la proposition de reprise concernait un poste d'aide-soignante en SSR. En autorisant Mme D... à réintégrer ses fonctions d'aide-soignante à compter du 2 septembre 2019, le directeur du centre hospitalier a ainsi tenu compte de l'avis du médecin-expert. Enfin, lors de l'entretien du 8 août 2019, l'appelante a été informée de ce qu'elle allait devoir réintégrer ses fonctions à temps plein à compter du 2 septembre 2019. Dès lors, la prise de connaissance le 27 août 2019 de la lettre du 16 août l'informant qu'elle était réaffectée sur un poste d'aide-soignante à temps complet ne peut être regardée comme un évènement à caractère soudain et violent de nature à caractériser un accident de service, quand bien même un expert psychiatre et la commission de réforme ont émis en 2020 un avis favorable à la reconnaissance d'une telle imputabilité.

6. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier d'Agen-Nérac aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître comme accident de service les évènements survenus les 8 août 2019, 27 août 2019 et 2 septembre 2019.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense devant le tribunal, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme D..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier d'Agen-Nérac dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier d'Agen-Nérac présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au centre hospitalier d'Agen-Nérac.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Catherine Girault, présidente de la chambre,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2024.

La présidente, rapporteure

Catherine GiraultLe président de la cour,

Luc Derepas

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

22BX03083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX03083
Date de la décision : 13/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : TANDONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-13;22bx03083 ?
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