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06/06/2024 | FRANCE | N°23BX02558

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 06 juin 2024, 23BX02558


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle la préfète de la Gironde a implicitement rejeté son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 30 avril 2021 par laquelle cette même autorité a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour " vie privée et familiale ".



Par un jugement n°2200765 du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.


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Par une requête enregistrée le 11 octobre 2023, M. A..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle la préfète de la Gironde a implicitement rejeté son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 30 avril 2021 par laquelle cette même autorité a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour " vie privée et familiale ".

Par un jugement n°2200765 du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Autef, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2022 ;

2°) d'annuler la décision de la préfète de la Gironde du 30 avril 2021 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " d'un an dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête d'appel n'est pas tardive ;

- la décision du 30 avril 2021 est insuffisamment motivée en fait concernant sa situation familiale ;

- la préfecture n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- il justifie de liens personnels et familiaux stables en métropole et d'une intégration à la société française de sorte que c'est à tort que la préfecture a rejeté sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision rendue par le tribunal, qui écarte toute violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, apparaît d'ailleurs en contradiction avec la décision rendue par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt du 16 novembre 2021 concernant sa sœur ;

- les décisions attaquées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel est tardive ;

- à titre subsidiaire, il confirme les termes de son mémoire de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Edwige Michaud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 25 décembre 1995 et de nationalité comorienne, est entré en France métropolitaine muni d'un visa de court séjour étudiant, valable du 21 octobre 2019 au 20 janvier 2020 après avoir vécu à Mayotte entre 2002 et 2019, en dernier lieu sous couvert d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " valable du 30 avril 2019 au 29 avril 2020. Le 7 février 2020, il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 30 avril 2021, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la préfète de la Gironde sur le recours gracieux formé par M. A... le 28 juin 2021 à l'encontre de cette décision. M. A... relève appel du jugement du 12 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 avril 2021 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié à M. A... le 20 octobre 2022. La lettre de notification de ce jugement mentionne expressément que le délai d'appel, prévu par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, est de deux mois. Ce délai a été interrompu par le dépôt,

le 12 décembre 2022, d'une demande d'aide juridictionnelle. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 12 janvier 2023, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à l'intéressé. Toutefois, aucune pièce du dossier ne permet de connaître la date à laquelle cette décision a été notifiée à M. A.... Dans ces circonstances, en l'absence de preuve de la date d'une telle notification, le délai de recours contentieux n'avait pas recommencé à courir à l'encontre de M. A.... Par suite, contrairement à ce que soutient le préfet de la Gironde, sa requête d'appel, enregistrée le 11 octobre 2023 au greffe de la cour n'était pas tardive.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., de nationalité comorienne, est entré à Mayotte en 2002, à l'âge de 7 ans, accompagné de l'ensemble de sa famille et y a été scolarisé en primaire avant de suivre un CAP métier du bâtiment de 2011 à 2013 puis un CAP " Métiers de la mode - vêtement flou " qu'il a obtenu en juin 2015. A partir de 2014, il a bénéficié d'un titre de séjour " vie privée et familiale " délivré par le préfet de Mayotte et régulièrement renouvelé, dont le dernier était valable jusqu'au 29 avril 2020. Il est entré régulièrement en France métropolitaine muni d'un visa de court séjour étudiant et sous couvert de ce titre de séjour, dont il a demandé le renouvellement le 7 février 2020. Il ressort également des pièces du dossier que sa mère est décédée et que si son père réside toujours à Mayotte, quatre de ses frères et sœurs résident en France métropolitaine, en qualité de citoyens français pour deux d'entre eux et sous couvert de titres de séjour " vie privée et familiale " pour ses deux sœurs, son dernier frère résidant au Royaume-Uni. Si M. A... n'a pas pu s'inscrire à l'université du fait de son arrivée en cours d'année en novembre 2019, il justifie avoir été accompagné par la mission locale depuis décembre 2019, avoir suivi un stage d'insertion en mai 2021 et signé un contrat d'apprentissage le 21 juin 2021, en indiquant que ce retard s'explique par les difficultés liées à l'épidémie de Covid et que la rupture de ce contrat résulte du non-renouvellement de son titre de séjour. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé sur le territoire de la République et à son intégration, la décision du 30 avril 2021 a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 avril 2021 et par voie de conséquence, de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Autef de la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 octobre 2022, la décision de la préfète de la Gironde du 30 avril 2021 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. A... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de renouveler le titre de séjour vie privée et familiale de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Autef une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Gironde, à Me Aurélie Autef et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Edwige Michaud, première conseillère,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 23BX02558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02558
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : AUTEF

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;23bx02558 ?
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