Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 5 juillet 2021 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2200050 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Zoro, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler la décision de la préfète de la Vienne du 5 juillet 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour a été édictée au terme d'une procédure irrégulière faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour en application de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 110-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 dès lors que la formation qu'elle suit est dispensée en présentiel et qu'elle dispose de ressources financières suffisantes ; elle a obtenu son BTS en 2021 et son diplôme en juin 2023 ;
- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A... a été rejetée par une décision du 23 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante gabonaise née le 17 mai 2001, est entrée sur le territoire français le 8 septembre 2019 sous couvert d'un visa long séjour " étudiant " valable du 29 août 2019 au 29 août 2020. Le 7 juillet 2020, elle a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " qui lui a été refusé par un arrêté du 12 janvier 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a également fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle était susceptible d'être éloignée à l'expiration de ce délai. Le 9 mars 2021, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ". Par une décision du 5 juillet 2021, la préfète de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande. Mme A... relève appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit, sous réserve du droit de l'Union européenne et des conventions internationales, l'entrée, le séjour et l'éloignement des étrangers en France ainsi que l'exercice du droit d'asile ". L'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 : " Les ressortissants de chacune des Parties contractantes désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre Etat d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable. " Pour l'application des stipulations de la convention franco-gabonaise dont l'objet et la portée sont équivalentes à celles des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de délivrance d'une carte de séjour portant la mention " étudiant ", de rechercher, à partir de l'ensemble des pièces du dossier et sous le contrôle du juge, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études sur le territoire français et d'apprécier la réalité et le sérieux des études poursuivies.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., titulaire d'un brevet de technicien supérieur en spécialité " notariat " délivré par l'Académie de Poitiers, s'est inscrite pour l'année universitaire 2021-2022 dans une formation " Bachelor 3 - Métiers du notariat " à l'Ecole nationale supérieure du management immobilier située à Paris. Pour refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour portant la mention " étudiant ", la préfète de la Vienne a retenu qu'elle n'avait obtenu aucun diplôme depuis deux ans et qu'elle avait la possibilité d'effectuer ce cursus en distanciel, ce que l'intéressée conteste. Il ressort en effet des pièces du dossier, d'une part que la requérante a obtenu son diplôme de BTS le 8 juillet 2021 et d'autre part que la formation concernée s'effectue en alternance et qu'elle nécessite donc la présence de la requérante sur le territoire français. Dans ces conditions, la requérante justifiant par la production d'une attestation de scolarité pour l'année 2021-2022 suivre un cycle de formation en tant qu'apprentie en contrat d'apprentissage, elle est fondée à soutenir que la décision de refus de séjour litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique seulement, eu égard à ses motifs, qu'il soit enjoint au préfet de la Vienne de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Le conseil de Mme A... ne saurait prétendre au versement d'une somme en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, la demande d'aide juridictionnelle de sa cliente ayant été rejetée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 septembre 2023 et la décision de la préfète de la Vienne du 5 juillet 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de réexaminer la demande de Mme A... dans un délai de deux mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C..., au préfet de la Vienne et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,
Mme Edwige Michaud, première conseillère,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLa présidente,
Christelle Brouard-Lucas
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX02529 2