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06/06/2024 | FRANCE | N°22BX00824

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 06 juin 2024, 22BX00824


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. K... J... et Mme D..., Martine J... née E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2019 par lequel l'adjointe déléguée au maire de Virelade (Gironde) a accordé à M. G... H... et Mme C... I... un permis de construire en vue de l'édification d'une maison individuelle composée de deux logements sur la parcelle cadastrée section A n°353.



Par un jugement n°1906119 du 13 janvier 2022, le tribunal administrati

f de Bordeaux a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... J... et Mme D..., Martine J... née E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2019 par lequel l'adjointe déléguée au maire de Virelade (Gironde) a accordé à M. G... H... et Mme C... I... un permis de construire en vue de l'édification d'une maison individuelle composée de deux logements sur la parcelle cadastrée section A n°353.

Par un jugement n°1906119 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 mars 2022, le 8 juillet 2022 et le 29 mars 2023, M. K... J... et Mme D..., Martine J... née E... représentés par Me Lataillade, font appel de ce jugement, demandent à la cour de réformer l'arrêté du 16 octobre 2019 et de mettre à la charge des défendeurs une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent dans le dernier état de leurs écritures que :

- leur demande est recevable au regard des exigences des articles R.600-1 et L.600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- leur requête d'appel tend bien à la contestation et la réformation du jugement déféré ;

- il conviendra de juger qu'il y a lieu d'exclure des débats, pour défaut de loyauté dans l'administration de la preuve, la photo des boxes insérée en page 11/14 du mémoire en défense ;

- la compétence du signataire de l'arrêté du 16 octobre 2019 n'est pas établie ;

- l'arrêté du 16 octobre 2019 a été pris en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

- le dossier de demande de permis de construire ne comporte pas l'ensemble des documents exigés par l'article R.431-5 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté a été accordé sans consultation de la chambre d'agriculture en méconnaissance de l'article L.421-6 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté attaqué qui autorise la construction d'habitations à moins de 50 mètres de bâtiments d'élevage équin, méconnaît les dispositions combinées des articles L. 421-6 du code de l'urbanisme, de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental et de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ; ce moyen est opérant dès lors qu'ils exploitent un élevage équin professionnel ;

- le projet est de nature à affecter la santé des animaux qu'ils élèvent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2022, Mme C... I... et M. G... H..., représentés par Me Verrier, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme J... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle ne tend pas à l'annulation ou à la réformation du jugement ;

- la requête d'appel ne contient aucun moyen d'appel dirigé contre le jugement ; les appelants se sont contentés de reproduire une partie du jugement sans préciser les moyens permettant de juger de la régularité ou du bien-fondé du jugement ; les appelants se sont contentés de reprendre leurs écritures de première instance ;

- le moyen relatif à l'atteinte au principe de loyauté est inopérant dans la mesure où cette demande est relative à une production de première instance ;

- le moyen tiré de ce que le dossier de permis de construire ne comporte pas l'ensemble des documents exigés par l'article R.431-5 du code de l'urbanisme n'est pas assorti des précisions sur les documents faisant défaut dans ce dossier ;

- l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental de la Gironde ne s'applique pas au présent litige qui concerne un élevage familial ;

- le moyen tiré de l'atteinte au bien-être animal est inopérant ;

- les moyens soulevés par M. et Mme J... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2023, la commune de Virelade, représentée par Me Boissy, conclut au rejet de la requête et demande à la cour que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme J... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors que les appelants ne présentent aucun moyen d'appel et se contentent de reprendre l'argumentation écartée par le juge de première instance ;

- le moyen relatif à l'atteinte au principe de loyauté est inopérant dans la mesure où cette demande est relative à une production de première instance ;

- la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration a été abrogée par l'ordonnance n°2015-1341 du 23 octobre 2015 et codifiée dans le code des relations entre le public et l'administration ;

- les moyens soulevés par M. et Mme J... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ;

- l'ordonnance n°2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Lataillade, représentant M. K... J... et Mme D..., Martine J... née E..., et de Me Dubois, représentant la commune de Virelade.

Considérant ce qui suit :

1. M. H... et Mme I... ont déposé le 19 juillet 2019 auprès de la mairie de Virelade une demande de permis de construire en vue de l'édification d'une maison individuelle composée de deux logements sur la parcelle cadastrée section A n°353. Par un arrêté du 16 octobre 2019, l'adjointe déléguée au maire de Virelade a fait droit à cette demande. Par un jugement du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête de M. et Mme J... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. et Mme J... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. La commune de Virelade a produit en première instance une photographie de boxes à chevaux, située en page 11 de son mémoire en défense, dont le tribunal a expressément indiqué ne pas tenir compte au point 6 de son jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait méconnu la loyauté des débats en se fondant sur cette photographie ne peut qu'être écarté. Au demeurant, M. et Mme J... produisent devant la cour un constat d'huissier dans lequel est reproduite la photographie des mêmes boxes.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 octobre 2019 :

3. En premier lieu, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, A... et Mme J... produisent devant la cour un constat d'huissier dans lequel est reproduite la photographie des boxes à chevaux situés sur leur propriété, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 31 mars 2014 publié le 10 avril 2014 et transmis en préfecture le 3 avril 2014, le maire de Virelade a accordé à Mme F... B..., 2ème adjoint au maire et signataire de l'arrêté attaqué, une délégation de signature en cas d'empêchement du 1er adjoint, à l'effet de signer au nom du maire et d'exercer les fonctions relatives à l'urbanisme. Par suite, Mme B... était compétente pour signer l'arrêté attaqué.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration qui a codifié l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 abrogé par l'article 6 de l'ordonnance n°2015-1341 du 23 octobre 2015 : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ". Aux termes de l'article A. 424-2 du code de l'urbanisme : "(...) L'arrêté mentionne, en caractères lisibles, le prénom, le nom et la qualité de son signataire.".

6. L'arrêté attaqué du 16 octobre 2019 mentionne en caractères lisibles les prénom et nom de sa signataire, à savoir Mme F... B... ainsi que sa qualité d'adjointe au maire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

7. En quatrième lieu, en reprenant dans des termes similaires, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 16 octobre 2019, le moyen tiré de ce que le dossier de demande de permis de construire ne comporte pas l'ensemble des documents exigés par l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, sans critique utile du jugement, M. et Mme J... n'apportent en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation du premier juge qui y a pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Bordeaux.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique (...) ". Aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. / Dans les parties actuellement urbanisées des communes, des règles d'éloignement différentes de celles qui résultent du premier alinéa peuvent être fixées pour tenir compte de l'existence de constructions agricoles antérieurement implantées. Ces règles sont fixées par le plan local d'urbanisme ou, dans les communes non dotées d'un plan local d'urbanisme, par délibération du conseil municipal, prise après avis de la chambre d'agriculture et enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. / Dans les secteurs où des règles spécifiques ont été fixées en application de l'alinéa précédent, l'extension limitée et les travaux rendus nécessaires par des mises aux normes des exploitations agricoles existantes sont autorisés, nonobstant la proximité de bâtiments d'habitations. / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, une distance d'éloignement inférieure peut être autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales. Une telle dérogation n'est pas possible dans les secteurs où des règles spécifiques ont été fixées en application du deuxième alinéa. / Il peut être dérogé aux règles du premier alinéa, sous réserve de l'accord des parties concernées, par la création d'une servitude grevant les immeubles concernés par la dérogation, dès lors qu'ils font l'objet d'un changement de destination ou de l'extension d'un bâtiment agricole existant dans les cas prévus par l'alinéa précédent ". Aux termes de l'article 153-4 de l'arrêté préfectoral du 23 décembre 1983 portant règlement sanitaire départemental de la Gironde : " Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune ou de cahier des charges de lotissement, l'implantation des bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes : (...) / les autres élevages, à l'exception des élevages de type familial et de ceux de volailles et de lapins, ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou occupés habituellement par des tiers (...)".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme J... sont notamment propriétaires des parcelles cadastrées section A n°354, 355, 356, 357 et 1003 sur lesquelles ils élèvent et entraînent de manière professionnelle des chevaux de course. Sur la parcelle cadastrée section A n°1003 se situent un grand hangar ainsi qu'une série de boxes, distants de plus de 50 mètres des habitations projetées. Sur la parcelle cadastrée section A n°354 sont implantés trois petits abris, composés de tôles et de poteaux en bois, ouverts en façade et sur pignon, relativement bas et servant à abriter du foin, dont deux sont situés à moins de 5 mètres du terrain d'assiette du projet et le dernier en bordure de propriété. De même, trois abris similaires implantés sur les parcelles cadastrées section A n°748, 350 et 351 sont situés à moins de 50 mètres des constructions envisagées. Toutefois, le constat d'huissier produit par M. et Mme J... ne démontre pas que ces abris précaires de taille modeste et sans fondations stables, dans lesquels est stocké le foin, serviraient à abriter les chevaux eux-mêmes. Dans ces conditions, ces abris, dont il ne ressort au demeurant pas des pièces du dossier qu'ils auraient fait l'objet d'autorisations d'urbanisme, ne sauraient être qualifiés de bâtiments renfermant des animaux au sens des dispositions précitées du règlement sanitaire départemental ni de bâtiments agricoles au sens des dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime. Dans ces conditions, M. et Mme J... n'établissent pas que les habitations projetées seront construites à moins de 50 mètres de bâtiments agricoles renfermant des animaux en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 421-6 du code de l'urbanisme, de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental de la Gironde.

10. En sixième lieu, les dispositions précitées de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ne prévoient pas la saisine de la chambre d'agriculture. A supposer que M. et Mme J... aient entendu se prévaloir de la méconnaissance du 4ème alinéa de l'article L.111-3 du code rural et de la pêche maritime qui prévoit la consultation de la chambre d'agriculture pour accorder une dérogation en cas de distance d'éloignement inférieure à celles prévues par le 1er alinéa du même article, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce. Ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière en l'absence d'avis de la chambre d'agriculture est inopérant.

11. En dernier lieu, M. et Mme J... ne peuvent utilement soutenir que le projet litigieux est de nature à affecter la santé des animaux qu'ils élèvent.

12. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, M. et Mme J... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des défendeurs, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. et Mme J... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. et Mme J... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. H... et Mme I... et non compris dans les dépens ainsi qu'une somme du même montant au titre des frais exposés par la commune de Virelade et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme J... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme J... verseront une somme de 1 500 euros à M. H... et Mme I... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. et Mme J... verseront une somme de 1 500 euros à la commune de Virelade au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... J..., à Mme D..., Martine J... née E..., à M. G... H..., à Mme C... I... et à la commune de Virelade.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Edwige Michaud, première conseillère,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00824


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00824
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : LATAILLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;22bx00824 ?
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