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06/06/2024 | FRANCE | N°21BX03402

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 06 juin 2024, 21BX03402


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération n° 2019-051 du 17 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de Cussac-Fort-Médoc a approuvé la cession de deux lots commerciaux à la SCI Theamae au prix de 181 960,20 euros et d'un lot commercial à la SCI RNP au prix de 11 652,85 euros.



Par un jugement n° 1903783 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Pr

océdure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 août 2021 et le 4 novemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération n° 2019-051 du 17 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de Cussac-Fort-Médoc a approuvé la cession de deux lots commerciaux à la SCI Theamae au prix de 181 960,20 euros et d'un lot commercial à la SCI RNP au prix de 11 652,85 euros.

Par un jugement n° 1903783 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 août 2021 et le 4 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Bonnet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Cussac-Fort-Médoc du 17 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cussac-Fort-Médoc une somme de 1 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la délibération a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, le conseil municipal n'ayant pas été informé du projet immobilier, de l'avis du directeur départemental des finances publiques et n'ayant pas non plus été destinataire d'une note de synthèse de cet avis en méconnaissance de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ;

- le projet de délibération joint à la convocation adressée aux membres du conseil municipal cinq jours avant que celui-ci se réunisse ne mentionnait ni le prix ni le bénéficiaire de la cession envisagée ; le conseil municipal n'a pas été informé de la modification des lots et leurs surfaces ne correspond pas à celles mentionnées dans l'avis de France domaine ;

- l'avis émis par France domaine ne correspond pas à l'opération de vente votée par le conseil municipal le 17 juillet 2019 dès lors qu'il est relatif à la vente de deux commerces occupés et que la délibération litigieuse concerne trois lots commerciaux ; la transformation par la commune de deux commerces en trois lots dans le cadre d'une copropriété nécessitait un nouvel avis ; le conseil municipal n'a pas bénéficié d'un avis du directeur départemental des finances publiques relatif à l'opération immobilière votée ;

- la délibération du conseil municipal n'a pas porté sur les conditions de vente et ses caractéristiques essentielles en méconnaissance de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ; en particulier, la délibération ne comporte aucune référence cadastrale, le maire a refusé de communiquer le rapport du géomètre-expert prévoyant la délimitation des surfaces et des lots et l'avis du domaine du 28 janvier 2019 a été communiqué pour la première fois devant le tribunal ;

- la cession approuvée par la délibération litigieuse lèse les intérêts de la commune dès lors que le prix fixé est inférieur à la valeur vénale des biens ; en particulier, la commune ne peut se prévaloir de l'estimation faite par le directeur régional des finances publiques qui s'est borné à évaluer la valeur des trois lots réunis qui est nécessairement inférieure à celle des lots vendus séparément.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2022, la commune de Cussac-Fort-Médoc, représentée par Me Boissy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute de contenir l'exposé de moyens d'appel ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Rousseau, représentant M. A... et de Me Dubois, représentant la commune de Cussac-Fort-Médoc.

Une note en délibéré a été enregistré le 17 mai 2024 pour la commune de Cussac-Fort-Médoc.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération n° 2019-051 du 17 juillet 2019, le conseil municipal de Cussac-Fort-Médoc a approuvé la cession, d'une part, de deux lots commerciaux à la SCI Theamae au prix de 181 960,20 euros et, d'autre part, d'un lot commercial à la SCI RNP au prix de 11 652,85 euros et a autorisé le maire à prendre toutes les mesures nécessaires à l'exécution de la délibération. M. A... relève appel du jugement du 17 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Cussac-Fort-Médoc :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ".

3. La requête présentée par M. A... n'est pas la reproduction pure et simple de sa demande devant le tribunal et satisfait aux prescriptions des dispositions précitées. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Cussac-Fort-Médoc doit, par suite, être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 17 juillet 2019 :

4. Aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". L'article L. 2241-1 du même code prévoit : " Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune, sous réserve, s'il s'agit de biens appartenant à une section de commune, des dispositions des articles L. 2411-1 à L. 2411-19. (...) / Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine de cette autorité ".

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

6. La consultation de l'autorité compétente prévue au 3ème alinéa précité de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales préalablement à la délibération du conseil municipal portant sur la cession d'un immeuble ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants ne présente pas le caractère d'une garantie. Il appartient en revanche au juge saisi d'une délibération prise en méconnaissance de cette obligation de rechercher si cette méconnaissance a eu une incidence sur le sens de la délibération attaquée.

7. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Cussac-Fort-Médoc a saisi le service du domaine le 25 janvier 2019 d'une demande d'avis concernant la " cession à un opérateur HLM " d'un " bâti ancien professionnel en simple rez-de-chaussée composé d'un commerce en libre-service (supérette Proxi et cabinet d'esthétique) " sur des parcelles cadastrées ZA 599 et ZA 699, situées place du Général de Gaulle. Cet avis précise que la " supérette/tabac Proxi " représente une surface d'environ 130 m2 utile et le salon d'esthétique d'environ 68 m2 dont la valeur peut être déterminée sur la base de 900 euros le mètre carré soit 117 000 euros pour la supérette et 61 000 euros pour le salon d'esthétique, le tout avec une marge de négociation de 15%. Le service du domaine conclut en indiquant que l'évaluation correspond à la valeur vénale actuelle des biens et qu'une nouvelle consultation de France Domaine serait nécessaire notamment si les conditions du projet étaient appelées à changer. Or, la délibération attaquée indique que trois lots commerciaux ont été créés après discussion avec les acquéreurs potentiels et l'intervention d'un géomètre, le premier d'une " superficie totale type Carrez de 143,59 m2 et 49,23 m2 de superficie annexe (extérieur) ", le deuxième d'une superficie de 52,43 m2 et le troisième " à rattacher à la parcelle contiguë ZA n° 598 d'une superficie totale type Carrez de 12,69 m2 ", portant l'ensemble de la surface cédée à 258 m2, soit 60 m2 de plus que la surface examinée par le service du domaine. Ainsi, des caractéristiques essentielles des biens susceptibles d'avoir une incidence sur leur valeur ont été modifiées par la commune de Cussac-Fort-Médoc entre le projet soumis au service du domaine et celui approuvé par le conseil municipal par la délibération attaquée. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir pour la première fois en appel que la délibération du 17 juillet 2019 devait être précédée d'un nouvel avis de l'autorité compétente de l'Etat en application des dispositions précitées de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales.

8. En l'absence de ce nouvel avis de France Domaine sur le projet modifié, et alors que M. A... soutient sans être sérieusement contredit que le conseil municipal n'a pas non plus reçu communication de l'avis émis par France Domaine le 28 janvier 2019 sur l'opération telle qu'initialement envisagée et qu'il n'a pas été informé de sa teneur, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres du conseil municipal auraient disposé d'éléments d'informations suffisants pour leur permettre d'apprécier l'équilibre du contrat, la pertinence de l'opération finalement envisagée et en particulier de mesurer qu'ils approuvaient une cession des biens concernés à un prix au mètre carré inférieur, même en tenant compte de la marge de négociation, à celui préconisé pour une partie de ce bien par le service du domaine. Dans ces conditions, l'absence d'avis de France Domaine sur le projet de vente soumis au conseil municipal a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la délibération litigieuse et l'entache d'illégalité.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 17 juillet 2019 de la commune de Cussac-Fort-Médoc.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Cussac-Fort-Médoc au titre des frais exposés pour les besoins du litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande que présente M. A... sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 juin 2021 et la délibération de la commune de Cussac-Fort-Médoc du 17 juillet 2019 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Cussac-Fort-Médoc et à la SCI Theamae.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Edwige Michaud, première conseillère,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX03402 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03402
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;21bx03402 ?
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