Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 30 mars 2021 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer une carte de résident, ensemble la décision par laquelle la même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux du 21 mai 2021.
Par un jugement n° 2102485 du 25 septembre 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2023, Mme A..., représentée par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2023 du tribunal administratif de Poitiers ;
3°) d'annuler la décision du 30 mars 2021 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer une carte de résident, ensemble la décision par laquelle la même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux du 21 mai 2021 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de résident ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- sa demande n'a pas fait l'objet d'un examen attentif ; l'administration a pris sa décision de manière précipitée, avant qu'elle soit en mesure de produire le justificatif manquant dans son dossier ; l'administration aurait dû tenir compte des éléments produits à l'appui de son recours gracieux ;
- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par une ordonnance du 26 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 mars 2024.
Un mémoire a été présenté par le préfet de la Vienne le 7 mai 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions lors de l'audience publique.
Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ukrainienne née le 7 juillet 1981, est entrée en France en août 2002 selon ses déclarations et a été admise au séjour à compter du 24 décembre 2004. Le 4 juin 2020, elle a sollicité la délivrance d'une carte de résident. Elle relève appel du jugement du 25 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 mars 2021 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre sollicité, ensemble la décision par laquelle la même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux du 27 mai 2021.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 20 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judicaire de Bordeaux, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal les moyens, repris en appel, tiré de l'insuffisante motivation de la décision de la préfète de la Vienne du 30 mars 2021 et de l'absence d'examen particulier de la situation de Mme A....
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Tout étranger qui justifie d'une résidence non interrompue, conforme aux lois et règlements en vigueur, d'au moins cinq années en France, peut obtenir une carte de résident. La décision d'accorder ou de refuser la carte de résident est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, de ses moyens d'existence et des conditions de son activité professionnelle s'il en a une ". En vertu de l'article L. 314-10 du même code, la décision d'accorder la carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française dans les conditions prévues à l'article L. 314-2. Aux termes de l'article L. 314-2 dudit code : " Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance de la langue française, qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d'Etat. /Pour l'appréciation de la condition d'intégration, l'autorité administrative saisit pour avis le maire de la commune dans laquelle il réside. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative. / Les étrangers âgés de plus de soixante-cinq ans ne sont pas soumis à la condition relative à la connaissance de la langue française ".
6. La décision du 30 mars 2021 de la préfète de la Vienne refusant de délivrer une carte de résident à Mme A... est fondée sur la non-satisfaction de la condition tenant à la connaissance de la langue française, faute pour l'intéressée de justifier de l'obtention du diplôme d'études en langue française du niveau A2. Il est toutefois constant qu'à l'appui de son recours gracieux du 21 mai 2021, reçu le 26 mai suivant, la requérante a justifié avoir obtenu ce diplôme et, par suite, a démontré qu'elle remplissait la condition relative à la connaissance de la langue française.
7. L'administration peut toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
8. Dans son mémoire en défense produit devant le tribunal administratif de Poitiers, le préfet de la Vienne a fait valoir que Mme A... n'était pas titulaire d'un titre de séjour sur la période allant du 3 septembre 2017 au 17 juillet 2018. La requérante, qui se borne à affirmer qu'elle est titulaire d'un titre de séjour depuis décembre 2004 et à produire son dernier titre de séjour valable du 17 juillet 2020 au 16 juillet 2022, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les informations résultant de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF) selon lesquelles elle ne bénéficiait pas de titre de séjour entre le 3 septembre 2017 et le 17 juillet 2018. Il s'ensuit qu'à la date des décisions en litige, la requérante ne satisfaisait pas à la condition, prévue à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de résidence légale ininterrompue depuis au moins cinq années sur le territoire français. Ce motif justifiait, à lui seul, le refus de délivrance d'une carte de résident opposé à la requérante. En outre, il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Vienne aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif et que la substitution de motif demandée par le préfet ne prive pas Mme A... d'une garantie procédurale liée au motif substitué. Dans ces conditions, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée par le préfet de la Vienne.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. L'exécution du présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire formée par Mme A....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve-Dupuy
Le président,
Laurent Pouget La greffière,
Chirine Michallet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX02897