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05/06/2024 | FRANCE | N°22BX01752

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 05 juin 2024, 22BX01752


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Application Travaux Spéciaux (ATS) a demandé au tribunal administratif de Limoges d'arrêter le décompte général du marché conclu par acte d'engagement régularisé le 25 juin 2018 et relatif au chemisage des deux buses permettant le franchissement de la Semme sur l'autoroute A20 à Bessines-sur-Gartempe à la somme de 415 049,91 euros hors taxes (HT), et de mettre à la charge de la direction interdépartementale des routes centre-ouest (Dirco) la somme totale de 57

562 euros HT restant due au titre du solde du marché, à majorer des intérêts moratoires....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Application Travaux Spéciaux (ATS) a demandé au tribunal administratif de Limoges d'arrêter le décompte général du marché conclu par acte d'engagement régularisé le 25 juin 2018 et relatif au chemisage des deux buses permettant le franchissement de la Semme sur l'autoroute A20 à Bessines-sur-Gartempe à la somme de 415 049,91 euros hors taxes (HT), et de mettre à la charge de la direction interdépartementale des routes centre-ouest (Dirco) la somme totale de 57 562 euros HT restant due au titre du solde du marché, à majorer des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1901688 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Limoges a arrêté le décompte général et définitif du marché à la somme de 393 273,03 euros HT, a condamné la Dirco à verser à la société ATS la somme de 10 800,33 euros HT au titre du solde de ce marché, assortie des intérêts moratoires à compter du 30 septembre 2019, et a rejeté le surplus des conclusions de la société ATS.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Limoges du 5 mai 2022 en ce qu'il n'a pas fixé le décompte général et définitif à la somme de 365 498,72 euros HT et en annulant en conséquence la condamnation de la Dirco à verser la somme de 10 800,33 euros HT à la société ATS.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas tenu compte du caractère unitaire des prix du marché ; le prix de 382 472,70 euros HT figurant dans l'acte d'engagement correspond à la limite théorique de rémunération des prestations prévues par le marché mais ne correspond pas nécessairement au montant à verser effectivement pour la rémunération des prestations réellement exécutées, qui figurent dans le décompte final ; or le tribunal n'a pas pris en compte les prix tels qu'ils figurent dans le décompte final pour arrêter le décompte général et définitif du marché ;

- le montant du décompte final doit être fixé à la somme de 354 698,39 euros HT, en tenant compte des postes forfaitaires et unitaires réellement exécutés ; il convient d'ajouter à ce montant les condamnations décidées par le tribunal, soit la somme de 21 800,33 euros HT, et de retrancher le montant des condamnations au titre des pénalités de retard prononcées à l'encontre de la société ATS, soit 11 000 euros ; ainsi le montant général et définitif doit être arrêté à la somme de 365 498,72 euros HT ;

- au titre du règlement définitif, l'Etat a déjà versé à la société ATS la somme de 360 841,30 euros ; le solde dû est en réalité de 14 657,42 euros HT et non de 42 431,73 euros comme cela résulte du jugement du tribunal.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2023, la société Application Travaux Spéciaux (ATS), représentée par Me Boucher, conclut à la réformation du jugement du tribunal administratif de Limoges du 5 mai 2022 en ce qu'il n'arrête pas le décompte général et définitif du marché à la somme de 365 498,72 euros HT, à la confirmation de ce jugement pour le surplus et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ainsi que le fait valoir le ministre de la transition écologique, le tribunal n'aurait pas dû se fonder sur le montant initial du marché pour fixer le montant du décompte général et définitif à la somme de 393 273,03 euros HT, mais sur le montant de 354 698,39 euros HT correspondant aux postes forfaitaires et unitaires réellement exécutés ;

- le ministre de conteste pas les montants mis à sa charge par le tribunal, et de son côté la société ATS sollicite simplement la confirmation du jugement en tant qu'il lui alloue la somme de 21 799,65 euros HT au titre des diverses prestations non payées ou non comprises dans le marché initial et en tant qu'il fixe le montant des pénalités de retard à la somme de 11 000 euros ;

- en définitive, la somme de 350 841,30 euros HT ayant déjà été versée au titre du marché, le montant restant dû par la Dirco doit être fixée à la somme de 14 657,42 euros HT, augmentée des intérêts moratoires.

Par ordonnance du 23 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mars 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Laurent Pouget ;

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché public n° 2018/513 notifié le 10 avril 2018, la direction interdépartementale des routes centre-ouest (Dirco) a confié à la société Application Travaux Spéciaux le chemisage des deux buses permettant le franchissement de la Semme sur l'autoroute A20 à Bessines-sur-Gartempe, pour un montant de 382 472,70 euros hors taxe (HT). Après la réception sans réserve des travaux le 19 octobre 2018, la société ATS a notifié son projet de décompte final à la Dirco le 13 septembre 2018, puis a adressé au maître d'œuvre le 28 décembre suivant une demande de paiement d'une rémunération complémentaire de 22 394,40 euros HT. Le décompte général établi par la Dirco le 31 janvier 2019 pour un montant de 406 118,24 HT euros a été suivi d'une réclamation de la société ATS réfutant ce montant et sollicitant un complément de rémunération. La société n'a pas donné suite à un courrier du 10 avril 2019 de la Dirco lui faisant une nouvelle proposition de décompte général et a saisi le tribunal administratif de Limoges en lui demandant d'arrêter le décompte général définitif du marché à la somme de 415 049,91 euros HT et de mettre à la charge de la Dirco une somme de 57 562 euros HT au titre du solde de ce marché, à majorer des intérêts moratoires. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel du jugement du 5 mai 2022 par lequel le tribunal a arrêté le décompte général et définitif à la somme de 393 273,03 euros HT et condamné la Dirco à verser à la société ATS la somme de 10 800,33 euros HT au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires à compter du 20 septembre 2019.

2. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux

publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Il appartient au juge du contrat, en l'absence de décompte général devenu définitif, de statuer sur les réclamations pécuniaires présentées par chacune des parties et de déterminer ainsi le solde de leurs obligations contractuelles respectives.

3. D'une part, aux termes de l'article 10 de l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié le 3 mars 2014 portant approbation du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable en l'espèce : " 10.1.1. Les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux (...) ". Aux termes de l'article 10.2 de ce cahier : " Les prix sont soit des prix forfaitaires soit des prix unitaires ". Et aux termes de l'article 10.3.1. de ce cahier : " Les prix sont détaillés au moyen de décomposition de prix forfaitaires et de sous-détails de prix unitaires ". Aucune disposition du code des marchés publics ni aucun principe n'interdisent d'inclure dans un même marché des prestations donnant lieu à la fixation de prix forfaitaires et de prix unitaires à condition que les deux types de prestations soient clairement distingués.

4. D'autre part, il résulte des articles 13.3.1. et 13.4 du CCAG applicables aux marchés publics de travaux que le décompte général et définitif est établi sur la base d'un décompte final dressé par le titulaire du marché en tenant compte des prestations réellement exécutées.

5. En l'occurrence, l'acte d'engagement du marché stipule que les prix des travaux sont soit unitaires soit forfaitaires, et sont plafonnés à la somme de 382 472,70 euros HT. Ainsi que le fait valoir le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et sans que cela soit contesté par la société ATS, les prestations réellement exécutées par celle-ci correspondent à un montant global de travaux de 354 698,39 euros HT. C'est donc à tort que, pour arrêter le décompte général et définitif du marché, le tribunal administratif s'est fondé sur le montant maximal théorique du marché de 382 472,70 euros HT et non sur le montant des prestations réellement exécutées.

6. Ni le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ni la société ATS ne contestent en appel le principe et les montants des préjudices du titulaire du marché tels que constatés par le tribunal pour des montant respectifs de 2 208,65 euros HT au titre de l'allongement de la durée des travaux, de 9 000 euros HT au titre de l'annulation d'une prestation de peinture et de 10 591,68 euros HT au titre de travaux exécutés sur la plateforme du lit aval. Les parties ne contestent pas davantage le montant des pénalités de retard dues par la société ATS, fixé à la somme de 11 000 euros par le jugement attaqué.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal n'a pas fixé le décompte général et définitif du marché à la somme de 365 498,72 euros HT (354 698,39 + 2 208,65 + 9 000 + 10 591,68 - 11 000). Il y a lieu pour la cour d'arrêter le décompte général et définitif à cette somme.

8. Ainsi que la société ATS et le ministre s'accordent à l'indiquer, les acomptes versés au titre du marché par le pouvoir adjudicateur s'élevaient à la date du jugement attaqué au montant de 350 841,30 euros HT. Par suite, la créance de la société ATS s'établissait à cette date à la somme de 14 657,42 euros HT, à augmenter des intérêts moratoires à compter du 20 septembre 2019, et c'est donc à tort que le tribunal, à l'article 2 de ce jugement, a condamné la Dirco à payer à cette société, sous réserve des sommes effectivement versées, la somme de 10 800,33 euros HT en principal.

9. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la société ATS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le décompte général et définitif du marché est arrêté à la somme de 365 498,72 euros hors taxe.

Article 2 : Le solde du marché est fixé à la somme de 14 657,42 euros hors taxe au crédit de la société ATS à la date du jugement attaqué, cette somme devant être assortie des intérêts moratoires à compter du 20 septembre 2019.

Article 3 : Le jugement n° 1901688 du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Limoges est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la société ATS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Application Travaux Spéciaux.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président-rapporteur,

Laurent Pouget La greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01752
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SELARL LEX PUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-05;22bx01752 ?
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