La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2024 | FRANCE | N°22BX01467

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 05 juin 2024, 22BX01467


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Périgueux à lui verser une indemnité de 64 768,16 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le maire de Périgueux a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois et d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le maire de Périgueux a prononcé son affectation au service co

mmunal d'hygiène, de santé et de tranquillité publique à compter du 1er mars 2020, ensemble l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Périgueux à lui verser une indemnité de 64 768,16 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le maire de Périgueux a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois et d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le maire de Périgueux a prononcé son affectation au service communal d'hygiène, de santé et de tranquillité publique à compter du 1er mars 2020, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n°s 2002132, 2003196 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes et mis à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mai 2022, Mme C..., représentée par Me Aljoubahi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de condamner la commune de Périgueux à lui verser une somme totale de 61 294,16 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 18 juillet 2019 du maire de Périgueux ;

3°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le maire de Périgueux l'a affectée au service communal d'hygiène, de santé et de tranquillité publique à compter du 1er mars 2020, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Périgueux une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en méconnaissance des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, elle n'a pas reçu communication de l'intégralité de son dossier individuel et disciplinaire ; la communication de son dossier ne pouvait lui être refusée en raison du caractère prétendument volumineux de ce dossier ; il n'est pas établi que son dossier disciplinaire n'aurait pas été dématérialisé ; elle a ainsi été privée d'une garantie ;

- la procédure disciplinaire a revêtu un caractère inéquitable ; aucun motif valable ne justifiait que les procès-verbaux d'audition soient anonymisés, et certains d'entre eux ne sont pas signés ;

- les faits sur lesquels repose la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions ne sont pas établis ; la question posée aux agents lors de l'enquête interne était orientée et les témoignages ne sont pas objectifs ; le témoignage de Mme A... B... est irrégulier ; certains faits relevés à son encontre ne présentent pas un caractère fautif ou sont imprécis ; elle produit plusieurs témoignages en sa faveur ;

- la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions revêt un caractère disproportionné ;

- l'illégalité fautive de cette sanction lui a causé un préjudice matériel de perte de revenus qui doit être évalué à 11 294,16 euros et un préjudice de carrière lié à l'impossibilité de postuler à des formations professionnelles pour prétendre à une promotion, en réparation duquel une somme de 20 000 euros doit lui être allouée ; elle a également subi des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral en réparation desquels une somme de 30 000 euros doit lui être allouée ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, sa mutation au sein du service d'hygiène, de santé et de tranquillité publique a constitué une sanction disciplinaire déguisée ; elle n'a reçu aucune précision sur les caractéristiques du poste ; cette décision n'a pas été précédée de la consultation de la commission administrative paritaire et de la communication préalable de son dossier ;

- cette mutation a modifié sa situation, en particulier la nature des fonctions exercées ; elle n'a plus la possibilité d'encadrer des brigadiers ; elle subit ainsi une réduction de ses attributions et responsabilités ;

- cette mutation est injustifiée.

Par un mémoire enregistré le 18 septembre 2023, la commune de Périgueux, représentée par Me Boissy, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2023.

Par un courrier du 23 avril 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office.

Des observations sur ce moyen ont été produites pour Mme C... le 25 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;

- le décret n° 2006-1391 du 17 novembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy ;

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Monfortpour la commune de Périgueux.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., gardienne de police municipale titularisée 1er septembre 2000, a été mutée au sein du service de la police municipale de la commune de Périgueux le 1er septembre 2005 au grade de gardien principal puis été promue au grade de brigadier-chef principal de police municipale le 1er décembre 2016. L'intéressée, qui exerçait ses fonctions au sein de l'une des deux brigades de jour, a fait l'objet d'une suspension de ses fonctions à titre conservatoire par un arrêté du maire de Périgueux du 16 mai 2019 et été informée, à la même date, de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre. Par un arrêté du 18 juillet 2019, le maire de Périgueux lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois. Par une ordonnance n° 1904056 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a constaté le désistement de Mme C... de sa requête à fin d'annulation de cette sanction, faute pour l'intéressée d'avoir expressément confirmé le maintien de ses conclusions dans le délai d'un mois qui lui était imparti à compter de la notification de l'ordonnance statuant sur son référé-suspension, en application de l'article R.612-5-2 du code de justice administrative. Mme C... a alors demandé à la commune de Périgueux, par une réclamation reçue le 27 janvier 2020, de l'indemniser des préjudices résultant, selon elle, de l'illégalité fautive de l'arrêté du 18 juillet 2019. Par ailleurs, par un arrêté du 28 février 2020, le maire de Périgueux a prononcé la mutation interne de Mme C... dans l'intérêt du service au sein du service d'hygiène, de santé et de tranquillité publique à compter du 1er mars 2020. Le recours gracieux formé par l'intéressée à l'encontre de cette décision d'affectation a été implicitement rejeté. Mme C... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de deux requêtes tendant, pour la première, à la condamnation de la commune de Périgueux à lui verser une indemnité de 64 768,16 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le maire de Périgueux a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonction d'une durée de six mois, et, pour la seconde, à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le maire de Périgueux a prononcé son affectation au service communal d'hygiène, de santé et de tranquillité publique à compter du 1er mars 2020, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement du 31 mars 2022, le tribunal, après avoir joint ces requêtes, les a rejetées. Mme C... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. En premier lieu, les conditions dans lesquelles une enquête administrative est diligentée au sujet de faits susceptibles de donner ultérieurement lieu à l'engagement d'une procédure disciplinaire sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la régularité de cette procédure. En particulier, sont sans incidence sur la régularité de la procédure disciplinaire, les conditions dans lesquelles est élaboré le rapport rédigé à l'issue de l'enquête administrative, qui, soumis à un débat contradictoire, constitue une pièce du dossier au vu duquel le conseil de discipline et l'autorité investie du pouvoir disciplinaire se prononcent et dont il appartient à ces derniers, au vu de ce débat, d'apprécier la valeur probante. Par suite, le moyen tiré par Mme C... de ce que l'enquête administrative diligentée par la commune de Périgueux, au cours de laquelle dix-sept agents du service de la police municipale ont été auditionnés, aurait été menée " à charge ", ne peut qu'être écarté. Au demeurant, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, que cette enquête, confiée conjointement au directeur général des services et au directeur des ressources humaines de la commune, aurait été conduite de manière partiale.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public ou porte sur des faits qui, s'ils sont établis, sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire ou de justifier que soit prise une mesure en considération de la personne d'un tel agent, le rapport établi à l'issue de cette enquête, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.

4. Par son courrier du 16 mai 2019, le maire de Périgueux a informé Mme C... de son intention d'engager une procédure disciplinaire à son encontre et lui a indiqué que, dans le cadre de la procédure disciplinaire, elle avait droit à la communication de l'intégralité de son dossier -individuel et disciplinaire - ainsi qu'à l'assistance d'un ou plusieurs défenseurs de son choix et à la production d'éventuelles observations, et lui a précisé qu'elle pourrait se présenter à la direction des ressources humaines pour consulter son dossier à compter du 20 mai suivant. Mme C... n'a pas fait usage de cette faculté de consultation de son dossier et, par un courrier du 31 mai 2019 reçu le 3 juin suivant, son conseil a sollicité la communication de l'intégralité de ce dossier. Le maire de la commune de Périgueux a répondu, par un courrier du 7 juin 2019 reçu le 11 juin suivant, que tant Mme C... que son conseil pouvaient consulter l'intégralité de son dossier au siège de l'autorité territoriale, mais qu'il n'était en revanche pas envisageable de lui en adresser une copie eu égard à son caractère volumineux et à l'absence de dématérialisation des dossiers individuels des agents. Or, Mme C... n'établit pas avoir été empêchée de consulter sur place son dossier et, à cette occasion, de prendre copie des documents utiles à sa défense. De plus, il ressort de ses propres déclarations qu'elle a obtenu par des représentants syndicaux, au plus tard la veille de la tenue du conseil de discipline, une copie de son dossier disciplinaire, et son conseil, interrogé sur ce point lors de la séance du conseil de discipline du 26 juin 2019, n'a pas sollicité le report de la séance. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie instituée par les dispositions citées au point précédent.

5. En troisième lieu, en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

6. En l'espèce, la requérante soutient que, du fait de leur anonymisation, les comptes-rendus des auditions des agents entendus au cours de l'enquête administrative ne pouvaient pas être retenus par la commune de Périgueux dans le cadre des poursuites disciplinaires dont elle a fait l'objet. Toutefois, eu égard au caractère très circonstancié de ces témoignages, leur anonymisation, qui était en l'espèce justifiée par un risque de représailles, n'a pas été contraire à l'obligation de loyauté de l'employeur public et n'interdisait pas à l'administration de prendre en compte ces témoignages.

7. En quatrième lieu, si Mme C... soutient que le caractère anonyme de ces témoignages ne lui a pas permis de contredire utilement leur contenu, il ressort de ces documents qu'ils contenaient des précisions sur les circonstances dans lesquelles les personnes témoignant avaient été amenées à travailler avec la requérante ou à être témoins de son comportement. Ces précisions permettaient ainsi à l'intéressée de présenter des observations en réponse aux reproches qui lui étaient faits. En outre, et ainsi que l'a relevé le tribunal, la teneur de ces témoignages était confortée par des éléments non anonymisés du dossier disciplinaire de Mme C.... Le moyen tiré d'une atteinte au principe des droits de la défense doit donc être écarté.

8. En cinquième lieu, Mme C... soutient que les faits fondant la sanction litigieuse ne sont pas établis. Pour prononcer cette sanction, le maire de la commune de Périgueux s'est fondé le manque de maîtrise de la requérante vis-à-vis de ses collègues, de sa hiérarchie et des administrés, sur sa contribution à l'instauration d'un climat délétère au sein du service de la police municipale de Périgueux, sur ses refus d'obéissance hiérarchique et d'exécuter certaines tâches et sur son manque d'esprit d'équipe.

9. Il ressort tout d'abord des témoignages précis et concordants des agents ayant travaillé avec Mme C... au sein du service de la police municipale de Périgueux ainsi que de ses fiches d'évaluation établies au titre des années 2009 à 2015 que l'intéressée présente un tempérament " explosif " et a provoqué de nombreuses altercations verbales violentes avec ses collègues et sa hiérarchie. Si la requérante produit quelques attestations faisant état de son professionnalisme lors d'interventions sur la voie publique, ces attestations n'émanent pas de ses collègues, qui ont unanimement décrit une personnalité caractérielle et conflictuelle. Par ailleurs, la circonstance que ses fiches d'évaluation établies au cours des années 2016 et 2017 ne fassent plus état de cet aspect de sa personnalité ne suffisent pas à le remettre en cause, alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier que l'auteur de ces fiches d'évaluation entretenait une relation amicale avec Mme C... et, selon de nombreux témoignages, " couvrait " ses agissements déplacés. Dans ces conditions, le grief tenant au manque de maîtrise d'elle-même de Mme C... est suffisamment établi par les pièces du dossier.

10. Il ressort ensuite de ces mêmes témoignages que les agents craignent de travailler en équipe avec Mme C..., que cette dernière propage des rumeurs sur la vie privée des agents du service et que, depuis son départ, le climat au sein du service s'est sérénisé. Il ressort aussi des pièces du dossier que Mme C..., à la suite de la décision conservatoire du directeur de la police municipale de lui retirer son arme en raison de sa vulnérabilité psychologique apparente, a annoncé en salle de pause qu'elle allait " se venger " puis a déposé, le lendemain, une plainte contre l'intéressé pour harcèlement moral. Cette plainte a été classée sans suite faute d'éléments probants, et la requérante n'apporte pas d'élément susceptible de faire présumer qu'elle aurait subi un tel harcèlement. De plus, à la suite du classement sans suite de cette première plainte, la requérante a déposé une nouvelle plainte à l'encontre du directeur de la police municipale pour harcèlement sexuel sur la base d'échanges de messages téléphoniques au cours de l'été 2016. Or, et ainsi que l'a relevé le tribunal, ces échanges révèlent une relation consentie et entretenue, notamment, par Mme C..., et ne sauraient caractériser un harcèlement sexuel. La plainte déposée par la requérante a d'ailleurs donné lieu à une ordonnance de non information et il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait ensuite saisi la juridiction pénale par la voie de la citation directe. Dans ces conditions, la commune de Périgueux est fondée à soutenir que ces dépôts de plainte successifs ont eu pour unique but de nuire au directeur de la police municipale. A l'aune de ces éléments, le grief tenant à la contribution de Mme C... à instaurer un climat délétère au sein du service est établi.

11. Enfin, il ressort des témoignages des agents ci-dessus mentionnés que la requérante refuse d'accomplir certaines tâches lui incombant, en particulier conduire à tour de rôle les véhicules de service, sans justifier d'une incapacité médicale à la conduite, ou encore rédiger des mains courantes et des rapports d'interventions. Ces refus, contraires à l'obligation d'obéissance hiérarchique, traduisent un manque d'esprit d'équipe de la requérante.

12. Compte tenu des griefs ci-dessus exposés et que le présent arrêt considère comme ayant été légalement retenus, lesquels présentent un caractère fautif, et eu égard à leur gravité, le maire de Périgueux n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en infligeant à Mme C... la sanction d'exclusion temporaire pour une durée de six mois.

13. Il résulte de ce qui a dit ci-dessus que la sanction en cause n'est entachée d'aucune illégalité. Les conclusions de Mme C... tendant à l'engagement de la responsabilité de la commune de Périgueux à raison d'une prétendue illégalité fautive de cette sanction doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

14. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre une telle mesure, à moins qu'elle ne traduise une discrimination ou une sanction, est irrecevable, alors même que la mesure de changement d'affectation aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l'agent public concerné.

15. Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret du 19 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de police municipale : " Les agents de police municipale constituent un cadre d'emplois de catégorie C (...). Ce cadre d'emplois comprend le grade de gardien-brigadier et le grade de brigadier-chef principal (...) ". En vertu de l'article 2 de ce décret, les membres de ce cadre d'emplois exercent les missions mentionnées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, selon lequel " les agents de police municipale exécutent, dans la limite de leurs attributions et sous son autorité, les tâches relevant de la compétence du maire que celui-ci leur confie en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques ". Ce même article 2 du décret du 19 novembre 2006 dispose enfin que " les brigadiers-chefs principaux sont chargés, lorsqu'il n'existe pas d'emploi de directeur de police municipale ou de chef de service de police municipale, ou, le cas échéant, dans les conditions prévues à l'article 27, de chef de police municipale, de l'encadrement des gardiens et des brigadiers ".

16. En premier lieu, l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le maire de Périgueux a affecté Mme C... au service communal d'hygiène, de santé et de tranquillité publique à compter du 1er mars 2020 a pour objet, selon les termes de cette décision, d'éviter la réapparition de tensions relationnelles de nature à perturber le fonctionnement du service et d'assurer ainsi, tant à l'intéressée qu'aux autres agents du service de la police municipale de Périgueux, un environnement préservant leur santé et leur sécurité. Eu égard au climat délétère, ci-dessus décrit, qui régnait au sein du service de la police municipale, cette décision de changement d'affectation a ainsi eu pour objet, non pas de sanctionner de nouveau la requérante, mais de garantir le bon fonctionnement du service. Mme C... n'est ainsi pas fondée à soutenir que ce changement d'affectation constituerait une sanction déguisée.

17. En second lieu, eu égard aux missions des agents de police municipale telles que décrites par les dispositions citées au point 15, l'affectation de Mme C... sur un poste dédié à la salubrité publique n'a pas porté atteinte aux droits et prérogatives qu'elle tient de son statut. De plus, le service de police municipale de Périgueux étant doté d'un directeur de police municipale, la requérante n'était aucunement chargée, au sein de la brigade de jour, de mission d'encadrement des gardiens et brigadiers. Dès lors, et contrairement à ce qu'elle soutient, le changement d'affectation en cause n'a pas eu pour effet de lui retirer une responsabilité en matière d'encadrement.

18. Dans ces conditions, le changement d'affectation de Mme C... à compter du 1er mars 2010, qui ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est pas constitutif d'une discrimination, ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives qu'elle tient de son statut ou à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, et n'a pas emporté de perte de responsabilités ou de rémunération. Il doit, compte tenu de ses effets limités sur sa situation professionnelle, être, par suite, regardé comme une mesure d'ordre intérieur, prise dans l'intérêt du service, et dès lors insusceptible de recours.

19. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le maire de Périgueux a prononcé son affectation au service communal d'hygiène, de santé et de tranquillité publique à compter du 1er mars 2020, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge de la commune de périgueux les frais que Mme C... a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement à la commune de Périgueux d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera à la commune de Périgueux une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à la commune de Périgueux.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy

Le président,

Laurent Pouget La greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01467
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : ALJOUBAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-05;22bx01467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award