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05/06/2024 | FRANCE | N°22BX01176

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 05 juin 2024, 22BX01176


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'elle estime avoir subi le 6 avril 2018.



Par un jugement n° 1902200 du 16 février 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requêt

e enregistrée le 25 avril 2022 et un mémoire enregistré le 24 août 2023, Mme B... et le syndicat CFDT Interco 64, re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'elle estime avoir subi le 6 avril 2018.

Par un jugement n° 1902200 du 16 février 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 avril 2022 et un mémoire enregistré le 24 août 2023, Mme B... et le syndicat CFDT Interco 64, représentés par Me Petriat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 16 février 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident que Mme B... estime avoir subi le 6 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre à cette autorité de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident du 6 avril 2018, et ce dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat deux sommes de 2 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance par Mme B... et par le syndicat CFDT Interco 64.

Ils soutiennent que l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... consécutive à l'accident du 6 avril 2018 et en ne prenant pas en considération le harcèlement moral dont elle faisait l'objet.

Par un mémoire enregistré le 7 juillet 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 25 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 octobre 2023 à 12h00.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... ;

- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... exerce les fonctions d'assistante de service social au sein du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) des Pyrénées-Atlantiques. Elle a été placée en congé de maladie à compter du 9 avril 2018. Mme B... et le syndicat CFDT Interco 64, intervenant en première instance, relèvent appel du jugement du 16 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'elle estime avoir subi le 6 avril 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, ont répondu de façon circonstanciée au moyen unique tiré de ce que l'administration aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident que Mme B... estime avoir subi le 6 avril 2018, alors au demeurant que les critiques formulées par les appelante à l'encontre de ce jugement concernent, en réalité, non pas la régularité de ce jugement mais son bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".

4. Constitue un accident de service, pour l'application de ces dispositions à la date des faits de l'espèce, tout évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il en est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, sauf si des circonstances particulières ou une faute personnelle du fonctionnaire titulaire ou stagiaire détachent cet événement du service.

5. En premier lieu, Mme B... explique qu'elle a été confrontée, à compter du mois de juin 2017, à l'attitude malveillante de quatre agents du SPIP constitutive d'un contexte de harcèlement moral et qu'en particulier, le 29 décembre 2017, l'un d'entre eux, M. A..., a adressé à l'ensemble du service un courrier électronique lui reprochant, à tort et en des termes virulents, d'être intervenue dans l'un de ses dossiers sans son autorisation et en excédant ses missions. Elle soutient que le syndrome dépressif dont elle est atteinte est directement consécutif à une réunion mensuelle du 6 avril 2018 dont l'objet était, notamment, de recueillir l'avis des agents sur la mise en place d'une médiation proposée par le syndicat dont elle était l'une des représentantes en vue de régler certains conflits récurrents au sein du personnel, en particulier celui l'opposant à M. A....

6. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de cette réunion, Mme B... a fondu en larmes, " exprimant sa colère et sa souffrance ", après que M. A... a pris la parole pour évoquer le rôle de l'assistante sociale au sein du SPIP et attribuer les problèmes d'orientation des dossiers au non-respect, par Mme B..., des limites imposées par sa fiche de poste. Toutefois, cette prise de parole, si elle présentait un caractère polémique compte tenu des désaccords persistants ayant précédemment opposés son auteur et Mme B... relevait de l'objet même de la réunion. En outre, si l'appelante soutient, en s'appuyant sur le témoignage d'une autre représentante de son syndicat, que les propos de M. A... la mettant en cause constituaient un " discours délétère, injurieux et diffamatoire " caractérisant une " agression verbale ", cette allégation n'est assortie d'aucune précision mais est, au contraire, directement contredite par les attestations établies les 25 et 26 mars 2019 par le directeur du SPIP des Pyrénées-Atlantiques et par la cheffe d'antenne du SPIP de Bayonne. Selon ces attestations, dont l'appelante ne conteste pas sérieusement le caractère probant, Mme B... a spontanément éclaté en sanglots dès le début de la prise de parole de M. A..., lequel s'est interrompue à sa demande, alors même que celui-ci, tout en affirmant sa position, s'exprimait de façon posée et n'avait ni agressé verbalement l'intéressée ni utilisé des termes insultants à son égard. Ainsi, cette prise de parole, qui ne présentait aucun caractère de soudaineté ou de brutalité, ne constituait pas un évènement susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

7. Dans ces conditions, nonobstant les conclusions des deux experts sollicités par la commission de réforme et l'avis favorable à l'imputabilité rendu par cette dernière, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, seules applicables à sa situation, en considérant que la maladie dont elle souffre ne pouvait être déclarée imputable à l'accident du 8 avril 2018.

8. En second lieu, la décision en litige du 11 juillet 2019 ne statue que sur la demande de Mme B... tendant à ce que le syndrome dépressif dont elle est atteinte soit reconnu imputable à l'accident qu'elle estime avoir subi le 6 avril 2018. Par suite, l'appelante, qui n'établit ni même ne soutient avoir présenté une demande tendant à l'imputabilité de cette maladie à l'exercice de ses fonctions ou à ses conditions de travail, ne peut pas utilement soutenir, à titre subsidiaire et pour la première fois en appel, que cette décision doit être annulée au motif que l'apparition de ce syndrome dépressif aurait, en réalité, été causé, par le harcèlement moral dont elle serait victime depuis l'année 2017.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et le syndicat CFDT Interco 64, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle émane de ce dernier, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident du 6 avril 2018. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au syndicat CFDT Interco 64 et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2024.

Le rapporteur,

Manuel D...

Le président,

Laurent PougetLa greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX01176 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01176
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : PETRIAT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-05;22bx01176 ?
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