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05/06/2024 | FRANCE | N°22BX01048

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 05 juin 2024, 22BX01048


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser la somme de 21 769,03 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis consécutivement à des manquements dans la gestion de ses arrêts maladie.



Par un jugement n° 2002760 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 8 avril 202

2 et un mémoire enregistré le 12 septembre 2023, Mme D..., représentée par Me Lelong, demande au tribunal :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser la somme de 21 769,03 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis consécutivement à des manquements dans la gestion de ses arrêts maladie.

Par un jugement n° 2002760 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2022 et un mémoire enregistré le 12 septembre 2023, Mme D..., représentée par Me Lelong, demande au tribunal :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 février 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Poitiers a rejeté sa réclamation préalable ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 21 769,03 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2020 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 17 juillet 2021, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis consécutivement à des manquements dans la gestion de ses arrêts maladie ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance, au bénéfice de Me Lelong dans l'hypothèse où elle serait admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas signé, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le mémoire en défense de la rectrice est irrecevable dès lors qu'il n'a pas été signé par la rectrice mais par le secrétaire général de l'académie de Poitiers ;

- le rectorat a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en saisissant tardivement le comité médical en vue de sa réintégration à l'issue de son congé de grave maladie ;

- la décision du 9 juin 2017 prononçant la prolongation de son congé de grave maladie du 2 juillet 2017 au 1er décembre 2017, ainsi que la décision du 29 novembre 2017 la plaçant en congé sans traitement à compter du 2 décembre 2017, sont illégales dès lors qu'elle avait été déclarée apte à reprendre son emploi dès le mois de décembre 2016 ;

- elle aurait dû bénéficier du revenu de remplacement dès lors qu'elle était apte à exercer un emploi et avait demandé à être reclassée ;

- elle justifie de la réalité et du montant de ses préjudices.

Par un mémoire enregistré le 20 juin 2022, la rectrice de l'académie de Poitiers conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2022.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... ;

- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a été recrutée le 1er octobre 2014 comme agent contractuel de droit public dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée pour exercer les fonctions d'accompagnante des élèves en situation de handicap (AESH). Elle a été placée en congé de grave maladie du 2 décembre 2014 au 1er décembre 2017 puis en congé sans traitement pour inaptitude physique temporaire. Mme D... a ensuite été reclassée en qualité d'adjoint administratif non titulaire à compter du 1er septembre 2018 et a repris le travail à cette date dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Elle relève appel du jugement du 3 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 21 769,03 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de manquements dans la gestion de ses arrêts maladie.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte les signatures de la présidente de la formation de jugement, du conseiller-rapporteur et de la greffière de l'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement n'aurait pas été signé, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, doit être écarté comme manquant en fait.

Sur la recevabilité du mémoire en défense de la rectrice de l'académie de Poitiers :

3. En application des dispositions combinées des articles R. 811-10-4 du code de justice administrative et D. 222-35 du code de l'éducation, la rectrice d'académie est seule compétente pour présenter devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations en défense au nom de l'Etat.

4. Par un arrêté du 27 janvier 2020, publié au recueil des actes administratifs spécial de la région Nouvelle-Aquitaine du 30 janvier 2020, la rectrice de l'académie de Poitiers a donné délégation à M. Jean-Jacques Vial, secrétaire général de l'académie de Poitiers, à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions, dans la limite de ses attributions. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que M. A... n'était pas compétent pour signer, au nom de la rectrice, le mémoire en défense enregistré au greffe de la cour le 20 juin 2022.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. La décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Poitiers a rejeté le recours préalable indemnitaire formé par Mme D... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de la requérante qui, en formulant des conclusions indemnitaires, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la ou les décisions qui ont lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige.

6. Aux termes de l'article 13 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat : " L'agent non titulaire en activité et comptant au moins trois années de service, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. (...) En vue de l'octroi de ce congé, l'intéressé est soumis à l'examen d'un spécialiste agréé compétent pour l'affection en cause. La décision d'octroi est prise par le chef de service sur avis émis par le comité médical saisi du dossier. La composition du comité médical et la procédure suivie sont celles prévues par la réglementation en vigueur pour les fonctionnaires titulaires. Le congé pour grave maladie peut être accordé par période de trois à six mois. ". L'article 17 du même décret prévoit que : " 1° L'agent contractuel physiquement apte à reprendre son service à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie (...) est réemployé dans les conditions définies à l'article 32 ci-dessous. / 2° L'agent contractuel temporairement inapte pour raison de santé à reprendre son service à l'issue d'un congé de maladie ou de grave maladie est placé en congé sans rémunération pour une durée maximum d'une année (...) 3° A l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie (...), lorsqu'il a été médicalement constaté par le médecin agréé qu'un agent se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, le licenciement ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent dans un emploi que la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement de ces agents, n'est pas possible (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que le congé de grave maladie accordé à l'agent contractuel est renouvelé par le chef de service après qu'il ait été examiné par un médecin spécialiste agréé compétent pour l'affection en cause et au vu d'un avis émis par le comité médical. Si, à l'issue du dernier renouvellement de ce congé, l'agent est toujours inapte à reprendre son service, il est placé en congé sans rémunération pour une durée maximum d'une année, puis licencié en cas d'inaptitude définitive et si aucun reclassement n'est possible.

8. En l'occurrence, par un avis du 7 juin 2017, le comité médical a estimé que Mme D... n'était pas apte à reprendre le service et qu'il y avait dès lors lieu de renouveler une dernière fois son congé de grave maladie. Mme D... a ensuite été examinée le 12 janvier 2018 par un médecin expert et, par un nouvel avis du 7 février 2018 rendu au vu du rapport de cet expert, le comité médical a considéré que l'intéressée était définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions mais qu'il était possible de la reclasser sur un emploi administratif. Ce reclassement a pris effet à compter du 1er septembre 2018.

9. D'une part, Mme D... soutient qu'elle était en réalité apte à reprendre son service dès le mois de décembre 2016. Toutefois, les pièces qu'elle produit à l'appui de cette allégation évoquent uniquement la possibilité d'une reprise future en mi-temps thérapeutique ou, à défaut, sur un poste administratif aménagé. Au demeurant, Mme D... a elle-même demandé, par lettre du 4 mai 2017, le renouvellement de son congé de grave maladie dans l'attente d'un reclassement. Or, ainsi qu'il a été dit au point 7, il appartenait à l'administration de placer l'agent en congé de maladie jusqu'à ce qu'elle soit apte à reprendre les fonctions qui étaient contractuellement les siennes avant d'envisager un éventuel reclassement à l'expiration de ses droits à congé de maladie, dans l'hypothèse où son inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions serait médicalement constaté. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que l'administration a commis une faute en la maintenant en congé de grave maladie jusqu'au 1er décembre 2017 puis en la plaçant en congé sans rémunération dans l'attente d'un éventuel reclassement.

10. D'autre part, en demandant le 4 mai 2017 le renouvellement de son congé pour grave maladie dans l'attente d'un éventuel reclassement, puis en indiquant par un courriel du 16 mai 2017 vouloir faire le point sur sa situation administrative et ses droits en précisant que le médecin de prévention lui avait suggéré d'envisager un reclassement, Mme D... ne peut être regardée comme ayant sollicité son reclassement. Elle n'a formalisé une demande en ce sens que le 3 septembre 2017, ainsi que le confirme d'ailleurs un courriel qu'elle a adressé le 5 septembre suivant à l'administration. Au vu de cette demande, ainsi qu'il a été dit au point 8, l'administration a sollicité une expertise médicale qui a eu lieu le 12 janvier 2018. A l'issue de sa séance du 7 février 2018, le comité médical a émis un avis indiquant que Mme D... était définitivement inapte à ses fonctions d'AESH mais qu'un reclassement était envisageable sur un emploi d'agent administratif. Le 28 mars 2018, la rectrice a prononcé son inaptitude définitive à ses fonctions et décidé d'étudier son reclassement. Par lettre du 13 juin 2018, Mme D... a précisé, pour la première fois, qu'elle souhaitait bénéficier d'un reclassement sur un poste situé à trente kilomètres de son domicile ou de son futur domicile et d'un hôpital. Enfin, elle a été effectivement reclassée à l'occasion de la rentrée scolaire 2018.

11. Dans ces conditions, l'appelante, qui en sa qualité d'agent contractuel ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 3 du décret du 30 novembre 1984 relatif au reclassement des fonctionnaires de l'État reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, n'est pas fondée à soutenir que les délais de traitement de sa demande de reclassement auraient été anormalement longs ni, par voie de conséquence, qu'ils caractériseraient une carence fautive de l'administration dans le traitement de cette demande

12. Aux termes de l'article L. 5424-1 du code du travail : " Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 : 1° Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat (...) ". L'article L. 5421-1 du même code précise que : " (...), les travailleurs involontairement privés d'emploi, (...) aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent titre ". Aux termes de l'article L. 5421-3 du même code, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2019 : " La condition de recherche d'emploi requise pour bénéficier d'un revenu de remplacement est satisfaite dès lors que les intéressés sont inscrits comme demandeurs d'emploi et accomplissent, à leur initiative ou sur proposition de l'un des organismes mentionnés à l'article L. 5311-2, des actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise ".

13. Mme D..., qui n'était pas apte à reprendre les fonctions pour l'accomplissement desquelles elle a été recrutée et n'a pas démissionné pour rechercher un autre emploi compatible avec son état de santé, n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été involontairement privée d'emploi. En outre, et en tout état de cause, dès lors qu'elle ne s'est pas inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi, elle ne peut être regardée comme ayant recherché un emploi au sens des dispositions précitées de l'article L. 5421-3 du même code. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en application des dispositions également précitées de l'article L. 5421-1 du code du travail, l'Etat aurait dû lui verser un revenu de remplacement à compter du 2 décembre 2017 et jusqu'à son reclassement.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D..., qui n'établit pas que l'administration aurait commis des fautes dans la gestion de ses congés pour maladie, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté son recours indemnitaire. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... ainsi qu'à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressé à la rectrice de l'académie de Poitiers.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2024.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Laurent PougetLa greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX01048 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01048
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : LELONG DUCLOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-05;22bx01048 ?
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