La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2024 | FRANCE | N°23BX03027

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 04 juin 2024, 23BX03027


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



I. Par une requête, enregistrée sous le numéro 2300073 le 6 janvier 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 7 mars 2023, la société Laperge Energies, représentée par Me Descubes, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :



1°) d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2022 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande d'autorisation de défricher 49,7284 ha de bois situés sur le territoire de la commune de Saint-Jean-d'Illac en vu

e de la réalisation d'une centrale photovoltaïque au sol ;



2°) de mettre à la charge de l'Eta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une requête, enregistrée sous le numéro 2300073 le 6 janvier 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 7 mars 2023, la société Laperge Energies, représentée par Me Descubes, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

1°) d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2022 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande d'autorisation de défricher 49,7284 ha de bois situés sur le territoire de la commune de Saint-Jean-d'Illac en vue de la réalisation d'une centrale photovoltaïque au sol ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le développement d'un projet de parc photovoltaïque relève de l'intérêt public et contribue à la réalisation des objectifs européens, nationaux et locaux de développement des énergies renouvelables ;

- la préfète de la Gironde a fait une inexacte application de l'article L. 341-5 8° du code de l'environnement ; l'étude d'impact présente un caractère complet permettant à l'administration d'apprécier les impacts du projet sur la faune et la flore, notamment les effets du projet sur l'équilibre biologique du territoire ; le défrichement projeté n'est pas de nature à porter atteinte à l'équilibre biologique du territoire ;

- la préfète de la Gironde a fait une inexacte application de l'article L. 341-5 9° du code de l'environnement ; elle a pris toutes les mesures nécessaires pour réduire le risque incendie, à chaque phase du projet.

II. Par une requête, enregistrée sous le numéro 2300076 le 6 janvier 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 7 mars 2023, la société Laperge Energies, représentée par Me Descubes, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

1°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2022 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un permis de construire un parc photovoltaïque au sol, un poste de livraison, six postes de transformation, un container de stockage et une clôture en périphérie sur un terrain situé au lieu-dit " Bois de Laperge " à Saint-Jean-d'Illac ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer le permis de construire ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à venir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;

- le projet n'est pas contraire aux objectifs de la stratégie de l'État pour le développement des énergies renouvelables en Nouvelle-Aquitaine ;

- le projet est conforme à l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme ; le préfet a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions ;

- le motif fondé sur l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme ne peut fonder le refus de permis de construire ;

- le projet est conforme à l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par une ordonnance n° 2300073, 2300076 du 7 décembre 2023, la présidente du tribunal administratif de Bordeaux, après avoir constaté, en application des dispositions des articles R. 311-6, R. 345-1 et R. 345-3 du code de justice administrative, d'une part, le dessaisissement du tribunal pour statuer sur le dossier de la requête n° 2300076 faute d'avoir statué avant le 6 novembre 2023 à minuit, d'autre part, le lien de connexité de cette requête avec celle enregistrée sous le n°2300073, a transmis à la cour administrative d'appel de Bordeaux les dossiers de ces requêtes présentées par la société Laperge Energies.

Procédure devant la cour :

I. Par un mémoire en défense enregistré sous le numéro 23BX03027 le 8 mars 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

La société Laperge Energies a produit un mémoire complémentaire, enregistré le 5 avril 2024.

Par ordonnance du 12 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 avril 2024 à 12h00.

II. Par des mémoires en défense enregistrés sous le numéro 23BX03028 les 27 février et 15 avril 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire complémentaire enregistré le 24 mars 2024, la société Laperge Energies maintient ses précédentes conclusions.

Par ordonnance du 26 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 avril 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bégué, représentant la société Laperge Energies.

Une note en délibéré présentée par la société Laperge Energies dans chacune des deux instances a été enregistrée le 15 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Laperge Energies a déposé le 26 octobre 2020 une demande d'autorisation de défricher 49, 7284 hectares de bois situés sur le territoire de la commune de Saint-Jean d'Illac, en vue d'un projet de construction d'une centrale photovoltaïque au sol, d'une emprise clôturée de 44, 32 hectares, composée de 2 800 tables photovoltaïques. Par un arrêté n° 20-198 du 27 octobre 2022, la préfète de la Gironde a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée. Par un arrêté n° PC-033-422-20-Z0102 du 4 novembre 2022, la préfète de la Gironde a refusé le permis de construire le parc photovoltaïque, le poste de livraison, les six postes de transformation, le container de stockage et la clôture en périphérie pour lesquels une demande avait été déposée par la même société le 7 décembre 2020. La société Laperge Energies a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés préfectoraux des 27 octobre et 4 novembre 2022. Par une ordonnance n° 2300073, 2300076 du 7 décembre 2023, la présidente de ce tribunal, après avoir constaté, en application des dispositions des articles R. 311-6, R. 345-1 et R.345-3 du code de justice administrative, d'une part, le dessaisissement du tribunal en ce qui concerne la requête n° 2300076 faute d'avoir statué avant le 6 novembre 2023 à minuit, d'autre part, le lien de connexité de cette requête avec celle enregistrée sous le n° 2300073, a transmis à la cour administrative d'appel de Bordeaux ces deux requêtes enregistrées sous les n°s 23BX03027 et 23BX03028.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus d'autorisation de défrichement par arrêté du 27 octobre 2022 :

S'agissant de la motivation :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 7° Refusent une autorisation (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. L'arrêté en litige refuse l'autorisation sollicitée, au visa des 8° et 9° de l'article L. 341-5 du code forestier, aux motifs d'une part, que l'impact des milieux boisés et semi-ouverts abritant des espèces protégées n'est pas mesuré et que la séquence éviter-réduire-compenser ( ERC) n'est pas mise en œuvre, d'autre part, que le projet est situé dans un massif forestier caractérisé par un aléa " feu de forêt " fort, et que la réalisation d'une centrale photovoltaïque sur un terrain en contact avec la forêt augmente le risque d'incendie pour la forêt environnante et permet difficilement de garantir la sécurité des biens et des personnes. Cet arrêté comporte ainsi de façon suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté.

S'agissant du risque d'incendie :

4. Aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : (...) / 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population ; / 9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches. " et aux termes de l'article L. 133-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Sont réputés particulièrement exposés au risque d'incendie les bois et forêts situés dans les régions Aquitaine, (...) Poitou-Charentes, (...) à l'exclusion de ceux situés dans des massifs forestiers à moindres risques figurant sur une liste arrêtée par le représentant de l'Etat dans le département, après avis de la commission départementale compétente en matière de sécurité. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la zone d'implantation potentielle du projet est à dominante forestière pour les deux tiers situés au sud, composés de pinèdes, le tiers au nord étant constitué de lande plus ou moins embroussaillée. Comme plus de 83 % de la surface de la commune de Saint-Jean d'Illac, répertoriée " commune à dominante forestière " en annexe du règlement interdépartemental de protection de la forêt contre les incendies, les parcelles, objet de la demande de défrichement, font partie du massif des Landes de Gascogne, d'une surface de plus d'un million d'hectares et composé majoritairement de pins maritimes, arbres résineux extrêmement inflammables. Elles sont intégralement classées en zone d'aléa fort inconstructible pour le risque " feu de forêts " selon le plan de prévention du risque incendie de forêt (PPRIF) approuvé le 19 août 2010 par arrêté préfectoral. L'étude d'impact jointe à la demande du pétitionnaire constate que le département de la Gironde reste le premier département français en termes de nombre de départs de feux de forêt et a été marqué entre 2010 et 2020 par cinq incendies de plus de 500 hectares. L'Atlas départemental du risque d'incendie de forêt de Gironde (GIP ATGeRi, 2009) a recensé près de 5 départs de feu par an entre 1995 et 2006 dans la commune de Saint-Jean d'Illac. Les services de la défense des forêts contre les incendies (DFCI), dans les documents " préconisations pour la protection des massifs forestiers contre les incendies de forêt pour les parcs photovoltaïques " de janvier 2020 et février 2021 identifient les parcs photovoltaïques comme contribuant à l'aggravation du risque susceptible de générer des feux de surface et de modifier la défendabilité des enjeux environnants. Ces documents formulent des recommandations s'agissant notamment des conditions d'accès et de circulation, de préservation des réseaux d'assainissement, d'aménagement des réseaux de desserte électrique, de débroussaillement, de mise en relation avec l'association syndicale autorisée (ASA) pour la définition des tracés des accès au parc, de mise sous surveillance à distance du site. Il n'est pas contesté qu'entre 2015 et 2023, les SDIS des départements des Landes et de la Gironde ont enregistré dans le massif des Landes de Gascogne une douzaine de feux nés dans l'enceinte d'un site photovoltaïque, qui se sont propagés à la végétation alentour, brûlant une surface totale d'environ 62 ha.

6. S'agissant du projet en litige, le service départemental des services d'incendie et de secours (SDIS) a formulé plusieurs recommandations dans ses courriers en date des 9 août 2019, 18 février et 28 août 2020, tenant à la création d'une zone débroussaillée de 50 m en périphérie de l'installation à partir de la clôture à maintenir en état tout le long de l'exploitation, de bandes de roulement de 5 mètres de large de part et d'autre de la clôture, la bande extérieure devant être reliée aux voies d'accès existantes du massif forestier, d'une réserve incendie de 120 m3, accessible à tout moment et sans nécessiter d'entrée dans l'enceinte du parc, de dispositifs assurant la mise en sécurité électrique des installations photovoltaïques en cas d'intervention. Le SDIS préconise également dans le plan d'organisation des secours l'engagement de personnels sur site pour recevoir les services de secours et apporter l'appui technique indispensable à leur action pour la mise en sécurité électrique des installations, sachant que les sapeurs-pompiers ne sont pas habilités à entrer seuls dans l'enceinte d'un tel parc et qu'à défaut, " un impossible opérationnel peut être prononcé ". Si le pétitionnaire entend se conformer au respect de toutes les règlementations en vigueur et prescriptions recueillies, y compris celles publiées après le dépôt du permis de construire, et à prendre toutes mesures supplémentaires pouvant renforcer la vigilance face au risque incendie, en lien avec les services du SDIS et de la DFCI, la mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) de Nouvelle-Aquitaine l'invite, dans son avis du 24 mars 2021 à vérifier que les différentes mesures envisagées sont validées par le SDIS. Le directeur départemental du SDIS a émis le 18 février 2021 un avis défavorable au projet en détaillant très précisément les attendus en termes d'aménagement et en insistant d'une part sur le constat qu'en cas d'incendie sous les panneaux, l'absence d'ilotage et de desserte interne risque de limiter l'engagement de ses équipes, qui se borneront à contenir le feu dans l'enceinte du projet sans y pénétrer, d'autre part, que l'absence de description d'une organisation de crise laisse présager des difficultés. Au surplus, il ressort de l'étude d'impact que le site est éloigné des voies de communication et est uniquement accessible par une piste forestière aux accès limités. Dans son rapport d'enquête publique, le commissaire enquêteur a recensé cinq feux de parcs photovoltaïques depuis 2018, procédé à une brève analyse de leur origine et constaté sur site que la zone d'implantation du projet est traversée sur sa bordure nord-est à nord-ouest par le pipeline d'une société pétrolière, et comprend à proximité une station de pompage de la même société, circonstances sur lesquelles la société demandeuse n'apporte aucun commentaire. Il émet d'ailleurs le 9 septembre 2022 un avis défavorable au motif que le projet présente un risque incendie en zone rouge PRIFF, dans un contexte fortement marqué par la survenance de deux feux de forêts majeurs au cours de l'été 2022. Dans ces conditions, en refusant pour ce motif l'autorisation de défrichement, la préfète de la Gironde n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 341-5 9° du code forestier.

S'agissant de la préservation de l'écosystème :

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'étude d'impact, que les observations de terrain ont révélé la présence sur le site de deux espèces végétales et de trente-sept espèces animales protégées. Selon cette étude, l'impact est qualifié de faible pour le lotier hispide, espèce végétale commune en Aquitaine et non menacée, dont une à deux stations seront visées par les travaux de raccordement. L'engoulevent d'Europe et la fauvette pitchou sont des espèces d'intérêt communautaire, inscrites en annexe I de la directive Oiseau. La fauvette pitchou, fortement menacée au niveau mondial, européen et national, présente un intérêt fort de préservation, tandis que l'engoulevent d'Europe présente un intérêt plutôt modéré. S'agissant de l'obligation légale de débroussaillement, qui va avoir des effets sur les habitats et les nichées, les impacts bruts sont forts pour plusieurs espèces d'oiseaux, notamment la fauvette pitchou, ainsi que pour le papillon, le fadet des Laîches, espèce d'intérêt communautaire et menacée, et modérés s'agissant de l'engoulevent d'Europe. Les impacts résiduels sont qualifiés de modérés après la mise en œuvre de mesures de réduction et d'accompagnement, consistant à adapter le calendrier des travaux aux enjeux écologiques, respecter l'emprise du projet et mettre en défense des secteurs d'intérêt écologique préservés, prévoir un suivi écologique et une gestion adaptée de la végétation pendant l'exploitation. Toutefois, l'extension de l'obligation légale de débroussaillage (OLD) de 50 à 100 m entraine une augmentation des superficies impactées pour les habitats des passereaux patrimoniaux locaux (la fauvette pitchou en premier lieu) et du fadet des laîches. L'entretien annuel, réalisé durant la période sensible du printemps et de l'été du fait du fort risque incendie existant dans la commune, s'accompagne, durant toute l'exploitation, de la destruction des broussailles appréciées par les oiseaux présents pour leur nidification (à hauteur de 6, 47 ha) et de la perturbation des landes abritant en partie la molinie bleue, plante hôte du fadet des laîches (à hauteur de 7, 01 ha). Il ressort enfin des pièces du dossier que la société requérante a non seulement déposé au mois de novembre 2020 un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées pour le fadet des laîches, la fauvette pitchou, l'engoulevent d'Europe et le lotier hispide, mais a également prévu des mesures de compensation des boisements, à hauteur de 2 pour 1 pour les pinèdes et de 1 pour 1 pour les feuillus et le lotier hispide, pour les espèces impactées à hauteur de 17, 53 hectares pour le fadet des laîches, de 13,65 ha pour les passereaux landicoles et de 0,93 ha pour l'engoulevent d'Europe. Il ressort des pièces du dossier que la mission régionale d'autorité environnementale, dans son avis du 24 mars 2021, estime que la justification de la localisation du projet n'est pas satisfaisante, dès lors que son implantation a lieu en partie sur des zones humides et impacte des habitats d'espèces protégées et que les mesures de compensation ne sont pas convenablement dimensionnées. D'ailleurs, le commissaire enquêteur cite les observations de l'office français de la biodiversité (OFB), qui corroborent l'avis de la MRAE, et constatent que les travaux d'installation peuvent avoir des incidences durables sur la phase d'exploitation par la fragmentation du milieu, la destruction de corridors écologiques, l'implantation de barrières. Concernant les populations d'oiseaux, l'OFB relève que, l'observation pour certaines espèces d'un comportement " d'aversion " a été relatée, c'est-à-dire qu'elles évitent tout simplement les centrales photovoltaïques. Pour certaines espèces d'insectes et de chauves-souris (présentes sur le site du bois de Laperge), les panneaux selon l'angle d'inclinaison sont confondus avec un plan d'eau, et constituent un " piège sensoriel ". Dans ces conditions, au regard des conséquences dommageables du projet sur l'environnement, en estimant que l'impact de la destruction des milieux boisés et semi-ouverts abritant des espèces protégées n'est pas mesuré et que le projet de défrichement porte atteinte à l'équilibre biologique du territoire au sens de l'article L. 341-5 8° du code forestier, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne le refus de permis de construire par arrêté du 4 novembre 2022 :

8. L'arrêté contesté a été signé par M. A..., sous-préfet de Libourne, lequel, en qualité de secrétaire général de la préfecture de la Gironde par intérim, a reçu, par arrêté de la préfète de la Gironde en date du 30 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la Gironde n°33-2022-192 du même jour, délégation pour signer tous arrêtés et décisions, à l'exception des réquisitions de la force armée, des propositions de nomination dans l'Ordre de la légion d'honneur et des actes portant aliénation des immeubles appartenant à l'Etat, à partir d'un montant de 200 000 euros. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme : " Conformément à l'article L. 341-7 du nouveau code forestier, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement prévue aux articles L. 341-1 et L. 341-3 du même code, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis . ".

10. Faute pour le pétitionnaire d'avoir obtenu préalablement l'autorisation de défrichement requise, comme l'exige l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme, la préfète de la Gironde était tenue, ainsi qu'elle l'a fait par son arrêté du 4 novembre 2022, de refuser de délivrer le permis de construire sollicité. Compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait la préfète de la Gironde, les moyens invoqués par la société appelante à l'encontre du refus de permis de construire ne peuvent par suite qu'être écartés comme inopérants.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Laperge Energies n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés des 27 octobre et 4 novembre 2022 par lesquels la préfète de la Gironde a refusé de lui accorder une autorisation de défrichement et un permis de construire. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société Laperge Energies sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Laperge Energies, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera communiquée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juin 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chacun en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX03027, 23BX03028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX03027
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : RIVIERE AVOCATS ASSOCIES;RIVIERE AVOCATS ASSOCIES;RIVIERE AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;23bx03027 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award