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30/05/2024 | FRANCE | N°23BX02911

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 30 mai 2024, 23BX02911


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2023 par lequel le préfet de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour de deux ans, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.



Par un jugement n° 2302856 du 23 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribun

al administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2023 par lequel le préfet de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour de deux ans, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2302856 du 23 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023, M. C..., représenté par Me Bonnet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 17 octobre 2023 ainsi que la décision d'assignation à résidence du même jour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai est entachée d'un défaut d'examen de sa situation, dès lors qu'il est entré en France en 2008 par la voie du regroupement familial et qu'il a été muni d'un titre de séjour à sa majorité, et que le procès-verbal de fin de retenue n'indique pas le début du contrôle et donc de la retenue administrative ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'entré sur le territoire avant l'âge de dix ans et s'y étant maintenu depuis lors, il ne peut faire l'objet d'un éloignement en application des dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, puisqu'il est entré en France mineur afin de rejoindre sa mère et qu'il est très proche de sa grand-mère ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire n'est ni justifiée ni proportionnée dès lors qu'il est présent en France depuis l'âge de 10 ans, qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il y a effectué sa scolarité et y dispose d'attaches familiales fortes ;

- elle doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- la décision d'assignation à résidence porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, et doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement.

Par une ordonnance du 4 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mars 2024.

Par lettre du 3 avril 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les moyens dirigés contre l'interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans, qui n'avait fait l'objet d'aucun moyen devant le premier juge, relèvent d'une cause juridique nouvelle en appel et sont, pour ce motif, irrecevables.

Le préfet de la Vienne a produit un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.

M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant camerounais né le 22 juin 1998, déclare être entré en France mineur, en 2008, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial initiée par sa mère, Mme A..., titulaire d'une carte de résident. A la suite de son interpellation dans le cadre d'un contrôle routier, il a fait l'objet, par le préfet de la Vienne, d'un arrêté du 17 octobre 2023, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans, ainsi que d'une décision datée du même jour l'assignant à résidence pendant 45 jours.

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) ".

3. D'une part, M. C... n'apporte aucune pièce pour établir qu'il serait entré régulièrement sur le territoire français, notamment en bénéficiant d'un regroupement familial en 2008 afin de rejoindre sa mère, comme il l'affirme pourtant. D'autre part, au soutien de son allégation selon laquelle il résiderait habituellement en France depuis l'âge de 10 ans et y aurait été scolarisé du CM2 à la classe de seconde, il produit des certificats de scolarité pour la période d'avril 2009 à juin 2010 et pour l'année scolaire 2015-2016 seulement, un récépissé de demande de carte de séjour valable du 20 juin au 19 octobre 2016, ainsi qu'un billet de sortie relatif à une incarcération au centre pénitentiaire de Châteauroux du 10 novembre 2017 au 7 mai 2022. M. C... ne démontre pas, par ces seules pièces, avoir résidé habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans et être, pour cette raison, protégé contre un éloignement. Par suite, en édictant à l'encontre de l'intéressé une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Vienne, qui a procédé à un examen particulier de sa situation, n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions précitées.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... peut être regardé comme ayant huit ans de présence en France, dont quatre ans et demi passés en prison. Il est célibataire, sans enfant. S'il soutient que sa mère, sa grand-mère, son frère, ainsi que des tantes résident sur le territoire et possèdent, pour certains d'entre eux, la nationalité française, il n'est pas établi que ses attaches seraient telles qu'une mesure d'éloignement y porterait une atteinte disproportionnée, alors qu'il ne produit au soutien de son allégation qu'un avis d'échéance de loyer concernant sa mère. Il est sans emploi, sans ressources et vit dans une voiture. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les décisions fixant le pays de renvoi, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français et l'assignant à résidence devraient être annulées par voie de conséquence.

7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que M. C... aurait soulevé des moyens à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans. Par suite, la contestation du bien-fondé et de la proportionnalité de cette décision est nouvelle en appel et, comme telle, irrecevable.

9. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier, au vu des éléments factuels énoncés au point 5, que la décision par laquelle le préfet de la Vienne a, dans l'attente de l'exécution de l'éloignement, assigné à résidence M. C... dans le département, avec une obligation de se présenter au commissariat de police de Poitiers trois fois par semaine, porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2024.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX02911


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02911
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : BONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-30;23bx02911 ?
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