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30/05/2024 | FRANCE | N°22BX00944

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 30 mai 2024, 22BX00944


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 9 décembre 2020 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours préalable à l'encontre de la délibération de la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) Sud-Ouest du 15 juin 2020 qui lui a refusé le renouvellement de sa carte professionnelle d'agent de sécurité, et

d'enjoindre sous astreinte au CNAPS de lui délivrer cette carte professionnelle.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 9 décembre 2020 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours préalable à l'encontre de la délibération de la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) Sud-Ouest du 15 juin 2020 qui lui a refusé le renouvellement de sa carte professionnelle d'agent de sécurité, et d'enjoindre sous astreinte au CNAPS de lui délivrer cette carte professionnelle.

Par un jugement n° 2100093 du 27 janvier 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mars 2022 et un mémoire enregistré

le 20 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Stinco, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération de la CNAC du 9 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au CNAPS de lui délivrer une carte professionnelle d'agent de sécurité sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du CNAPS une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- il a fourni à son cousin une somme de 1 000 euros à sa demande sans avoir aucune connaissance de l'existence d'un trafic de drogue, il n'a pas été placé en garde à vue du 18 au

22 février 2019 mais seulement durant quelques heures, et il a été remis en liberté après son audition ; l'ordonnance du juge d'instruction renvoyant l'affaire devant le tribunal correctionnel de Pontoise démontre que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, aucune complicité dans une affaire de trafic de stupéfiants ne lui est imputable ; si sa compagne a déposé plainte à son encontre pour violences conjugales, elle a menti sous le coup de la colère, ainsi qu'elle en atteste ; au demeurant, ces faits matériellement inexacts étaient anciens à la date de la décision, et il a seulement été condamné le 13 avril 2017 à une amende délictuelle de 600 euros sans mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire ; le CNAPS n'apporte pas la preuve d'agissements permettant de justifier un refus de carte professionnelle, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance du juge des référés du 2 février 2021 qui a suspendu l'exécution de la délibération

du 9 décembre 2020 ; ainsi, la matérialité des faits sur lesquels la décision est fondée n'est pas établie et la délibération est entachée d'erreur de droit ;

- il a toujours été irréprochable dans l'exercice de ses fonctions, ainsi qu'en attestent plusieurs de ses collègues, et un nouveau contrat lui a été proposé le 4 février 2022 par la société ICTS chargée du recrutement des agents de sûreté de l'aéroport de Mérignac ; dès lors qu'il ne représente aucun risque d'atteinte à la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, la décision est entachée d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2022, le CNAPS, représenté par le cabinet Centaure Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la délibération est suffisamment motivée ;

- la matérialité des faits est établie, ainsi qu'il ressort des pièces produites en première instance, et eu égard à leur gravité, la délibération n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 17 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Coquillon, représentant le CNAPS.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 15 juin 2020, la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) Sud-Ouest a refusé de renouveler la carte professionnelle d'agent de sécurité de M. A..., agent de sûreté à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac, et le recours administratif préalable de l'intéressé a été rejeté par une délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) du 9 décembre 2020. M. A... relève appel du jugement du 27 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière délibération.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. " Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. La délibération du 9 décembre 2020 relève, d'une part, que M. A..., a été placé en garde à vue en 2019 pour avoir envoyé une somme d'argent à une personne chargée de récupérer un colis contenant de la cocaïne, et d'autre part, qu'il a été condamné le 13 avril 2017 à une peine de 600 euros d'amende pour des faits de violences sur conjoint commis le 26 février 2017. Elle indique que ces faits graves et récents, dont la matérialité est établie, révèlent un comportement contraire à la probité et de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, laquelle constitue la principale mission des agents de sécurité privée, et conclut que les conditions requises par le 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure ne sont pas satisfaites. Cette motivation, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles la CNAC s'est fondée pour rejeter le recours préalable de M. A..., est régulière au regard des dispositions citées au point précédent. La contestation de la matérialité et de la gravité des faits reprochés relève du bien-fondé, et non de la régularité du refus de renouvellement de la carte professionnelle d'agent de sécurité.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : / 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ; (...) ". Aux termes de l'article L. 612-20 du même code : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 (...) : 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par les dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'elle est saisie d'une demande de délivrance ou de renouvellement de carte professionnelle pour l'exercice de la profession d'agent privé de sécurité, l'autorité administrative compétente procède à une enquête administrative. Cette enquête, qui peut notamment donner lieu à la consultation du traitement automatisé de données à caractère personnel mentionné à l'article R. 40-23 du code de procédure pénale, vise à déterminer si le comportement ou les agissements de l'intéressé sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat, et s'ils sont ou non compatibles avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité. Pour ce faire, l'autorité administrative procède, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à une appréciation globale de l'ensemble des éléments dont elle dispose. A ce titre, si la question de l'existence de poursuites ou de sanctions pénales est indifférente, l'autorité administrative est en revanche amenée à prendre en considération, notamment, les circonstances dans lesquelles ont été commis les faits qui peuvent être reprochés au pétitionnaire ainsi que la date de leur commission.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la CNAC a eu connaissance, lors de l'enquête administrative qu'elle a réalisée, de la mise en cause de M. A... en qualité de complice de faits d'acquisition non autorisée de stupéfiants, commis du 18 au 22 février 2019. Invité à présenter ses observations, M. A... a indiqué qu'un membre de sa famille impliqué dans cette affaire lui avait demandé de lui envoyer une somme d'argent en 2019, ce qu'il avait fait, qu'il avait été placé en garde à vue dans le cadre de l'instruction, et qu'il avait été libéré après son audition, aucune charge ne pesant sur lui. Toutefois, le procès-verbal de l'audition de M. A... lors de sa garde à vue le 16 juillet 2019, produit par le CNAPS devant les premiers juges, fait apparaître que contrairement à ce qu'affirme le requérant, le mandat de 1 000 euros qu'il a envoyé à la demande de son cousin n'était pas destiné à ce dernier, mais à une tierce personne qu'il ne connaissait pas, sans qu'il soit en mesure d'expliquer pourquoi il avait accédé à une telle demande, et que la destinataire du mandat avait été chargée de récupérer un colis contenant 2 kg de cocaïne. En outre, M. A..., interrogé sur d'autres mandats qu'il avait envoyés à diverses autres personnes entre le 1er janvier 2018 et le 15 mai 2019 pour un montant total de 10 950 euros, a donné des réponses peu crédibles, et il a admis, après avoir entendu l'enregistrement d'une communication interceptée par les services de police entre lui-même et son cousin, que ce dernier envoyait de la résine de cannabis au " pays " (Martinique) et recevait en contrepartie de la cocaïne. Dans ces circonstances, il ne peut sérieusement soutenir qu'il aurait tout ignoré du trafic de stupéfiants auquel il a participé en effectuant un règlement pour le compte de son cousin.

7. D'autre part, il est constant que M. A... a été condamné à 600 euros d'amende avec sursis pour violences sur conjoint par un jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 13 avril 2017, pour des faits commis le 26 février 2017. Contrairement à ce que soutient le requérant, le courrier de sa compagne, avec laquelle il vit toujours, exprimant des regrets pour avoir appelé la police compte tenu des conséquences de l'incident sur la situation professionnelle de son conjoint, n'indique pas qu'elle aurait menti, mais précise que lors d'une dispute, M. A... l'a giflée, bousculée et secouée à plusieurs reprises. Ainsi, la matérialité des violences conjugales est établie.

8. Si les faits isolés de violences conjugales étaient relativement anciens à la date de la délibération contestée, ceux d'implication dans un trafic de stupéfiants étaient récents, et révèlent un comportement contraire à l'honneur et à la probité, de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat, et donc incompatible avec l'exercice des fonctions d'agent de sécurité, sans que M. A... puisse utilement se prévaloir ni de l'absence de poursuites pénales à son encontre, ni de son professionnalisme attesté par plusieurs collègues, ni de la suspension

de l'exécution de la délibération de la CNAC du 9 décembre 2020 par une ordonnance du juge des référés n° 2100094 du 2 février 2021 antérieure au jugement attaqué, en l'absence de défense du CNAPS. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit au regard des dispositions de

l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure citées au point 4 et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au conseil national des activités privées de sécurité. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.

La rapporteure,

Anne C...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX00944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00944
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-30;22bx00944 ?
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