La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2024 | FRANCE | N°22BX02675

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 23 mai 2024, 22BX02675


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et, d'autre part, l'arrêté en date du 30 juin 2022 par lequel la préfète de la Haut

e-Vienne l'a assignée à résidence dans la commune de Limoges pour une durée de quarante-cinq...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et, d'autre part, l'arrêté en date du 30 juin 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne l'a assignée à résidence dans la commune de Limoges pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2200917 du 6 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de Mme A....

Par un jugement n° 2200917 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 13 juin 2022 par laquelle la préfète de la Haute-Vienne a refusé d'admettre Mme A... au séjour, enjoint à la préfète de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour et condamné l'Etat à verser à Me Toulouse la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 octobre 2022 et 14 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Toulouse, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges du 6 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'annuler l'arrêté en date du 30 juin 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne l'a assignée à résidence dans la commune de Limoges pour une durée de quarante-cinq jours ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à venir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les articles L. 412-3 et L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifiait de circonstances exceptionnelles faisant obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français ;

- la préfète ne pouvait prononcer une nouvelle interdiction de retour sur le territoire français alors qu'une précédente interdiction de retour sur le territoire français, prononcée le 11 juin 2020, était encore en vigueur ;

- l'assignation à résidence, elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;

- par jugement du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 13 juin 2022 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, la préfète de la Haute-Vienne conclut au non-lieu à statuer en faisant valoir que la requérante a été mise en possession d'un titre de séjour. Elle conclut en revanche au rejet des conclusions à fin de versement des frais liés au litige.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante bangladaise, est entrée en France en juillet 2019 à l'âge de 17 ans avec ses parents et sa sœur. La demande d'asile présentée en son nom par ses parents a été définitivement rejetée par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 28 avril 2021. Elle a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français prise par le préfet du Jura le 11 juin 2020. Le 8 février 2022, Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante. Par un arrêté du 13 juin 2022, le préfet de la Haute-Vienne lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée d'un an. Par un arrêté du 30 juin 2022, le même préfet a assigné Mme A... à résidence dans le département de la Haute-Vienne pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2200917 du 6 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions de la requête de Mme A... dirigées contre la décision du 13 juin 2022 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et a rejeté les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays d'éloignement et assignation à résidence. Par un jugement n° 2200917 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 13 juin 2022 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a refusé d'admettre Mme A... au séjour et lui a enjoint de réexaminer sa demande. Mme A... relève appel du jugement du magistrat désigné du 6 juillet 2022.

Sur l'exception de non-lieu :

2. La circonstance que la préfète de la Haute-Vienne a délivré le 17 janvier 2023 un titre de séjour à Mme A... qui lui a été remis le 14 février suivant ne vaut pas abrogation implicite des décisions du 13 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays d'éloignement et interdiction de retour dès lors que le titre de séjour délivré à Mme A... l'a été en exécution de l'injonction de réexamen prononcée par le tribunal administratif dans son jugement du 10 novembre 2022. Par ailleurs, et en tout état de cause, il y a toujours lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 juin 2022 portant assignation de Mme A... à résidence, arrêté qui a été entièrement exécuté. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par la préfète de la Haute-Vienne ne peut qu'être écartée.

Sur la légalité des décisions du 13 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays d'éloignement ainsi que de l'arrêté du 30 juin 2022 portant assignation à résidence :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".

4. Par un jugement n° 2200917 du 10 novembre 2022 devenu définitif, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 13 juin 2022 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a refusé d'admettre Mme A... au séjour. L'annulation de la décision de refus de séjour prononcée par le tribunal administratif prive ainsi de base légale la décision du 13 juin 2022 faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français dont elle était assortie, ainsi que, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant le pays d'éloignement et lui interdisant le retour et l'arrêté du 30 juin 2022 l'assignant à résidence.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 6 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du 13 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire, fixant le pays d'éloignement et lui interdisant le retour et de l'arrêté du 30 juin 2022 l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Il résulte de l'instruction que le titre de séjour délivré par le préfet de la Haute-Vienne à Mme A... le 17 janvier 2023 n'était valide que jusqu'au 16 janvier 2024. Ainsi, à la date du présent arrêt Mme A... n'est plus titulaire d'un titre de séjour. Toutefois, le présent arrêt, qui ne prononce pas l'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à la requérante. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire implique en revanche, en application des dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Vienne de réexaminer la situation personnelle de Mme A... et de statuer à nouveau sur son cas. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de délivrer à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Toulouse de la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 2200917 du 6 juillet 2022 du tribunal administratif de Limoges, l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 13 juin 2022 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour et l'arrêté du 30 juin 2022 portant assignation à résidence sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Toulouse, avocat de Mme A..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, au préfet de la Haute-Vienne et à Me Toulouse.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2024.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02675
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : CABINET AVOC'ARENES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;22bx02675 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award