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23/05/2024 | FRANCE | N°22BX00362

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 23 mai 2024, 22BX00362


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... B... et Mme F... G..., épouse B..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 9 janvier 2020 par laquelle le maire de Bordeaux a délivré à M. A... H... et Mme D... C... un permis de construire en vue de la surélévation de la partie arrière de leur maison individuelle implantée au 99 rue Terrasson sur la parcelle cadastrée section EM n° 338 ainsi que la décision du 19 mars 2021 par laquelle le maire de Bordeaux a délivré à ces der

niers un permis de construire modificatif.



Par un jugement n° 2000903 du 2 décem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... et Mme F... G..., épouse B..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 9 janvier 2020 par laquelle le maire de Bordeaux a délivré à M. A... H... et Mme D... C... un permis de construire en vue de la surélévation de la partie arrière de leur maison individuelle implantée au 99 rue Terrasson sur la parcelle cadastrée section EM n° 338 ainsi que la décision du 19 mars 2021 par laquelle le maire de Bordeaux a délivré à ces derniers un permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 2000903 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er février 2022, M. E... B... et Mme F... G... épouse B..., représentés par Me Maixant, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2020 par lequel le maire de Bordeaux a accordé un permis de construire à M. A... H... et Mme D... C... ;

3°) d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le maire de Bordeaux a délivré à M. A... H... et Mme D... C... un permis de construire modificatif ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux une somme de 3 600 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils disposent d'un intérêt à agir au titre de l'article L.600-1-2 du code de l'urbanisme dès lors qu'ils sont voisins immédiats du terrain d'assiette du projet qui engendrera des vues directes sur leur cour ainsi qu'une perte de luminosité et d'ensoleillement de leur propriété ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a opéré un contrôle restreint de l'intégration du bâti dans son environnement, au lieu d'un contrôle normal et que le tribunal a omis de statuer sur les exigences de conservation de la construction existante prévues par les articles 2.4.1.2 et 2.4.12.2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Bordeaux ;

- le projet initial comme le projet modifié méconnaissent les articles 2.1.5, 2.4.1.1 et 2.4.1.2 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de la commune de Bordeaux ;

- le projet, en tant qu'il projette d'élever un mur de plus de deux mètres au droit de la cheminée de leur propre maison, méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2022, la commune de Bordeaux, représentée par Me Berard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 14 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- les observations de M. B... et de Me Berard, représentant la commune de Bordeaux.

Considérant ce qui suit :

1. M. H... et Mme C..., propriétaires d'une maison d'habitation située sur la parcelle cadastrée section EM n°338 à Bordeaux, ont déposé le 31 octobre 2019, une demande de permis de construire en vue de surélever leur maison. Par un arrêté du 19 décembre 2019, leur demande a été rejetée. Cet arrêté a été retiré par le maire de Bordeaux le 8 janvier 2020. Ce dernier leur a délivré le permis de construire sollicité par arrêté du 9 janvier 2020. Un permis de construire modificatif sollicité par les pétitionnaires le 16 février 2021 a été accordé par un arrêté du maire de Bordeaux du 19 mars 2021. Par un jugement n° 2000903 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions présentées par M. et Mme B..., voisins des pétitionnaires, à fin d'annulation des arrêtés des 9 janvier 2020 et 16 février 2021. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort du jugement attaqué, en particulier des points 15 et 19, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés devant eux, ont examiné les moyens soulevés devant eux et tirés de ce que le projet méconnaît les articles 2.4.1.2 et 2.4.1.2.2 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de la commune de Bordeaux. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement contesté doit être écarté.

3. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. et Mme B... ne peuvent donc utilement, pour demander l'annulation du jugement attaqué pour irrégularité, se prévaloir de l'erreur relative au degré de contrôle des arrêtés attaqués qu'auraient commise les premiers juges, un tel grief ne se rapportant pas à la régularité du jugement mais à son bien-fondé.

Sur la légalité des arrêtés des 9 janvier 2020 et 16 février 2021 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 2.1.5 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux : " a) constructions protégées (...) Les travaux sur les constructions protégées doivent respecter les prescriptions règlementaires des articles du présent règlement écrit et des plans au 1/1000° dits " ville de pierre ". Ils doivent assurer la conservation et la mise en valeur des clôtures, des bâtiments, des structures, des matériaux, des éléments et des décors qui les caractérisent et qui leur confèrent une valeur architecturale, urbaine, historique et/ou culturelle. (...) Toutefois, à condition de ne pas en altérer le caractère (...) les travaux de surélévation et/ou d'extension peuvent être autorisés s'ils améliorent la qualité des constructions protégées, leur aspect extérieur, leur insertion dans le paysage urbain et/ou dans l'environnement. ". Aux termes de l'article 2.4.1.1 du même règlement, relatif à l'aspect extérieur des constructions : " L'implantation des constructions, leur architecture, leurs dimensions et leur aspect extérieur doivent être adaptés au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. / Les travaux réalisés sur les constructions existantes doivent tenir compte de leur architecture, de leur environnement et notamment des " ensembles urbains protégés " tels les séquences urbaines, figures urbaines ou perspectives urbaines repérés aux plans au 1/1000° dits " ville de pierre ". / Les extensions, surélévations, adjonctions de construction doivent s'intégrer dans une composition d'ensemble en rapport avec la ou les constructions protégées situées sur le terrain d'assiette du projet. (...) Le choix des matériaux et des teintes peut se faire en contraste ou en continuité avec les matériaux des constructions protégées existantes sur le terrain ou avoisinantes (...) ". Aux termes de l'article 2.4.1.2 de ce règlement, relatif aux constructions protégées : " Les travaux réalisés sur les constructions protégées repérées aux plans au 1/1000° dits " ville de pierre " doivent conduire à les mettre en valeur, à remédier à leurs altérations et à conforter la cohérence des paysages urbains. / Par sa conception et par sa mise en œuvre, toute intervention sur une construction protégée doit assurer la conservation et la mise en valeur des caractères de la construction et de ses éléments sans les altérer ".

5. Il est constant que la maison de M. H... et Mme C... est une construction à protéger de type échoppe, se situant dans une séquence urbaine protégée au titre du plan " ville de pierre " relatif aux zones UP1 et UP2 du plan local d'urbanisme de Bordeaux métropole, compte tenu de sa situation caractérisée par la présence de maisons ou échoppes en pierre d'architecture traditionnelle.

6. Le projet tel que modifié par le permis de construire modificatif prévoit en ce qui concerne la façade donnant sur la rue Terrasson d'une part, de reprendre le soubassement en pierre massive auto-portante, de changer la menuiserie donnant sur la rue Terrasson par une menuiserie en bois de couleur blanc cassé et d'ajouter des volets en bois peints en blancs. Ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces travaux ne méconnaissent pas l'exigence de conservation des constructions prévue par les dispositions du document d'urbanisme. Par ailleurs, s'il est vrai que la surélévation du bâti, en fond de parcelle, aboutira au remplacement d'une toiture qui est actuellement à trois pans par une toiture à deux pans, il ressort des pièces du dossier que cette transformation de la toiture, avec un matériau de couverture identique, la rend plus conforme aux constructions environnantes, comportant traditionnellement des toitures à deux pans. Enfin, les requérants font valoir que le projet, tel qu'il a été modifié, conduira à un décrochage entre les façades arrière des deux maisons mitoyennes. Toutefois ce léger décrochage ne sera pas visible depuis la rue et compte tenu des matériaux utilisés constitués de tuiles canal neuves pour la toiture et d'un enduit ton blanc cassé pour l'extension partielle en R+1, comme à l'existant, et du rétablissement de la forme traditionnelle des toitures à deux pans dans le secteur, le projet modifié ne porte pas atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2.4.1.1 du règlement du plan local d'urbanisme ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

8. Le projet initial comportait un toit terrasse végétalisé contribuant à la modification de la forme et de l'aspect de la toiture. Toutefois, le projet modifié ne prévoit plus un tel toit-terrasse végétalisé. Par suite, M. et Mme B... ne peuvent utilement invoquer cette caractéristique du projet initial pour soutenir que l'arrêté du 9 janvier 2020 méconnaît les articles 2.1.5, 2.4.1.1 et 2.4.1.2 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de la commune de Bordeaux.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 2.4.1.2.2 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux, relatif aux toitures des constructions protégées : " Tous travaux entrepris sur les toitures doivent contribuer à maintenir et mettre en valeur la construction. / La modification de la forme de toiture, de la pente et des matériaux de couverture est autorisée : - si elle rétablit les formes, pentes et matériaux conformes à l'architecture de la construction ; - dans le cadre d'un raccordement aux héberges et pentes des toitures environnantes ". Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme précise quant à lui, au titre de la " retranscription dans les zones UP " de la protection de l'ensemble dénommé la " ville de pierre ", que " l'objectif n'est pourtant pas de geler le patrimoine " mais de " préserver l'intérêt patrimonial de la ville et de permettre son évolution à partir de ses propres caractères ; il s'agit de s'adapter à la particularité des tissus et des édifices, sans pour autant priver la ville d'expressions architecturales contemporaines " et, en particulier, de " respecter les gabarits urbains et privilégier la construction sur l'arrière des parcelles profondes afin d'éviter les surélévations sur rue ".

10. Si le remplacement de la toiture à trois pans de la maison par une toiture à deux pans ne tend pas à rétablir les formes et pentes de l'architecture de la construction initiale et si la nouvelle toiture ne se raccordera pas aux héberges et pentes des toitures des deux constructions environnantes, immédiatement adjacentes à l'est et à l'ouest de la maison de M. H... et Mme C..., elle ne peut pour autant être regardée comme méconnaissant les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme citées au point précédent dès lors que ces dispositions, qui doivent être interprétées au regard des explications contenues dans le rapport de présentation, n'interdisent pas des toitures à deux pans et que la partie arrière, invisible depuis la rue, ne présente aucune valeur architecturale, urbaine, historique et/ou culturelle au sens des dispositions du a/ de l'article 2.1.5. du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme. En outre, il n'est pas contesté que le projet modifié vise à améliorer l'aspect extérieur de la construction existante, notamment la façade donnant sur la cour qui est, en l'état, délabrée. Par suite, en accordant le permis de construire litigieux, le maire de Bordeaux n'a pas fait une inexacte application, des dispositions précitées de l'article 2.4.1.2.2 du règlement de la zone UP1 du plan local d'urbanisme de Bordeaux.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

12. Si M. et Mme B... invoquent notamment les risques liés à la sécurité en raison de la faible distance séparant le conduit de leur cheminée du mur de surélévation de la construction projetée, aucune pièce du dossier ne permet de confirmer la réalité des risques d'incendie allégués. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Bordeaux aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme en délivrant le permis de construire contesté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bordeaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. et Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Bordeaux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme B... verseront une somme de 1 500 euros à la commune de Bordeaux au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., Mme F... G..., épouse B..., M. A... H..., Mme D... C... et à la commune de Bordeaux.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00362
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : MAIXANT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;22bx00362 ?
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