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21/05/2024 | FRANCE | N°23BX02894

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 21 mai 2024, 23BX02894


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2303839 du 30 octobre 2023, le

tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2303839 du 30 octobre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

I°) Par une requête enregistrée sous le n° 23BX02894 le 23 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 octobre 2023 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 2 juin 2023 du préfet de la Gironde ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale", à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il doit être justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;

S'agissant du refus de titre de séjour :

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils ; l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnait l'intérêt supérieur de l'enfant et l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

- la décision est entachée d'une erreur de droit ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnait l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait l'intérêt supérieur de l'enfant et l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de l'interdiction de retour :

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- il est entré en France et a demandé l'asile car il craignait des persécutions et maltraitances ; tant son départ à un jeune âge que le développement de sa vie privée en France témoignent de ce qu'un retour au Cameroun comporterait plusieurs risques.

Par un mémoire enregistré le 7 février 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 31 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mars 2024 à 12h00.

Un mémoire de Me Cesso pour M. A... a été enregistré le 11 avril 2024, soit après la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

II°) Par une requête enregistrée sous le n° 23BX02895 le 23 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2303839 du 30 octobre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux.

Il soutient que :

- son éloignement à destination du Cameroun aurait des conséquences difficilement réparables ; il est en danger dans son pays, quand bien même n'a-t-il pas obtenu l'asile ; il sera privé de tout lien avec son fils et ne pourra plus exercer son droit de visite progressif mis en place par le juge aux affaires familiales ; il a contribué à l'entretien et l'éducation de son fils et a respecté toutes les conditions fixées par le juge aux affaires familiales ;

- la décision méconnait l'intérêt supérieur de l'enfant et l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire enregistré le 7 février 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 31 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mars 2024 à 12h00.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par des décisions des 20 décembre 2023 et 16 janvier 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bénédicte Martin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais, né le 10 mai 2000, serait entré en France le 13 juillet 2017 selon ses dires. Sa demande d'asile a été rejetée le 19 octobre 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Il s'est vu délivrer du 11 février 2022 au 10 février 2023 un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français par le préfet de la Gironde. Par un arrêté du 2 juin 2023, le préfet de la Gironde a rejeté la demande de M. A... de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 30 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2023. L'appelant sollicite également le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes enregistrées sous les n°s 23BX02894 et 23BX02895 présentées par M. A..., tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement du 30 octobre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

3. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle des 20 décembre 2023 et 16 janvier 2024, il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

4. Mme Le Bonnec, secrétaire générale de la préfecture de la Gironde, qui a signé l'arrêté litigieux, bénéficiait d'une délégation de signature par un arrêté du préfet de la Gironde du 30 janvier 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 33-2023-021 du 30 janvier 2023 à l'effet de signer notamment toutes les décisions concernant les attributions de l'Etat dans le département de la Gironde à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions de refus de titre de séjour, relatives à l'éloignement et les décisions accessoires s'y rapportant. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

6. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Gironde s'est fondé sur deux motifs tirés, d'une part, de ce que l'intéressé n'établissait pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans et, d'autre part, de ce que sa présence en France constituait une menace à l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier que, pour faire suite à des violences commises sur sa compagne, Mme C..., le juge des libertés et de la détention a placé M. A... sous contrôle judiciaire à compter du 11 octobre 2022 assorti d'une interdiction de contact avec la mère de son fils, né le 28 mars 2021, lequel a pris fin le 3 mars 2023, date à laquelle l'appelant a été condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux à une peine d'emprisonnement de cinq mois avec sursis, pour violence sans incapacité, en présence d'un mineur, par une personne, étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire liés à la victime par un pacte civil de solidarité. Le tribunal correctionnel de Bordeaux a également prononcé une peine complémentaire d'interdiction de paraître au domicile de la victime pour une durée d'un an et condamné M. A... à verser à Mme C... une indemnité de 1 000 euros au titre du préjudice moral. Le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux a, par jugement du 30 janvier 2023, attribué l'exercice de l'autorité parentale de manière conjointe et a fixé la résidence de l'enfant au domicile de la mère, tout en accordant un droit de visite au père une fois par mois en point rencontre, et en fixant le principe du versement mensuel d'une pension alimentaire d'un montant de 100 euros. Il est constant que M. A... s'acquitte, depuis cette date, du versement de cette pension alimentaire. En revanche, si l'appelant produit cinq factures et cinq tickets de caisse non nominatifs pour des achats divers concernant son enfant, effectués entre le 17 septembre 2021 et le 13 juillet 2023, ainsi que des attestations de l'exercice du droit de visite, mis en place postérieurement à la décision attaquée, de nature à justifier sa contribution à l'entretien de ce dernier, il résulte de ce qui précède que M. A... ne peut être regardé comme ayant, à la date de la décision attaquée, contribué effectivement à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans. Les deux photographies produites au dossier sont dépourvues de toute valeur probante Dans ces conditions, à supposer même que la présence en France de M. A... ne constituerait pas une menace à l'ordre public, le préfet de la Gironde pouvait prendre la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de ce que l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Pour l'application de ces dispositions et stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. M. A... se prévaut de sa présence en France depuis presque six ans, ainsi que de celle de son fils, de nationalité française, né le 28 mars 2021. S'il soutient n'avoir pas commis de nouvelles violences à l'égard de son ex-compagne et que les relations avec son fils sont encadrées par le juge aux affaires familiales, il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 6, que les relations que M. A... entretient avec son enfant le sont, eu égard à son comportement, sous couvert de mesures décidées par le juge des affaires familiales pour garantir la sécurité de ce dernier et ont été mises en œuvre postérieurement à la date de la décision attaquée. En outre, le requérant, hébergé par le centre communal d'action sociale, ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle, alors même qu'il fait l'objet d'un suivi par la mission locale et a exercé quelques missions d'intérim. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble de sa fratrie réside au Cameroun, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans. Dans ces conditions, la décision attaquée qui n'a pas pour effet de séparer M. A... de son fils ne porte pas, au regard des buts en vue desquels elle a été prise, une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations ainsi que des dispositions des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, doit également être écarté le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...). ".

10. Eu égard à ce qui a été dit aux points 6 et 8, les éléments dont se prévaut M. A... ne peuvent être regardés comme des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires justifiant son admission au séjour. Par suite, le préfet de la Gironde n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En dernier lieu, aux termes du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. Pour les motifs exposés aux points 6 et 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée de refus de titre de séjour qui n'a pas pour effet de séparer M. A... de son fils, porte atteinte à l'intérêt supérieur de ce dernier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".

14. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français attaquée, du bénéfice de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait, pour cette raison, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

15. En deuxième lieu, pour les motifs exposés aux points 6 et 8, les moyens tirés de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du point 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.

16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 8 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

17. M. A... n'établit ni même n'allègue sérieusement que son retour au Cameroun l'exposerait à subir des traitements inhumains ou dégradants. D'ailleurs, sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'OFPRA du 19 octobre 2018. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaitrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

18. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

19. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

20. Il ressort du jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux le 30 janvier 2023 que, alors que l'autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents et que la mère de son enfant ne s'opposait pas à la reprise des liens, M. A... s'est vu reconnaître un droit de visite médiatisé avec son fils alors âgé de presque deux ans. Si le requérant ne justifiait pas avoir, à la date de la décision en litige, exercé ce droit de visite, l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans emporte, dans les circonstances particulières de l'espèce, des conséquences excessives sur sa situation personnelle. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé, M. A... est fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 juin 2023 lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

22. L'exécution du présent arrêt, qui annule seulement la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction de M. A... doivent, par suite, être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

23. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 23BX02894 de M. A... tendant à l'annulation du jugement n° 2303839 du tribunal administratif de Bordeaux du 30 octobre 2023, les conclusions de la requête n° 23BX02895 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais de l'instance :

24. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel, une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer ni sur les conclusions de M. A... d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire, ni sur la requête n° 23BX02895.

Article 2 : La décision du 2 juin 2023 du préfet de la Gironde faisant interdiction à

M. A... de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans est annulée.

Article 3 : Le jugement n° 2303839 du tribunal administratif de Bordeaux du 30 octobre 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 23BX02894, 23BX02895


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02894
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;23bx02894 ?
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