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21/05/2024 | FRANCE | N°23BX02703

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 21 mai 2024, 23BX02703


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 24 mars 2023 par lequel le préfet du Gers lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine au commissariat d'Auch.



Par un jugement n° 2300954 du 19 juillet 2023, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Pather, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 24 mars 2023 par lequel le préfet du Gers lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine au commissariat d'Auch.

Par un jugement n° 2300954 du 19 juillet 2023, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Pather, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 juillet 2023 de la présidente du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2023 du préfet du Gers ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gers de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la première juge n'a pas respecté le principe de confidentialité des personnes sollicitant l'asile en France ;

- le jugement n'a pas été rendu à l'issue d'une procédure contradictoire ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette décision n'a pas été prise à l'issue d'un examen réel et sérieux de sa situation ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure ; lors de son dépôt de plainte du 27 janvier 2022, elle n'a pas reçu les informations prévues à l'article R. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle a ainsi été privée d'une garantie ;

- elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle est situation de se voir attribuer de plein droit un titre de séjour en application de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; toutes ses attaches sont en France ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; sa fille est scolarisée en France et risque de subir une excision en cas de retour dans son pays d'origine ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;

- cette décision n'a pas été prise à l'issue d'un examen réel et sérieux de sa situation ; la première juge ne s'est pas prononcée sur ce moyen ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision d'assignation à résidence est privée de base légale.

Par une ordonnance du 16 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2024.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 23 décembre 1996, est entrée en France en décembre 2020 avec sa fille née le 11 septembre 2017. Elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 décembre 2021. Son recours contre cette décision a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 10 février 2023. Par un arrêté du 24 mars 2023, le préfet du Gers lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente de jours, a fixé le pays de renvoi et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine au commissariat d'Auch. Mme A... relève appel du jugement du 19 juillet 2023 par lequel la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Par ailleurs, indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire à l'encontre d'un étranger lorsqu'une loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé est en situation de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour.

3. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a déposé une plainte le 27 juillet 2022 contre une ressortissante ivoirienne, l'accusant de l'avoir contrainte à la prostitution. Or il n'est ni établi ni même allégué que cette plainte aurait été classée sans suite. Par suite, la procédure pénale ne pouvait être regardée comme étant achevée le 24 mars 2023, date à laquelle la mesure d'éloignement en litige a été prise. Par ailleurs, il ressort des déclarations constantes de Mme A... qu'elle a rompu tout lien avec la personne accusée de proxénétisme. Dans ces conditions, à la date de l'arrêté en litige, Mme A... était en droit de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ne pouvait, par suite, faire l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Cette décision doit dès lors être annulée ainsi que, par voie de conséquence, celles fixant le pays de renvoi et l'astreignant à se présenter une fois par semaine au commissariat d'Auch.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gers du 24 mars 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".

6. L'annulation de l'obligation faite à la requérante de quitter le territoire français implique nécessairement qu'elle soit munie d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur sa situation. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Gers de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt après lui avoir délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de Me Pather, avocate de Mme A..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300954 du 19 juillet 2023 de la présidente du tribunal administratif de Pau et l'arrêté du préfet du Gers du 24 mars 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gers de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Pather une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Gers.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy

Le président,

Laurent Pouget La greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 23BX02703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02703
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;23bx02703 ?
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