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21/05/2024 | FRANCE | N°22BX02555

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 21 mai 2024, 22BX02555


Vu la procédure suivante :



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 septembre 2022 et 20 novembre 2023, la société Voltalia et la société Bournand éolien énergie, représentées par Me Enckell, demandent à la cour :



1°) d'annuler la décision du 1er août 2022 par laquelle le maire de la commune de Bournand a rejeté leur demande de permission de voirie pour l'enfouissement de câbles électriques aux droits de la voie communale n° 10 ;



2°) à titre princip

al, de leur délivrer la permission de voirie sollicitée, à titre subsidiaire d'enjoindre au maire de Bournand de leur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 septembre 2022 et 20 novembre 2023, la société Voltalia et la société Bournand éolien énergie, représentées par Me Enckell, demandent à la cour :

1°) d'annuler la décision du 1er août 2022 par laquelle le maire de la commune de Bournand a rejeté leur demande de permission de voirie pour l'enfouissement de câbles électriques aux droits de la voie communale n° 10 ;

2°) à titre principal, de leur délivrer la permission de voirie sollicitée, à titre subsidiaire d'enjoindre au maire de Bournand de leur délivrer la permission de voirie sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles justifient d'un intérêt à agir contre la décision attaquée ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- en refusant de leur délivrer la permission de voirie sollicitée, le maire de Bournand les a privées de la possibilité de déposer un dossier de demande d'autorisation environnementale en vue de la construction et l'exploitation d'un parc éolien auprès du préfet de la Vienne ; le maire, en ne fondant pas son refus sur un motif en lien avec les enjeux de conservation du domaine public communal ou la circulation publique, a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;

- la demande de substitution de motif, tirée de la nécessité de conservation du domaine public communal, formée par la commune de Bournand ne peut qu'être rejetée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 septembre 2023, 13 janvier 2024 et 25 avril 2024, ces deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, la commune de Bournand, représentée par Me Catry, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que si la société Voltalia est l'auteur de la demande de permission de voirie, il n'en va pas ainsi de la société Bournand éolien énergie, qui ne justifie ainsi d'aucune décision préalable lui permettant de saisir la juridiction administrative ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, elle entend solliciter la substitution du motif éventuellement erroné sur lequel repose la décision attaquée ; c'est bien au vu des nécessités de conservation de son domaine public que la commune de Bournand a refusé de délivrer la permission de voirie sollicitée.

Par ordonnance du 21 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 janvier 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Challend de Cevins, représentant les sociétés Voltalia et Bournand éolien énergie, et de Me Catry, représentant la commune de Bournand.

Considérant ce qui suit :

1. La société Voltalia développe depuis plusieurs années un projet de parc éolien composé de trois aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur la commune de Bournand, porté par sa filiale, la société Bournand éolien énergie. Dans ce cadre, la société Voltalia a déposé une demande de permission de voirie portant sur la voie communale n° 10, en vue de la réalisation de travaux de raccordement électrique et de renforcement de la voie publique. Par une décision du 1er août 2022, dont les sociétés Voltalia et Bournand éolien énergie demandent l'annulation, le maire de Bournand a rejeté la demande de permission de voirie.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du formulaire Cerfa produit, que la demande de permission de voirie a été déposée par la société Voltalia, en tant que maître d'œuvre du projet de parc éolien pour lequel la demande a été faite, au bénéfice de la société Bournand éolien énergie, en tant que maître d'ouvrage du même projet éolien et bénéficiaire de la permission de voirie. Dans ces conditions, la société Bournand éolien énergie justifie d'un intérêt à agir contre la décision attaquée. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à ce titre ne peut qu'être écartée.

3. En second lieu, la société Bournand éolien énergie pouvait directement contester la décision de rejet de sa demande de permission de voirie, dès lors qu'aucun recours administratif préalable obligatoire n'est prévu en l'espèce. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à ce titre ne peut qu'être écartée.

Sur la légalité de la décision du 1er août 2022 :

4. Aux termes de l'article L. 113-2 du code de la voirie routière : " En dehors des cas prévus aux articles L. 113-3 à L. 113-7 et de l'installation par l'Etat des équipements visant à améliorer la sécurité routière, l'occupation du domaine public routier n'est autorisée que si elle a fait l'objet, soit d'une permission de voirie dans le cas où elle donne lieu à emprise, soit d'un permis de stationnement dans les autres cas. Ces autorisations sont délivrées à titre précaire et révocable ".

5. Pour refuser de délivrer la permission de voirie sollicitée par la société Voltalia, le maire de Bournand a rappelé l'opposition du conseil municipal de la commune à tout projet éolien, et a estimé que, la préfecture de la Vienne n'ayant pas porté à sa connaissance la moindre procédure d'acceptation d'un projet de parc éolien sur la commune, l'anticipation en termes d'autorisation d'utilisation des chemins communaux n'était pas fondée. Toutefois, en se fondant sur ces éléments, relatifs au contexte dans lequel la demande de permission de voirie a été formulée, sans invoquer aucun motif tiré des nécessités de la conservation du domaine public de la commune, ou de celles de la circulation publique, le maire de Bournand a commis une erreur de droit.

6. Toutefois, l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Le maire de Bournand soutient qu'un autre motif est de nature à fonder la décision attaquée, tiré de la préservation du domaine public communal de toute opération de travaux qui serait réalisée prématurément pour la réalisation d'un projet éolien dont rien ne permettrait de confirmer qu'il fasse l'objet d'un dépôt de demande d'autorisation environnementale.

8. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier qu'une demande d'autorisation environnementale était toujours en cours d'instruction et a été déposée auprès de la préfecture de la Vienne le 4 octobre 2022. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les travaux de raccordement électrique entre les éoliennes et le poste de livraison du projet éolien, impliquant l'enfouissement des câbles électriques dans l'emprise de la voie communale n° 10, et les travaux de renforcement de cette voirie, seraient de nature à porter atteinte à la protection et la conservation du domaine public communal. Dans ces conditions, la demande de substitution du motif sollicitée par la commune de Bournand ne peut être accueillie.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que la décision du 1er août 2022 par laquelle le maire de Bournand a rejeté la demande de permission de voirie déposée par les sociétés Voltalia et Bournand éolien énergie, doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Il résulte de l'instruction que si, après une première phase d'instruction, la demande initiale d'autorisation environnementale a fait l'objet d'un rejet par un arrêté du 25 juillet 2023, le projet éolien a été reconfiguré, et est toujours d'actualité. Dans ces conditions, le présent arrêt d'annulation implique que le maire de Bournand procède au réexamen de la demande de permission de voirie formée par la société Voltalia. Il y a lieu d'enjoindre au maire de Bournand de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bournand le versement aux sociétés Voltalia et Bournand éolien énergie de la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 1er août 2022 du maire de Bournand est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Bournand de procéder au réexamen de la demande de permission de voirie présentée par la société Voltalia dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Bournand versera aux sociétés Voltalia et Bournand éolien énergie la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Voltalia, à la société Bournand éolien énergie et à la commune de Bournand.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au préfet de la Vienne relance en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 22BX02555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02555
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : CABINET ALTES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;22bx02555 ?
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