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21/05/2024 | FRANCE | N°22BX02171

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 21 mai 2024, 22BX02171


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et la rectrice de la Guadeloupe ont refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle suite à sa demande du 28 août 2020, d'enjoindre au ministre de lui accorder cette protection, et de condamner l'Etat à lui verse une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice subi.
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Il a également demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du 25 mars 2021 du minist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et la rectrice de la Guadeloupe ont refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle suite à sa demande du 28 août 2020, d'enjoindre au ministre de lui accorder cette protection, et de condamner l'Etat à lui verse une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice subi.

Il a également demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du 25 mars 2021 du ministre de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports mettant fin à son détachement, et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n°s 2100050, 2100725 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à ses demandes, en limitant toutefois à 2 000 euros le montant de l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2022, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 1er juin 2022 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.

Il soutient que :

- les courriels de M. A... des 5 et 17 novembre 2020 visaient à se renseigner sur l'état d'avancement de l'instruction de son dossier n'étaient pas des recours administratifs susceptibles de conserver le délai de recours contentieux à l'encontre de la décision implicite née du silence gardé sur sa demande de protection fonctionnelle ; les conclusions tendant à l'annulation de cette décision étaient donc tardives et irrecevables ;

- en tout état de cause M. A... n'a apporté devant le tribunal aucun élément objectif de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; il n'a pas justifié de la réalité de ses allégations tenant notamment à ce que son supérieur hiérarchique aurait outrepassé l'exercice normal de l'autorité hiérarchique ou l'aurait dénigré ; ses allégations ne sont pas corroborées par des éléments concrets ; il n'a pas précisé quelles règles auraient été méconnues par l'inspection générale au cours de l'enquête administrative diligentée ; au demeurant, il a été informée du souhait des inspectrices de le rencontrer le 10 septembre 2019, il a été destinataire du pré-rapport et a pu émettre des observations ; les courriels rédigés en réponse à l'intéressé par le secrétaire général du rectorat sont dépourvus de tout élément laissant présumer un harcèlement et témoignent au contraire d'une volonté de rassurer M. A... et de s'assurer de son état de santé et de ses conditions de travail ; la demande de protection fonctionnelle a été instruite non par le recteur mais par le ministre, en toute impartialité ; M. A... n'a été privé d'aucune mission qui aurait dû lui incomber ;

- M. A... ayant été placé provisoirement en congé d'invalidité temporaire imputable au service en application de l'article 47-5 du décret du 14 mars 1986, les services du rectorat étaient fondés à demander une contre-visite par un médecin agréé mais aussi à convoquer la commission de réforme afin qu'elle se prononce sur l'imputabilité au service de son accident ;

- d'ailleurs, le 21 juillet 2020, le recteur de l'académie de la Guadeloupe a reconnu l'imputabilité au service de l'accident, faisant perdre son objet au recours hiérarchique dont M. A... avait saisi le ministre ; par conséquent, les conditions dans lesquelles la demande d'imputabilité au service de l'intéressée a été examinée ne saurait être regardée comme révélant une intention de nuire ;

- la circonstance que le syndrome dépressif d'un fonctionnaire soit reconnu imputable au service n'implique pas qu'il soit le résultat d'un harcèlement moral ;

- la déclaration de vacance d'un emploi implique qu'il soit mis aux fonctions du fonctionnaire nommé dans cet emploi ; la circonstance que l'article 47-12 du décret 14 mars 1986 prévoit qu'aux termes de son congé d'invalidité temporaire imputable au service le fonctionnaire apte à reprendre ses fonctions est réintégré dans son emploi ou, à défaut, affecté dans un emploi correspondant à son grade ne saurait interdire à l'administration de mettre fin aux fonctions de l'agent en congé d'invalidité temporaire depuis plus de douze mois ; l'article 47-12 du décret a vocation à s'appliquer à l'ensemble des fonctionnaires en congé d'invalidité quelle que soit la durée de ce congé ; lorsque l'emploi a été déclaré vacant l'agent a seulement droit à être réaffecté dans un emploi correspondant à son grade ; le ministre pouvait donc légalement se fonder sur l'article 47-11 du décret du 14 mars 1986 pour mettre fin à la nomination et au détachement de M. A... dans l'emploi d'adjoint au secrétaire général de l'académie de la Guadeloupe.

Par ordonnance du 20 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 avril 2024 à 12h00.

Un mémoire, non communiqué, a été présenté par M. A... le 23 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration.

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2019-1954 du 31 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Laurent Pouget ;

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été détaché dans l'emploi fonctionnel d'adjoint au secrétaire général de l'académie de Guadeloupe par un arrêté du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 31 janvier 2017. Il a été placé en congé de longue maladie reconnue imputable au service entre le 12 juillet et le 31 août 2019, puis de nouveau entre le 30 septembre 2019 et le 31 mai 2021, par des arrêtés du recteur de l'académie de Guadeloupe. Le 28 août 2020, il a demandé au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ainsi qu'au recteur de l'académie de Guadeloupe à bénéficier de la protection fonctionnelle. Sa demande a été implicitement rejetée et, par un arrêté du 25 mars 2021, la rectrice de l'académie de Guadeloupe a mis fin à son détachement. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports relève appel du jugement du 1er juin 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cette décision implicite et cet arrêté, et a condamné l'Etat à verser une indemnité de 2 000 euros à M. A....

Sur la légalité de la décision de rejet de la demande de protection fonctionnelle :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 11 de la même loi : " I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".

3. D'une part, il résulte d'un principe général du droit que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet.

4. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

5. M. A... soutient qu'il a subi un harcèlement moral de la part du recteur et du secrétaire général de l'académie de Guadeloupe, à l'encontre desquels il a déposé des plaintes pénales pour ce motif respectivement le 12 juillet 2019 et le 12 novembre 2019. Il fait remonter ce phénomène à l'année 2018 mais indique qu'il a atteint son paroxysme après le 8 juillet 2019, date à laquelle il a adressé au recteur un courrier dénonçant des détournements de fonds publics de la part des membres de l'équipe de direction du rectorat. Il aurait alors été menacé d'un passage en conseil de discipline et aurait fait l'objet d'une enquête administrative irrégulière de la part de l'inspection générale de l'éducation nationale. Le recteur et le secrétaire général auraient également tenté de faire obstruction à la reconnaissance d'imputabilité au service de ses troubles anxiodépressifs.

6. Toutefois, et tout d'abord, si le requérant soutient qu'avant même les évènements de juillet 2019 il subissait des conditions de travail dégradées tenant à des comportements et propos méprisants et dénigrants à son égard de la part du recteur, du secrétaire général de l'académie et de la directrice des ressources humaines du rectorat, ainsi qu'une mise à l'écart, il n'apporte aucune précision à cet égard et ses allégations ne sont corroborées par aucune pièce du dossier. Ensuite, il ressort des éléments versés aux débats que le secrétaire général de l'académie, alors que les dénonciations d'abus de bien publics dont l'équipe dirigeante du rectorat avait fait l'objet de la part de M. A... le 8 juillet 2019 avaient été rendues publiques, a apporté à ce dernier, par un courriel du 23 juillet 2019 au ton parfaitement professionnel et dépourvu de toute connotation malveillante, des réponses motivées à chacun des volets de ses accusations, portant sur les dépenses d'entretien du logement de fonction du recteur et la superficie de ce logement ainsi que sur l'usage de cartes d'essence et de cartes de stationnement sur le parking de l'aéroport de Pointe-à Pitre. Il ne ressort au demeurant nullement des pièces du dossier, ni n'est allégué par M. A..., que la saisine par ce dernier du procureur de la République de Pointe-à-Pitre sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale ait connu des suites judiciaires. La mission d'inspection ordonnée le 21 août par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse pour faire la lumière sur les faits dénoncés par le secrétaire général adjoint et sur l'éventuelle caractère fautif de cette dénonciation n'a pas débouché sur une procédure disciplinaire à son encontre, et par conséquent M. A... ne peut sérieusement soutenir que l'enquête administrative a été diligentée de manière insidieuse et à charge aux fins de lui nuire, alors au demeurant qu'elle a été menée par des inspecteurs indépendants de l'équipe de direction de l'académie de Guadeloupe. Par ailleurs, si M. A... dénonce la circonstance que le recteur, ne se satisfaisant pas des constatations du médecin agréé établissant un lien de causalité entre son état de santé et les conditions d'exercice de son activité professionnelle, l'a fait convoquer à une contre-expertise médicale le 29 juin 2020 alors qu'il était placé à titre provisoire en congé d'invalidité temporaire imputable au service, il ne saurait s'en déduire de la part de cette autorité une intention malveillante ou étrangère à l'exercice normal de ses prérogatives. Au demeurant, cet examen médical n'a pas eu de suites et la commission de réforme réunie le 9 juillet 2020 a reconnu comme imputable au service l'accident déclaré à la date du 9 juillet 2019. La communication tardive du rapport administratif de saisine de cette commission de réforme n'est pas davantage de nature à caractériser un agissement relevant d'un harcèlement moral. Quant aux quelques courriels émanant de M. A... qu'il verse aux débats, s'ils attestent de difficultés relationnelles entre celui-ci et les membres de l'équipe de direction du rectorat, tenant à des divergences de vue sur un certain nombres de sujets, et manifestent également son sentiment de ne pas être reconnu à sa juste valeur, ils ne traduisent pas pour autant un contexte de harcèlement à son encontre. Il en va de même d'un tract syndical du 22 juillet 2020 dont se prévaut l'intéressé, dénonçant de manière générale le management du recteur de l'académie et un climat de travail dégradé au sein du rectorat. Enfin, l'imputabilité au service des troubles anxiodépressifs dont souffre M. A... ne permet pas par elle-même de regarder le conflit professionnel l'ayant opposé à sa hiérarchie comme caractérisant une situation de harcèlement moral dont il aurait été victime.

7. C'est par suite à tort, ainsi que le soutient le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, que le tribunal a estimé que les faits invoqués par M. A... permettaient de présumer d'une situation de harcèlement moral dont celui-ci aurait été victime, sans que l'administration renverse cette présomption, et a annulé pour ce motif la décision refusant d'accorder à l'intéressé le bénéfice de la protection fonctionnelle.

8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A... devant le tribunal administratif à l'encontre de cette décision.

9. Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ". Il résulte de ces dispositions que le silence gardé sur une demande de communication des motifs d'une décision implicite de rejet est susceptible d'entacher cette décision d'illégalité, lorsqu'elle est intervenue dans un cas où une décision expresse aurait dû être motivée.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., en l'absence de réponse à sa demande de protection fonctionnelle, a adressé les 5 et 17 novembre 2020 des courriels au recteur de l'académie de Guadeloupe sollicitant, pour le premier, l'indentification d'un correspondant au ministère afin de pouvoir lui adresser directement sa demande de protection fonctionnelle et mentionnant, pour le second, que " n'ayant aucune réponse, [il] renouvelle [sa] demande ". Ces courriels, qui se bornaient ainsi à réitérer la demande initiale, ne comportaient aucune demande de communication des motifs de la décision implicite née le 28 octobre 2020, et ce n'est finalement que par un courrier adressé au ministre le 3 avril 2022 que M. A... a demandé au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports la communication des motifs de cette décision. Il n'est dans ces conditions pas fondé à invoquer un défaut de motivation de celle-ci.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la décision en litige.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 mars 2021 mettant fin au détachement de M. A... :

12. D'une part, aux termes de 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, applicable à l'espèce : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article ". Aux termes de l'article 47-1 du décret susvisé du 14 mars 1986 : " Le congé prévu au premier alinéa du I de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée est accordé au fonctionnaire, sur sa demande, dans les conditions prévues par le présent titre. ". Aux termes de l'article 47-11 de ce décret : " Lorsqu'un fonctionnaire est en congé pour invalidité temporaire imputable au service depuis plus de douze mois consécutifs, son emploi peut être déclaré vacant. ". Et selon l'article 47-12 du décret : " Au terme du congé pour invalidité temporaire imputable au service, le fonctionnaire apte à reprendre ses fonctions est réintégré dans son emploi ou, à défaut, réaffecté dans un emploi correspondant à son grade, le cas échéant en surnombre. Lorsqu'il est réintégré en surnombre, ce surnombre est résorbé à la première vacance d'emploi de son grade. ".

13. D'autre part, aux termes de l'article 11 du décret du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l'Etat : " Sauf dispositions particulières prévues aux titres IV et V, les fonctionnaires, les militaires et les magistrats de l'ordre judiciaire nommés dans l'un des emplois régis par le présent décret sont placés en position de détachement (...) ". Aux termes de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. Il est prononcé sur la demande du fonctionnaire. Le détachement est de courte ou de longue durée. Il est révocable. (...) A l'expiration de son détachement, le fonctionnaire est, sauf intégration dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, réintégré dans son corps d'origine ". Et selon l'article 24 du décret susvisé du 16 septembre 1985 : " Il peut être mis fin au détachement avant le terme fixé par l'arrêté le prononçant soit à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, soit de l'administration d'origine. / Lorsqu'il est mis fin au détachement à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, le fonctionnaire continue, si son administration d'origine ne peut le réintégrer immédiatement, à être rémunéré par l'administration ou l'organisme d'accueil jusqu'à ce qu'il soit réintégré, à la première vacance, dans son administration d'origine (...) ".

14. En vertu des dispositions précitées de l'article 47-11 du décret du 14 mars 1986, l'administration peut déclarer vacant l'emploi d'un agent placé en congé d'invalidité temporaire imputable au service depuis plus de douze mois afin d'assurer la continuité du service, quel que soit le terme alors prévu de ce congé. Cette vacance permet à l'administration qui emploie l'agent en congé d'engager une procédure de recrutement visant à son remplacement sur le poste qu'il occupe et, dans le cas où cet agent fait l'objet d'un détachement, de mettre un terme à son détachement. Celui-ci intervient alors dans les conditions de droit commun, y compris lorsque l'agent concerné relève des dispositions du décret du 31 décembre 2019.

15. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté ministériel du 25 mars 2021 mettant fin au détachement de M. A... dans l'emploi fonctionnel de secrétaire général adjoint de l'académie de Guadeloupe à compter du 1er mai 2021 s'est accompagné d'une publication de vacance de son poste le 30 avril 2021, avec une date limite de dépôt des candidatures fixée au 15 mai suivant. L'intéressé était alors en congé pour invalidité temporaire imputable au service depuis le 30 septembre 2019. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a donc pu légalement mettre fin à son détachement, cette mesure ne contrevenant pas à l'obligation de réaffectation dans un emploi correspondant à son grade posée par l'article 47-12 du décret du 14 mars 1986, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal.

16. Il appartient cependant à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté du 25 mars 2021.

17. D'une part, le moyen tiré par M. A... de ce que l'administration ne pouvait mettre fin à son détachement sans engager la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 16 du décret du 31 décembre 2019 est inopérant dès lors que le recteur de l'académie de Guadeloupe ne lui a pas retiré son emploi sur le fondement de ces dispositions mais a mis fin à son détachement dans les conditions de droit commun, ainsi qu'il pouvait légalement le faire en cas de vacance d'emploi, ainsi qu'il a été dit au point 15.

18. D'autre part, eu égard notamment à ce qui vient d'être dit, le moyen tiré du détournement de pouvoir dont serait entaché l'arrêté du 25 mars 2021 doit être également écarté.

19. Par suite, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 25 mars 2021.

Sur les demandes indemnitaires de M. A... :

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est également à tort que le jugement attaqué a, au motif de l'illégalité des décisions en litige, condamné l'Etat à verser à M. A... une indemnité de 2 000 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 2100050, 2100725 du 1er juin 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président-rapporteur,

Laurent Pouget La greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02171


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02171
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;22bx02171 ?
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