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21/05/2024 | FRANCE | N°22BX02157

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 21 mai 2024, 22BX02157


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice subi à ce titre.



Elle a également demandé à ce tribunal d'annuler la décision du 16 juillet 2021 par laquelle l

a rectrice de l'académie de Guadeloupe a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de ses arrêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice subi à ce titre.

Elle a également demandé à ce tribunal d'annuler la décision du 16 juillet 2021 par laquelle la rectrice de l'académie de Guadeloupe a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 23 juin 2020 au 24 juin 2021, d'enjoindre à la rectrice de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n°s 2001146, 2101094 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 15 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Mazza, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 22 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus de mise en œuvre de la protection fonctionnelle en date du 28 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de mettre en œuvre la protection fonctionnelle et notamment de prendre en charge l'intégralité des frais et honoraires de justice en lien avec le harcèlement moral subi et la réparation du préjudice subséquent ;

4°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre des préjudices résultant du défaut de l'illégalité de la décision du 28 octobre 2020 ;

5°) d'annuler la décision de refus de placement en congé d'invalidité temporaire imputable au service en date du 16 juillet 2021 ;

6°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de la placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 23 juin 2020 jusqu'à consolidation médicalement constatée, et de reconstituer ses droits sociaux et pécuniaires ;

7°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 16 juillet 2021 ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a demandé à de multiples reprises la raison pour laquelle elle n'avait pas reçu d'accusé de réception de sa demande de protection fonctionnelle, ce qui doit être interprété comme une demande de communication des motifs de la décision implicite ;

- la formation qu'elle a suivie n'était pas un simple congé formation mais une préparation au reclassement ; le rectorat l'avait en conséquence positionnée sur des missions bien précises, sous réserve de suivre cette formation ; l'employeur est tenu à une obligation de moyens renforcée en matière de reclassement ; contrairement à ce qu'a pu estimer le juge de première instance, le rectorat n'a entrepris aucune démarche pour la reclasser, ni même n'a saisi le médecin de prévention ; le rectorat n'a en conséquence pas suivi les obligations impératives en matière d'inaptitude partielle aux fonctions tenant à des restrictions médicales précises, la privant de tout emploi durant plusieurs mois ; ceci est d'autant plus illégal que le rectorat n'a pas rapporté la preuve de l'impossibilité de lui confier une mission de création d'un portail intranet, en lien avec son grade, alors qu'une formation d'un an lui avait été octroyée justement pour qu'elle puisse exercer de telles fonctions ; le rectorat a donc manqué à son obligation de reclassement ;

- la survenance de son handicap en 2018, à la suite de son retour de congé de longue maladie, a généré une dégradation de ses conditions de travail matérialisée par un isolement total ; elle a été " mise au placard " pendant des mois, y compris en pleine crise sanitaire ;

- l'administration n'a pas respecté l'obligation statutaire d'affecter tout agent sur un emploi correspondant à son grade ;

- elle a subi une discrimination tenant à la carence de l'administration à mettre en œuvre les dispositions de l'article 2 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale, en n'aménageant pas un poste de travail adapté à son handicap ;

- l'acmé de cette situation fortement attentatoire à sa carrière et à sa dignité a été atteint lorsqu'elle a demandé une autorisation spéciale d'absence en juin 2020 pour se rendre à une consultation médicale en métropole et que seulement deux jours lui ont été accordés pour ce faire ; la violence de ce manquement au respect de sa dignité, au-delà de la gestion d'un handicap fortement stigmatisé, a généré une décompensation sévère et la déclaration d'un accident de service ;

- ces faits constituent une situation de harcèlement moral et auraient dû conduire l'administration à mettre en œuvre le dispositif de la protection fonctionnelle ;

- elle a d'ailleurs saisi le procureur de la République de ces faits dans une plainte très circonstanciée ;

- s'agissant du refus d'imputabilité au service de son accident du 23 juin 2020, la rectrice, alors pourtant qu'elle d'une appréciation souveraine en la matière, s'est bornée à reprendre in extenso l'avis de la commission de réforme, au demeurant dépourvu de réelle motivation ;

- le seul fait que cet accident n'entrerait pas dans la définition de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, en vigueur au moment des faits, ne permet pas d'expliquer le rejet de sa demande d'imputabilité ;

- les certificats médicaux produits démontrent le lien déterminant entre l'annonce du délai de deux jours accordé pour le déplacement en métropole et sa décompensation psychique ; depuis, elle n'a toujours pas pu reprendre le travail,

- ce refus illégal de reconnaissance d'un accident de service a lui par ailleurs causé un préjudice ; en effet, elle est restée plusieurs mois en congé de maladie ordinaire avant d'être placée à titre provisoire en congé d'invalidité temporaire imputable au service, puis de nouveau en congé de maladie ordinaire et finalement en congé de longue durée non imputable au service ; l'unité médico-judiciaire qui l'a expertisée dans le cadre de sa plainte a relevé une incapacité temporaire totale de 45 jours au titre du syndrome post-traumatique en lien avec l'évènement considéré ; elle a également subi un préjudice moral sévère, ayant été privée de son droit au travail et de ses garanties sociales.

La ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a présenté un mémoire en défense le 19 avril 2024, non communiqué.

La rectrice de l'académie de Guadeloupe a présenté un mémoire en défense le 19 avril 2024, non communiqué.

Par ordonnance du 20 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 avril 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration.

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Laurent Pouget ;

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., infirmière de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur affectée au collège du Raizet aux Abymes à compter du 1er septembre 2013, s'est vu diagnostiquer en 2016 une myasthénie grave, qui a conduit à son placement en congé de longue maladie du 2 mai 2016 au 1er mai 2018 et à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Elle n'a pu reprendre ses fonctions d'infirmière scolaire dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, ainsi qu'elle le souhaitait. Il lui a été confié à compter de juin 2018 une mission d'accompagnement au déploiement d'un dispositif régional de service sanitaire pour les étudiants en santé, puis elle a bénéficié du 1er septembre 2019 au 31 janvier 2020 d'un congé de formation professionnelle afin de développer des compétences en tant que webmaster dans le domaine sanitaire, à l'issue duquel elle a souhaité pouvoir créer un espace consacré à la santé scolaire sur le site intranet de l'académie de Guadeloupe. Le rectorat n'a pas répondu à cette attente et une lettre de reprise de ses fonctions lui été adressée le 3 février 2020, à laquelle elle n'a pas donné suite. Elle a saisi le procureur de la République de Pointe-à-Pitre le 22 juin 2020 d'une plainte pour harcèlement moral et s'est mise en arrêt de travail à compter du 23 juin 2020, déposant une déclaration d'accident du travail pour un évènement survenu à cette même date. Mme B... a demandé le 28 août 2020 au ministre de l'éducation nationale le bénéfice de la protection fonctionnelle. Elle a par ailleurs sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 23 juin 2020 au 24 juin 2021. Sa première demande a été rejetée par une décision implicite du ministre et la seconde par une décision de la rectrice de l'académie de Guadeloupe en date du 16 juillet 2021. Mme B... relève appel du jugement du 1er juin 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes d'annulation de ces deux décisions et de condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis en conséquence.

Sur la légalité du refus de protection fonctionnelle :

2. En premier lieu, si Mme B... soutient avoir adressé à son employeur des courriels par lesquels elle aurait demandé la communication des motifs de la décision implicite de refus de mise en œuvre de la protection fonctionnelle, le seul courriel qu'elle produit à l'appui de son moyen, daté du 13 avril 2021, se plaint de l'absence de réponse à sa demande de protection fonctionnelle, énonce divers autres griefs relatifs à la gestion administrative de sa situation et sollicite une indemnisation, mais ne comporte aucune demande d'explicitation des motifs fondant ce refus. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision contestée serait insuffisamment motivée.

3. En second lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 11 de la même loi : " I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".

4. D'une part, il résulte d'un principe général du droit que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet.

5. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service n'est pas constitutive de harcèlement moral.

6. En l'espèce, Mme B... soutient qu'à compter du moment où la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue et où elle a été affectée en juin 2018 au rectorat comme chargée de mission auprès de l'infirmier conseiller technique, elle a été victime d'un harcèlement moral de la part du recteur de l'académie, qui l'a isolée professionnellement et l'a stigmatisée à raison de son handicap. Elle fait notamment état de ce que le recteur n'a pas signé sa lettre de mission, lui aurait refusé un bureau dans les locaux du rectorat ainsi que la mise à disposition des outils de travail dont elle avait besoin, puis qu'à l'issue de la formation au métier de " webmaster " qu'elle avait été autorisée à suivre du 1er septembre 2019 au 31 janvier 2020, il ne lui a pas offert un poste permettant de valoriser les compétences acquises et qui aurait constitué le reclassement auquel elle avait droit compte tenu des restrictions médicales à l'exercice de ses fonctions d'infirmière scolaire. Elle soutient enfin qu'alors qu'elle a sollicité le 23 juin 2020 une autorisation spéciale d'absence pour consulter un médecin en métropole, il ne lui a été accordé qu'une autorisation d'absence de quarante-huit heures, incident qui a eu pour effet d'entraîner un phénomène de décompensation psychique suscitant un arrêt de travail puis une déclaration d'accident de service.

7. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'alors qu'il est apparu que Mme B..., compte tenu de son handicap, ne pouvait reprendre immédiatement son activité d'infirmière scolaire même à temps partiel thérapeutique, ainsi qu'elle le souhaitait, il lui a été proposé à son retour de congé de longue maladie, en juin 2018, une activité dans le cadre du service infirmier du rectorat consistant à participer à l'élaboration de la grille récapitulative des données de santé et à préparer les rencontres avec les partenaires du service sanitaire. Alors qu'aucun élément du dossier n'atteste d'un refus du recteur de doter l'intéressée d'un bureau et d'outils de travail, il résulte en revanche des mentions d'un rapport de l'infirmier conseiller technique que celui-ci a rapidement constaté que l'état de santé de Mme B... ne lui permettait pas d'accomplir sa mission autrement qu'en mode distanciel. Cet infirmier relève que s'il a eu des contacts par courriels avec l'intéressée jusqu'en mai 2019, elle n'a finalement produit aucun travail tangible dans le cadre de sa mission avant de bénéficier en septembre 2019 d'un congé de formation professionnelle qu'elle envisageait comme devant lui permettre de créer à compter de l'année 2020 un espace consacré à la santé scolaire sur le site intranet de l'académie de Guadeloupe. Aucune garantie ne lui avait toutefois été donnée à cet égard et, ainsi que l'a relevé le tribunal, l'administration n'est pas tenue, à l'issue du congé-formation d'un agent, d'affecter celui-ci sur un poste lui permettant de valoriser les compétences acquises dans le cadre de sa formation. S'il est exact que Mme B..., qui s'est inquiétée le dernier jour de son congé-formation de savoir quelles tâches allaient lui être confiées à compter du 3 février 2020, ne s'était toujours pas vu assigner de fonctions à la date de son arrêt de travail du 24 juin suivant, il ne ressort pas des éléments du dossier que cette situation procéderait ainsi qu'elle le soutient d'une volonté délibérée de la direction de l'académie de Guadeloupe de la mettre à l'écart. En effet, bien qu'il lui ait été demandé de reprendre son service et qu'elle ait signé sa lettre de reprise du travail le 3 février 2020, Mme B... ne s'est pas présentée au collège du Raizet, puis le médecin du travail qu'elle a consulté le 2 mars 2020, tout en émettant un avis d'aptitude à la reprise, a déconseillé les interventions en établissement scolaire et préconisé un poste pouvant être télétravaillé, avec des pauses de 30 minutes toutes les 3 heures. Le 4 mars, le recteur a, en conséquence, demandé au médecin du travail un rapport sur les aptitudes de l'intéressée, aux fins de saisir le comité médical pour l'accompagner dans une démarche de reclassement. La requérante a toutefois présenté le 12 mars une nouvelle demande de congé de formation professionnelle, avant que la Guadeloupe soit placée en confinement du 16 mars au 11 mai 2020 en raison de l'épidémie de Covid-19. Elle a ensuite été avisée par le rectorat le 10 juin suivant de ce que les préconisations du médecin du travail étaient incompatibles avec les fonctions d'infirmière scolaire et, alors que par un arrêté du 15 juin 2020 le recteur a fait droit à sa demande de congé de formation à compter du 1er septembre 2020, il l'a également invitée à se rapprocher de nouveau du médecin du travail pour une évaluation de sa situation en vue d'un reclassement. Il ne résulte ainsi aucunement de cette chronologie des faits, ni des pièces versées aux débats, que la direction de l'académie de Guadeloupe ait eu à l'encontre de Mme B... une attitude déloyale et discriminatoire en cherchant à l'écarter du service et en ne prenant pas de dispositions en vue de lui proposer un poste adapté à son handicap. En outre, aucune pièce du dossier ne vient corroborer les allégations de la requérante concernant une autorisation d'absence excessivement courte et par conséquent vexatoire qui lui aurait été accordée le 23 juin 2020 alors qu'elle souhaitait consulter un médecin en métropole. Enfin, la circonstance que Mme B... ait subi des troubles anxiodépressifs en lien avec ses conditions de travail ne saurait en elle-même révéler une situation de harcèlement moral dont elle aurait été victime.

8. Il résulte de ce qui ne précède qu'aucun des éléments invoqués par la requérante n'est de nature à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre, la plainte dont elle a saisi pour ce même motif le procureur de la République de Pointe-à-Pitre le 22 juin 2020 ayant d'ailleurs fait l'objet d'un classement sans suite.

Sur la légalité du refus d'imputabilité au service des arrêts de travail du 23 juin 2020 au 24 juin 2021 :

9. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif (...)". Aux termes de l'article 47-5 du décret du 14 mars 1986 : " Pour se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie, l'administration dispose d'un délai (...) Au terme de ces délais, lorsque l'instruction par l'administration n'est pas terminée, l'agent est placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire (...) Cette décision, notifiée au fonctionnaire, précise qu'elle peut être retirée dans les conditions prévues à l'article 47-9. ". Et aux termes de l'article 47-9 de de même décret : " Au terme de l'instruction, l'administration se prononce sur l'imputabilité au service et, lorsqu'elle est constatée, place le fonctionnaire en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la durée de l'arrêt de travail. Lorsque l'administration ne constate pas l'imputabilité au service, elle retire sa décision de placement à titre provisoire en congé pour invalidité temporaire imputable au service et procède aux mesures nécessaires au reversement des sommes indûment versées ".

10. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion ou une affection physique ou psychologique, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Par ailleurs, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

11. En premier lieu, la décision litigieuse du 28 février 2020 vise les textes applicables, mentionne la demande de reconnaissance d'accident imputable au service soumise par Mme B... le 23 juin 2020 et fait explicitement référence à l'expertise du docteur C... et à l'avis de la commission de réforme du 24 juin 2021, qui ont été communiqués à l'intéressée et qui rejettent tous deux la constatation d'un accident de service et l'imputabilité au service de sa pathologie. Dans ces conditions, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

12. En deuxième lieu, le fait que la rectrice de l'académie de Guadeloupe se soit appropriée le motif de l'avis défavorable de la commission de réforme ne suffit pas, en l'absence d'autre élément et alors qu'elle a également visé, ainsi qu'il a été dit, les conclusions de l'expertise médicale du docteur C..., pour considérer qu'elle se serait estimée en situation de compétence liée pour refuser de faire droit à la demande de reconnaissance d'un accident de service et de l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme B.... Le moyen soulevé en ce sens doit donc être écarté.

13. En troisième et dernier lieu, si Mme B... soutient que la dépression dont elle est atteinte est imputable au harcèlement moral dont elle a été victime de la part de l'équipe d'encadrement du rectorat et qui se serait notamment traduit par l'incident susmentionné du 23 juin 2020, d'une part aucun élément du dossier ne vient accréditer l'existence même de l'incident allégué ni plus généralement d'une situation de harcèlement, ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 8, et d'autre part l'intéressée ne produit en tout état de cause pas davantage en appel qu'en première instance de certificats médicaux ou autres documents de nature à justifier l'existence d'un lien direct entre sa pathologie et ses conditions de travail. La requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la rectrice a inexactement qualifié les faits en refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de ses arrêts maladie du 23 juin 2020 au 24 juin 2021, en révoquant par conséquent son placement provisoire en congé d'invalidité temporaire imputable au service et en la plaçant en congé de maladie ordinaire au titre de la période considérée.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes d'annulation tant de la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a rejeté sa demande d'octroi de la protection fonctionnelle en date du 28 août 2020 que de la décision du 16 juillet 2021 par laquelle la rectrice de l'académie de Guadeloupe a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts maladie du 23 juin 2020 au 24 juin 2021. Elle n'est, par conséquent, pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement a également rejeté ses demandes indemnitaires fondées sur la prétendue illégalité de ces décisions.

15. La requête de Mme B... doit par conséquent être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président-rapporteur,

Laurent Pouget La greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02157
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;22bx02157 ?
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