Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société AEL - La Rand'eau et autres a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 10 août 2021 par lequel la directrice de l'établissement public du parc national de la Guadeloupe a défini les modalités de délivrance des autorisations d'activités commerciales dans les espaces marins classés en cœur du parc national.
Par un jugement n° 2101265 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 10 août 2021.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 juillet 2022, 11 décembre 2023, 12 février 2024 et 15 avril 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le parc national de la Guadeloupe, représenté par Me Audouin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 1er juin 2022 ;
2°) de rejeter la requête de la société AEL - La Rand'eau et autres ;
3°) à titre subsidiaire d'annuler partiellement l'arrêté du 10 août 2021 et/ou prévoir une annulation différée et laisser au parc national de la Guadeloupe un délai de régularisation ;
4°) de mettre à la charge solidaire de la société AEL - La Rand'eau et autres le versement de la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- la recevabilité de la demande de première instance de la société Rand'eau n'était pas justifiée ; cette société n'apporte aucun élément s'agissant de son intérêt à agir ; il en va de même s'agissant des autres requérants, qui se sont bornés à produire leur extrait K-bis ; le jugement de première instance a retenu à tort l'intérêt à agir des requérants ; l'acte attaqué ne constitue qu'un acte préparatoire ne faisant pas grief faute d'autorisation individuelle ;
- les premiers juges ont statué ultra petita en retenant une erreur de droit sans se prononcer sur le moyen tiré de l'incompétence de la directrice du parc national de la Guadeloupe ;
- le tribunal a omis des éléments primordiaux produits par le parc national de la Guadeloupe ; il ne s'est pas prononcé sur le nécessaire respect de la directive 2006/123/CE ;
- les premiers juges ont statué ultra petita en annulant l'arrêté attaqué dans sa totalité ;
- au considérant 7, les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé en quoi l'obligation de communiquer au parc national de la Guadeloupe la copie de l'acte notarié précisant les conditions de reprise serait injustifiée et disproportionnée ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
- la directrice de l'établissement public du parc national de la Guadeloupe était compétente pour réglementer la délivrance des autorisations et leur renouvellement en cas de vente ou de cession d'activités aux articles 1er et 10 de l'arrêté attaqué ; elle dispose d'un pouvoir de police spéciale pour autoriser et réglementer les activités commerciales nouvelles ou les changements de localisation ou d'exercices d'activités existantes ;
- l'arrêté ne méconnait pas l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi découlant des articles 4, 5, 6 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et des citoyens ;
- les dispositions des article 4, 5 et 7 de l'arrêté attaqué sont suffisamment précises, ne sont pas incohérentes avec les autres mesures de police relevant de la compétence du parc et ne sont pas disproportionnées ; les premiers juges pouvaient toutefois prononcer soit un sursis à statuer soit une annulation différée afin de laisser un temps suffisant pour permettre une rédaction différente de cet article ;
- les mesures adoptées par l'arrêté attaqué relèvent d'une démarche préventive visant à remplir les objectifs du parc national de la Guadeloupe ; elles sont conformes aux objectifs donnés au niveau ministériel par le contrat d'objectifs et de performance COP 2019-2023 ; le passage du pétitionnaire par un audit préalable à la délivrance de l'autorisation d'activités commerciales n'est pas une mesure incohérente car elle vise à vérifier la conformité de l'activité à la réglementation ;
- le tribunal ne pouvait pas retenir la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité des normes en se fondant sur les insuffisances et imprécisions des différentes dispositions de l'arrêté attaqué ;
- les dispositions de l'article 11 de l'arrêté attaqué ne sont pas illégales, dès lors que toute sanction ferait l'objet d'une procédure contradictoire conformément à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 décembre 2023, 12 février 2024 et 12 avril 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société AEL La Rand'eau et autres, représentées par Me Caron, concluent au rejet de la requête et demandent à ce que soit mis à la charge de l'établissement public du parc national de la Guadeloupe le paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles justifient d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté attaqué ;
- les moyens invoqués par le parc national de la Guadeloupe ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 avril 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pauline Reynaud,
- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,
- et les observations de Me Audouin, représentant le parc national de la Guadeloupe.
Une note en délibéré présentée par le parc national de la Guadeloupe a été enregistrée le 7 mai 2024.
Considérant ce qui suit :
1. L'établissement public du parc national de la Guadeloupe (EPPNG) a été créé par décret du 20 février 1989. Le décret n° 2009-614 du 3 juin 2009 a été pris pour l'adaptation de la délimitation de la réglementation du parc aux dispositions du code de l'environnement issues de la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006. Par un décret n° 2014-48 du 21 janvier 2014, la charte du parc national de la Guadeloupe a été approuvée. Par un arrêté du 30 juin 2015, le directeur du parc national de la Guadeloupe a listé les établissements ayant une existence régulière au 5 juin 2009 autorisés à exercer une activité commerciale ou artisanale sur les espaces des îlets Pigeon classés au cœur du parc national, ainsi que leur volume d'activité. Par une délibération n° D-21-024 du 8 juillet 2021, le conseil d'administration de l'établissement public du parc national a approuvé de nouvelles modalités d'autorisation d'exercice d'activités commerciales au sein du parc national. Sur le fondement de cette délibération, par un arrêté n° 2021-45 du 10 août 2021, la directrice du parc national de la Guadeloupe a défini les conditions de délivrance des autorisations d'exercice d'activités commerciales dans les espaces marins classés en cœur du parc national. La société AEL - La Rand'eau et autres ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 10 août 2021. L'établissement public du parc national de la Guadeloupe relève appel du jugement n° 2101265 du 1er juin 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 10 août 2021.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants de première instance aient invoqué, s'agissant des articles 1er et 10 de l'arrêté attaqué, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient en contradiction avec les textes sur la base desquelles elles ont été adoptées, et méconnaitraient ainsi les normes et principes supérieurs applicables, lequel n'était soulevé qu'à l'égard de l'article 7 de cet arrêté. Le tribunal administratif de la Guadeloupe a toutefois estimé, au point 6 du jugement, s'agissant de l'article 10 de l'arrêté attaqué, que " en édictant une mesure contraire à la fois à l'article 13 du décret du 3 juin 2009 et du I de la modalité 20 de l'annexe 2 de la charte, et en soumettant au même régime d'autorisation des établissements nouveaux et anciennement implantés, la directrice du Parc a commis une erreur de droit ". Ce faisant, ainsi que le fait valoir l'établissement public du parc national de la Guadeloupe, en soulevant d'office un tel moyen à l'égard de l'article 10 de l'arrêté, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité.
3. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, il y a lieu d'annuler celui-ci et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la société AEL - La Rand'eau et autres devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.
Sur les fins de non-recevoir opposées par l'établissement public du parc national de la Guadeloupe :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les sociétés requérantes exercent depuis de nombreuses années à titre principal une activité commerciale de plongée subaquatique dans les espaces marins classés du parc national de la Guadeloupe, ainsi que des activités de randonnée palmée ou encore de location de kayaks de mer, activités soumises aux nouvelles modalités de délivrance des autorisations, fixées par l'arrêté contesté du 10 août 2021. Il ressort également des pièces du dossier qu'une partie des sociétés requérantes faisait partie des établissements listés comme ayant une existence régulière au 5 juin 2009 autorisés à exercer une activité commerciale, nonobstant la circonstance qu'elles ont ultérieurement fait l'objet de cessions de fonds de commerce. Enfin, la fédération nationale des entreprises des activités physiques de loisirs, dont l'objet est de représenter les intérêts collectifs professionnels, matériels, moraux et économiques des personnes morales de droit privé exploitant à titre commercial principal et habituel des activités sportives récréatives livrées dans le cadre des activités physiques de loisir, du sport ou du temps libre et/ou du tourisme, justifie d'un intérêt à agir contre l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, et en tout état de cause, dès lors que la recevabilité d'une requête collective est assurée lorsque l'un au moins des requérants est recevable à agir, la fin de non-recevoir tiré du défaut d'intérêt à agir des requérantes ne peut qu'être écartée.
5. En deuxième lieu, l'arrêté en litige, qui fixe les modalités de délivrance des autorisations d'activités commerciales dans les espaces marins classés en cœur du parc national, ne peut être regardé comme constituant un acte préparatoire ne faisant pas grief, nonobstant la circonstance que des autorisations individuelles ultérieures doivent être délivrées aux sociétés souhaitant exercer une telle activité. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à ce titre ne peut qu'être écartée.
6. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que les requérantes demandaient l'annulation totale de l'arrêté attaqué. La circonstance invoquée par l'établissement public tirée de ce que les requérantes se sont pourtant bornées à évoquer de manière limitative l'illégalité de certaines dispositions de l'arrêté attaqué est sans incidence sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation présentées par elles. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à ce titre ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les articles 1er et 10 :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 331-1 du code de l'environnement : " Un parc national peut être créé à partir d'espaces terrestres ou maritimes, lorsque le milieu naturel, particulièrement la faune, la flore, le sol, le sous-sol, l'atmosphère et les eaux, les paysages et, le cas échéant, le patrimoine culturel qu'ils comportent présentent un intérêt spécial et qu'il importe d'en assurer la protection en les préservant des dégradations et des atteintes susceptibles d'en altérer la diversité, la composition, l'aspect et l'évolution. / Il est composé d'un ou plusieurs cœurs, définis comme les espaces terrestres et maritimes à protéger, ainsi que d'une aire d'adhésion (...). " Aux termes de l'article L. 331-4-1 du même code : " La réglementation du parc national et la charte prévues par l'article L. 331-2 peuvent, dans le cœur du parc : / 1° Fixer les conditions dans lesquelles les activités existantes peuvent être maintenues ; / 2° Soumettre à un régime particulier et, le cas échéant, interdire la chasse et la pêche, les activités commerciales, (...), toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore et, plus généralement, d'altérer le caractère du parc national / (...). ".
8. L'article 13 du décret du 3 juin 2009 pris pour l'adaptation de la délimitation et de la réglementation du parc national de la Guadeloupe aux dispositions du code de l'environnement issues de la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006, qui figure parmi les règles générales de protection applicables dans le cœur du parc national de la Guadeloupe énoncées au titre II de ce décret, prévoit que : " Les activités artisanales et commerciales existantes, ou prévues au programme d'aménagement, et régulièrement exercées à la date de publication du présent décret sont autorisées. / Les changements de localisation de ces activités et l'exercice d'une activité différente dans les locaux où elles s'exerçaient sont soumis à autorisation du directeur de l'établissement public. / Des activités artisanales et commerciales nouvelles ou de nouveaux établissements peuvent être autorisés par le directeur (...). " Aux termes des dispositions du II de la modalité 20 de l'annexe 2 de la charte de territoire du parc national de la Guadeloupe relative aux modalités d'application de la réglementation dans les cœurs du parc, approuvée par décret n° 2014-48 du 21 janvier 2014 : " Le directeur peut délivrer des autorisations individuelles de changement de localisation et d'exercice d'une activité différente lorsque celle-ci est compatible avec les usages existants, qu'elle n'entraîne pas l'augmentation significative du flux de clientèle et qu'elle n'a aucun impact notable, direct ou indirect, sur les milieux naturels, les habitats naturels, les espèces, la diversité biologique et les paysages. / L'autorisation individuelle précise notamment les modalités, périodes et lieux ".
9. Il résulte de ces dispositions que dans le cœur du parc national de la Guadeloupe, le directeur du parc dispose d'un pouvoir de police spéciale pour autoriser et réglementer les activités commerciales nouvelles ou les changements de localisation ou d'exercice d'activités existantes, dans le but d'assurer le développement de la faune et de la flore et de préserver le caractère du parc national.
10. Il ressort des dispositions de l'article 1er de l'arrêté attaqué que celui-ci réglemente de façon identique la procédure de délivrance d'une autorisation s'agissant d'une première demande, d'une modification, d'une cession ou d'un renouvellement d'une autorisation individuelle d'exercice d'activité commerciale. Il ne ressort toutefois ni des dispositions du code de l'environnement, ni des dispositions de l'article 13 du décret n° 2009-614 du 3 juin 2009, ni du II de la modalité 20 de l'annexe 2 de la charte du territoire national précités, que figurerait parmi les pouvoirs de police spéciale dont dispose la directrice du parc national de la Guadeloupe, la possibilité de prendre des mesures afin de soumettre les établissements existants au 5 juin 2009 à l'obligation de renouveler l'autorisation d'exercer leur activité commerciale à l'expiration d'une durée de 5 ans, et de soumettre tous les établissements, créés antérieurement ou postérieurement à cette date, à une autorisation préalable en cas de cession de leur activité commerciale. Dans ces conditions, la directrice du parc national de la Guadeloupe n'était pas compétente pour prendre l'article 1er de l'arrêté en tant qu'il s'applique aux établissements existants au 5 juin 2009 ainsi qu'à toute cession d'activité commerciale, et le 2ème alinéa de l'article 10 de cet arrêté, réglementant la cession d'activité commerciale d'une entreprise.
11. En deuxième lieu, l'article 10 de l'arrêté prévoit que : " En cas de cession ou de vente de l'entreprise par le titulaire de l'autorisation, le repreneur doit : / - présenter la copie de l'acte notarié qui précise les conditions de reprise juridique (...) ".
12. Ainsi que le soutiennent les requérantes, l'obligation pour le repreneur d'une entreprise, de présenter la copie de l'acte notarié ne se justifie pas au regard des besoins d'information du parc national de la Guadeloupe dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation du repreneur. Par suite, ces dispositions, qui présentent un caractère disproportionné, doivent être annulées.
En ce qui concerne les articles 4, 5 et 11 de l'arrêté :
13. D'une part, l'article 4 de l'arrêté attaqué, relatif à la session pédagogique pour les encadrants et le représentant légal, prévoit que : " La participation à la session pédagogique est obligatoire pour les encadrants et le représentant légal. / A chaque recrutement, le prestataire doit informer le PNG dans un délai d'un mois pour inscrire son ou ses candidats pour participer à une session pédagogique. / Deux périodes de formation sont prévues (mai-juin et septembre-octobre) (...) ".
14. Ainsi que le soutiennent la société AEL - La Rand'eau et autres, il ressort des pièces du dossier que les dispositions précitées ne sont pas suffisamment précises s'agissant des modalités d'organisation de la session pédagogique et ne sont pas adaptées aux réalités de l'exercice de l'activité de plongée subaquatique. En effet, les conditions d'exercice de l'activité des encadrants en attente de formation ainsi que des personnels saisonniers, des stagiaires professionnels et des moniteurs de plongée détenteurs d'un diplôme d'Etat validant leur compétence à l'encadrement et l'enseignement de la plongée sous-marine, sont incomplètes et imprécises. Enfin, ces dispositions ne précisent pas les modalités de prise en charge du salaire de l'encadrant et des frais de transports durant la formation.
15. D'autre part, l'article 5 de l'arrêté attaqué, intitulé " Audit de l'activité " prévoit que : " L'audit préalable à la délivrance de l'autorisation est effectué pendant la réalisation de la prestation par deux agents du parc national qui évalueront la pratique de l'activité. / (...) Un audit de contrôle pourra être organisé à l'initiative du parc durant toute la durée de l'autorisation. Une note globale inférieure à 14/20 entraînera la suspension de l'autorisation ".
16. Les requérants soutiennent que les dispositions précitées de l'article 5 de l'arrêté attaqué sont imprécises s'agissant des modalités de mise en œuvre de l'audit et de son éventuelle contestation. En effet, d'une part, il est prévu qu'un audit soit réalisé préalablement à la délivrance de l'autorisation sollicitée, alors qu'ainsi que le soutiennent les requérantes, la société qui demande l'autorisation d'exercer une activité commerciale peut ne pas disposer des moyens techniques et des matériels ou des investissements nécessaires à l'exercice effectif de son activité, dépendant de l'autorisation délivrée par l'établissement public. D'autre part, les dispositions de l'article 5 ne prévoient pas de dispositif de contestation ou de recours en cas de désaccord entre le représentant légal de l'entreprise et les contrôleurs sur la notation obtenue et/ou les appréciations données, ni les sanctions envisagées, telle la suspension de l'autorisation.
17. Enfin, selon l'article 11 de l'arrêté attaqué, relatif aux contrôles et sanction : " Le non-respect du présent arrêté entraîne un rapport de manquement administratif qui peut provoquer une suspension de l'autorisation d'activité commerciale délivrée par le parc national. / Le non-respect de la réglementation du parc national peut entraîner une infraction judiciaire (...) ".
18. Ainsi que le soutiennent les requérantes, en cas de non-respect de la réglementation du parc national, les dispositions précitées de l'article 11 ne précisent ni quelles sont les " infractions judiciaires " auxquelles seraient susceptibles d'être exposées les entreprises exerçant une activité commerciale, ni le fondement légal de ces infractions, ni enfin les sanctions encourues ou encore les autorités compétentes pour les prononcer.
19. Il résulte de ce qui précède qu'ainsi que le soutiennent les sociétés requérantes, les dispositions précitées des articles 4, 5 et 11 de l'arrêté attaqué sont imprécises et équivoques, voire contradictoire avec les modalités d'exercice d'une activité commerciale, plaçant les demandeurs d'autorisation dans une situation d'incertitude et d'insécurité juridique, et méconnaissent dès lors l'objectif constitutionnel d'intelligibilité et d'accessibilité.
En ce qui concerne l'article 7 de l'arrêté :
20. L'article 7 de l'arrêté attaqué intitulé " Obligation d'affichage " prévoit que : " Le prestataire s'engage à valoriser le parc national de la Guadeloupe. Il affichera clairement le parc national de la Guadeloupe sur les différents supports utilisés (site internet, réseaux sociaux, son local commercial) et sur son ou ses navires exploités pour l'activité. / Pour ce faire, le PNG fournira aux prestataires le visuel et le texte à afficher (annexe 3 du présent arrêté) en version autocollante et signée par le titulaire. / Pour les activités aquatiques et subaquatiques, le parc national fournira : - 1 brassard d'identification par encadrant ; / - 10 brassards d'identification par palanquée autonome ".
21. Il ressort des pièces du dossier que l'adhésion des établissements aux valeurs de la charte de territoire du parc national de la Guadeloupe implique nécessairement la sensibilisation des clients de ces entreprises à la nécessité de préservation du parc national de la Guadeloupe ainsi qu'à sa valorisation. Dans ces conditions, les mesures d'affichages imposées par les dispositions précitées, en particulier le port d'un brassard d'identification par palanquée autonome et l'affichage, sur les embarcations, d'un visuel du parc national de la Guadeloupe, qui ne se justifient pas pour l'exercice d'une activité commerciale au cœur du parc national régional de la Guadeloupe, apparaissent disproportionnées au regard de l'objectif tendant à la valorisation dudit parc. Par suite, ces dispositions doivent être annulées.
En ce qui concerne l'article 8 de l'arrêté :
22. D'une part, l'article 7 de l'arrêté attaqué, intitulé " Pratiques interdites ", correspondant en réalité à l'article 8, prévoit que : " Sur la base du décret n° 2009-614 du 3 juin 2009 la directrice réglemente la pratique dans les espaces de cœur pour assurer la préservation de ces milieux naturels sensibles, en conséquence est interdit : / (...) - toutes palmes supérieures à 45 cm ; - tout éclairage artificiel de jour ; - toutes prises de vue et de son réalisées par les clients lors des activités subaquatiques ; (...) ".
23. D'autre part, selon l'article 16 du décret du 3 juin 2009 : " Les prises de vue ou de son réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle ou à but commercial sont interdites, sauf autorisation du directeur de l'établissement public, le cas échéant subordonné au paiement d'une redevance dont le montant est fixé par le conseil d'administration ". La modalité 28 de l'annexe 2 de la charte de territoire du parc national de la Guadeloupe relative aux modalités d'application de la réglementation dans les cœurs du parc précise que : " L'autorisation dérogatoire individuelle peut être délivrée dans les conditions cumulatives suivantes : / 1° absence d'utilisation de tout moyen ou chose qui est de nature à déranger les animaux (...) ; 2° absence d'évocation directe ou indirecte de pratiques, d'usages ou d'activités contraires à la réglementation en vigueur (...) ". Enfin, le point 1. du formulaire de demande d'autorisation de prises de vue ou de son indique que : " Les tournages, prises de vues et de son réalisées hors cadre professionnel ou commercial, avec du matériel individuel et portatif, peu susceptible d'engendrer un dérangement ne nécessitent pas d'autorisation de la part du directeur de l'établissement public ".
24. L'article 3 du décret du 3 juin 2009 prévoit que : " I. Il est interdit : (...) / 9° D'utiliser tout éclairage artificiel, quels que soient son support, sa localisation et sa durée, à l'exclusion de l'éclairage des bâtiments à usage d'habitation sous réserve que cet éclairage ne soit pas de nature à déranger les animaux et ne porte pas atteinte au caractère du parc. (...) / IV. - Les interdictions édictées par les 5° et 9° ne sont pas applicables à l'utilisation d'objets sonores et d'éclairages artificiels pour les besoins des activités (...) autorisées, qui est réglementée par le directeur de l'établissement public du parc qui peut, le cas échéant, la soumettre à une autorisation ". Par ailleurs, la modalité 7 de l'annexe 2 de la charte de territoire du parc national de la Guadeloupe relative aux modalités d'application de la réglementation dans les cœurs du parc précise que : " Le directeur réglemente l'utilisation d'éclairage artificiel dans les cas suivants : (...) / 2° Utilisation de lampes à alimentation autonome sur l'ensemble des espaces classés en cœur, dès lors que la portée des faisceaux lumineux est inférieure à 50 mètres (...) ".
25. Les mesures, prévues par les dispositions précitées de l'article 8 de l'arrêté attaqué, d'interdiction générale de toutes prises de vue ou de son réalisées par les clients lors des activités subaquatiques, de tout éclairage artificiel de jour, et de toutes palmes supérieures à 45 cm, lesquelles contreviennent à la sécurité et à l'exercice même de l'activité de plongée subaquatique, ne sont pour autant ni justifiées ni proportionnées au regard de l'objectif poursuivi d'assurer le développement de la faune et de la flore et de préserver le caractère du parc national de la Guadeloupe. Par suite, ces dispositions doivent être annulées.
26. Il résulte de tout ce qui précède que l'article 1er, en tant qu'il s'applique aux établissements existants au 5 juin 2009 ainsi qu'à toute cession d'activité commerciale, le 2ème alinéa de l'article 10, réglementant la cession d'activité commerciale d'une entreprise, les articles 4, 5, 7 et 11, ainsi que l'article 8 en tant qu'il interdit toutes prises de vue ou de son réalisées par les clients lors des activités subaquatiques, tout éclairage artificiel de jour et toutes palmes supérieures à 45 cm, de l'arrêté du 10 août 2021 doivent être annulés.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société AEL - La Rand'Eau et autres, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par l'établissement public du parc national de la Guadeloupe, au titre des frais exposés non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public du parc national de la Guadeloupe, le versement à la société AEL - La Rand'Eau et autres de la somme de 1 500 euros sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2101265 du 1er juin 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 2 : L'article 1er, en tant qu'il s'applique aux établissements existants au 5 juin 2009 ainsi qu'à toute cession d'activité commerciale, le 2ème alinéa de l'article 10, réglementant la cession d'activité commerciale d'une entreprise, les articles 4, 5, 7 et 11, ainsi que l'article 8 en tant qu'il interdit toutes prises de vue ou de son réalisées par les clients lors des activités subaquatiques, tout éclairage artificiel de jour et toutes palmes supérieures à 45 cm, de l'arrêté du 10 août 2021 sont annulés.
Article 3 : L'établissement public du parc national de la Guadeloupe versera à la société AEL - La Rand'Eau et autres la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société AEL - La Rand'eau et autres est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société la société Abia location Guadeloupe, agissant sous l'enseigne commerciale " les Heures saines " désignée en qualité de représentante unique des défendeurs en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et au parc national de la Guadeloupe.
Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Bénédicte Martin, présidente,
Mme Isabelle Le Bris, première conseillère,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.
La rapporteure,
Pauline ReynaudLa présidente,
Bénédicte MartinLe greffier,
Anthony Fernandez
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02145