Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016 pour un montant total de 303 406 euros.
Par un jugement n° 2000596, 2000597 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Limoges a prononcé à un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 20 374 euros, et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 juillet 2022 et le 21 février 2024, Mme B..., représentée par Me Sérée de Roch demande à la cour :
1°) de prononcer un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 20 374 euros prononcé le 16 décembre 2020 ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 25 mai 2022 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2014, 2015 et 2016, pour un montant total de 303 406 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
- l'administration fiscale ne lui a pas adressé un avis de vérification concernant son activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté ;
- elle n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
- la proposition de rectification adressée le 4 juin 2018 n'est pas suffisamment motivée ;
En ce qui concerne le bien fondé des impositions :
- les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ne sont pas justifiées dès lors qu'elle n'a retiré aucun bénéfice de son activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté, qu'elle exerce à titre bénévole ;
- l'évaluation faite par l'administration fiscale des recettes liées à cette activité est exagérée et n'a pas tenu compte de l'ensemble des dépenses déductibles exposées ;
- la majoration prévue par l'article 158-7 du code général des impôts et s'appliquant à la base d'imposition des revenus des titulaires de BIC, BNC ou BA non adhérents d'un organisme de gestion agréé, viole l'article 1er du premier protocole additionnel à la déclaration européenne des droits de l'homme ; la cour européenne des droits de l'Homme vient de le juger dans son arrêté du 7 décembre 2023 Waldner c/ France ; en l'espèce, l'administration a artificiellement majoré le bénéfice net reconstitué par le coefficient multiplicateur de 1.25 et a ainsi méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel à la déclaration européenne des droits de l'homme ;
- l'administration ne pouvait lui appliquer cumulativement les majorations prévues aux articles 1728-1 b et 1758 A du code général des impôts ;
- le calcul du montant de la majoration de 10 % des droits au titre de l'année 2014 est erroné dès lors qu'il intègre la somme de 232 euros correspondant à un impôt restitué à tort ;
- l'application de la majoration de 40 % pour défaut de dépôt de déclaration de résultats n'est pas justifiée dès lors que l'administration a adressé l'avis de vérification avant l'expiration du délai de trente jours, prévu pour déposer sa déclaration ;
- s'agissant des intérêts dus jusqu'au 31 décembre 2017, l'administration aurait dû faire application du taux d'intérêts de 0,20 % issu de l'article 55 de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, et non pas de 0,40%.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 janvier 2023 et le 25 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du montant du dégrèvement prononcé par décision du 25 mars 2024 et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que :
- il a accordé un dégrèvement à hauteur de 74 643 euros, dont il doit être pris acte ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pauline Reynaud,
- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., exploitante agricole sur le territoire de la commune d'Azerables, exerce depuis 2011 une activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté. Mme B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur cette activité, pour la période courant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration a imposé des sommes perçues au titre de cette activité et non déclarées, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre des années 2014 à 2016. Mme B... a été informée de ces rehaussements par une proposition de rectification du 15 décembre 2017 s'agissant de l'année 2014, et du 4 juin 2018 s'agissant des années 2015 et 2016. Les réclamations préalables formées le 18 octobre 2019 ayant été implicitement rejetées par l'administration fiscale, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2014, 2015 et 2016. Mme B... relève appel du jugement n° 2000596, 2000597 du 25 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur l'étendue du litige :
2. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 25 mars 2024, postérieure à l'enregistrement de la demande devant la cour, l'administration fiscale a accordé à Mme B... un dégrèvement à hauteur de 74 643 euros. Par suite, les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ".
4. Il résulte de l'instruction que Mme B... a été destinataire de deux avis de vérification de comptabilité du 21 novembre 2017, l'informant de la vérification de comptabilité de l'ensemble de ses déclarations fiscales pour les années 2014, 2015 et 2016, l'une concernant son activité d'exploitante agricole, l'autre concernant son activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que son activité d'accueil et d'hébergement n'était pas visée par l'avis de vérification qui lui a été notifié, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait.
6. S'agissant de la vérification de comptabilité portant sur l'activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté, si Mme B... soutient avoir été privée d'un débat oral et contradictoire, compte tenu de la brièveté des opérations de contrôle réalisées par le vérificateur, qui n'aurait effectué que deux visites espacées de seulement quinze jours, il résulte toutefois de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 15 décembre 2017, que le vérificateur s'est rendu dans les locaux les 29 novembre 2017, 5 décembre 2017, 7 décembre 2017 et que, concernant le contrôle de l'activité exercée au titre de 2014, une réunion de synthèse s'est tenue le 14 décembre 2017. La circonstance que les entretiens des 5 et 7 décembre 2017 n'aient pas fait l'objet de comptes-rendus écrits ne suffit pas à remettre en cause leur existence. Par ailleurs, dans le cadre du contrôle de l'activité exercée au titre des années 2015 et 2016, il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est également rendu dans les locaux de l'entreprise les 12 janvier 2018 et 27 février 2018, et qu'une réunion de synthèse s'est déroulée le 30 mai 2018, à l'issue du contrôle. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impartit une durée minimale de déroulement des opérations de vérification. Par ailleurs, Mme B... ne démontre pas que le vérificateur se serait opposé à tout échange de vue avec elle et, en se prévalant de la brièveté du contrôle, qui ne lui aurait pas permis d'aborder les obligations comptables et l'ensemble des éléments retenus par le service pour établir les impositions contestées, n'établit pas qu'elle n'aurait pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Selon l'article R. 57-1 de ce même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Enfin, selon l'article L. 76 du même livre : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs pour lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
8. Mme B... soutient que les propositions de rectifications qui lui ont été adressées le 15 décembre 2017 et le 4 juin 2018 ne sont pas suffisamment motivées. Il résulte toutefois de l'instruction que les propositions de rectification du 15 décembre 2017 et 4 juin 2018 précisent la nature de l'impôt concerné, les années d'imposition et les bases de celles-ci, ainsi que leur fondement légal, à savoir l'article 93 du code général des impôts. Ces propositions de rectification comportent également un exposé détaillé des faits qui ont conduit le service à envisager les rehaussements en litige. Enfin, contrairement à ce que soutient l'appelante, ces propositions de rectifications mentionnent, de manière suffisamment précise, l'absence de comptabilité et de justificatifs, les modalités de reconstitution du montant des recettes imposables, et des dépenses professionnelles déductibles. Dans ces conditions, cette motivation a permis à Mme B... de formuler des observations en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des propositions de rectification, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, doit être écarté.
9. En quatrième et dernier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'erreur dans la procédure d'imposition, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, ni davantage invoquer utilement une méconnaissance des droits de la défense garantis au paragraphe 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur le bien-fondé du jugement :
10. D'une part, aux termes de l'article 1 A du code général des impôts : " Il est établi un impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques désigné sous le nom d'impôt sur le revenu. Cet impôt frappe le revenu net global du contribuable déterminé conformément aux dispositions des articles 156 à 168. / Ce revenu net global est constitué par le total des revenus nets des catégories suivantes : (...) / - Bénéfices des professions non commerciales et revenus y assimilés ". Selon l'article 92 de ce même code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ". Aux termes de l'article 93 du même code : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle ". L'article 96 dudit code, dans sa version applicable jusqu'au 1er janvier 2015, prévoyait que : " I Les contribuables qui réalisent ou perçoivent des bénéfices ou revenus visés à l'article 92 sont obligatoirement soumis au régime de la déclaration contrôlée lorsque le montant annuel de leurs recettes excède 32 900 €. / Peuvent également se placer sous ce régime, les contribuables, dont les recettes annuelles ne sont pas supérieures à 32 900 €, lorsqu'ils sont en mesure de déclarer exactement le montant de leur bénéfice net et de fournir à l'appui de cette déclaration toutes les justifications nécessaires ". Depuis le 1er janvier 2015, cet article dispose que : " I. Les contribuables qui réalisent ou perçoivent des bénéfices ou revenus visés à l'article 92 sont obligatoirement soumis au régime de la déclaration contrôlée lorsqu'ils ne peuvent pas bénéficier du régime défini à l'article 102 ter. / Peuvent également se placer sous ce régime les contribuables relevant du régime défini à l'article 102 ter lorsqu'ils sont en mesure de déclarer exactement le montant de leur bénéfice net et de fournir à l'appui de cette déclaration toutes les justifications nécessaires ".
11. D'autre part, selon l'article L. 221-2-1 du code de l'action sociale et des familles : " Lorsqu'un enfant est pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur un autre fondement que l'assistance éducative, le président du conseil départemental peut décider, si tel est l'intérêt de l'enfant et après évaluation de la situation, de le confier à un tiers, dans le cadre d'un accueil durable et bénévole. Sans préjudice de la responsabilité du président du conseil départemental, le service de l'aide sociale à l'enfance informe, accompagne et contrôle le tiers à qui il confie l'enfant. Un référent désigné par le service est chargé de ce suivi et de la mise en œuvre du projet pour l'enfant prévu à l'article L. 223-1-1. Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret ". Aux termes de l'article D. 221-16 de ce code : " L'accueil durable et bénévole par un tiers, prévu à l'article L. 221-2-1, d'un enfant pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance, s'exerce au domicile de ce tiers. Cet accueil peut être permanent ou non, en fonction des besoins de l'enfant. Il s'inscrit dans le cadre du projet pour l'enfant prévu à l'article L. 223-1-1 ". Aux termes de l'article D. 316-5 du code de l'action sociale et des familles : " I. ' Les frais de fonctionnement de chaque lieu de vie et d'accueil défini à la présente section sont pris en charge par les organismes financeurs mentionnés au IV de l'article D. 316-2 sous la forme d'un forfait journalier. (...) / II. - Le montant du forfait journalier est composé : / 1° D'un forfait de base (...) qui est destiné à prendre en charge forfaitairement les dépenses suivantes : / a) La rémunération du ou des permanents et des autres personnels salariés du lieu de vie et d'accueil (...) ; b) Les charges d'exploitation à caractère hôtelier et d'administration générale ; / c) Les charges d'exploitation relatives à l'animation, à l'accompagnement social (...) ; / e) Les amortissements du matériel et du mobilier permettant l'accueil des résidents ; / f) Les provisions pour risques et charges ; / g) La taxe nette sur la valeur ajoutée pour la fourniture de logement et de nourriture dès lors que ces services constituent les prestations principales couvertes par le forfait journalier ".
En ce qui concerne la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de Mme B... :
S'agissant des recettes :
12. Mme B... soutient exercer son activité à titre bénévole, et n'en avoir tiré aucun bénéfice, de sorte qu'elle ne pouvait pas être imposée à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux, en application des dispositions précitées de l'article 93 du code général des impôts. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier des relevés bancaires de Mme B..., que cette dernière a perçu, dans le cadre de l'exercice de l'activité d'accueil et d'hébergement d'enfants, un forfait journalier d'un montant de 130 euros pour chaque enfant accueilli, versé par le conseil départemental de l'Essonne, et que ce forfait comprend, conformément aux dispositions précitées de l'article D. 316-5 du code de l'action sociale et des familles, non seulement les frais de prise en charge des enfants accueillis, mais également la rémunération du ou des permanents et autres personnels salariés du lieu de vie et d'accueil. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'en l'absence de présentation d'une comptabilité, l'administration fiscale a procédé à la reconstitution des recettes de Mme B... à partir du compte bancaire ouvert spécifiquement pour l'exercice de cette activité auprès de Groupama Orange Bank. Il en résulte que le montant des sommes versées par le département de l'Essonne s'élève à 218 833 euros au titre de l'année 2014, 263 519 euros au titre de l'année 2015 et 302 562 euros au titre de l'année 2016. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir n'avoir perçu aucune rémunération au titre de l'activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté. Enfin, Mme B... n'apporte aucun élément de nature à établir que le montant des recettes retenu par l'administration aurait été exagéré par rapport aux conditions réelles d'exploitation. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a soumis l'intéressée à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux, en application des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts.
S'agissant des charges :
13. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Selon l'article 39 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (...) ; / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) ; / 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ".
Quant aux frais alimentaires, de boucher et de pain :
14. Mme B... se prévaut de règlements par chèque qui n'auraient pas été pris en compte par l'administration fiscale pour demander la prise en compte de frais supplémentaires de boucher à hauteur de 21 063,45 euros, et de paiements en espèce à hauteur de 199,33 euros pour demander la déduction de frais de pain. Elle demande enfin la prise en compte de frais d'alimentation supplémentaires engagés au titre de l'année 2014. Elle ne justifie toutefois ni de la réalité de ces dépenses, ni de leur lien avec l'activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté.
Quant aux frais kilométriques :
15. Si Mme B... demande à ce que des frais kilométriques supplémentaires, ainsi que des frais de péage, engagés au titre des années 2015 et 2016, soient admis en déduction, dès lors qu'elle a effectué de nombreux déplacements quotidiens de courtes distances qui n'ont pas été pris en compte par l'administration fiscale, elle n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir qu'il y aurait lieu d'admettre des frais kilométriques d'un montant supérieur à celui déjà pris en compte.
Quant aux frais divers :
16. Mme B... sollicite la déduction de frais complémentaires d'achat de vêtements, de petit matériel, de cadeaux, d'abonnements mobiles et d'abonnement internet et téléphone fixe, ainsi que l'argent de poche versé aux enfants, pour un montant global de 14 652,80 euros. Elle n'apporte toutefois aucune pièce de nature à établir que ces différentes dépenses ont effectivement été engagées et qu'elles sont en lien avec l'activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté.
Quant aux frais d'eau, d'électricité et de bois de chauffage :
17. Si Mme B... soutient que les enfants accueillis sont des gros consommateurs d'électricité et que leur part d'utilisation dans le foyer représente 75 %, soit 3 534 euros, elle n'apporte toutefois aucun élément établissant la part des charges d'électricité effectivement engagées en lien avec l'activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté.
Quant à la prise en compte des salaires versés à M. A... et M. D... :
18. Mme B... soutient qu'elle a été contrainte d'employer deux salariés, M. A... et M. D... au sein de son exploitation agricole, afin de combler ses absences liées à son activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté, et que ces charges doivent être admises en déduction par l'administration fiscale. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier des bulletins de paie produits, que ces salaires sont exclusivement supportés par l'exploitation agricole de Mme B..., et inscrits dans les écritures comptables de cette exploitation. Par suite, ces salaires ne peuvent être regardés comme étant en lien avec l'exercice de l'activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté et Mme B... n'est dès lors pas fondée à en demander la déduction.
Quant à l'amortissement du matériel et du mobilier :
19. Il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Ne peuvent être déduits du bénéfice imposable que les amortissements et provisions qui ont été effectivement inscrits dans les écritures comptables à la clôture de chacun des exercices concernés. Il appartient au contribuable de justifier que cette inscription a été effectuée avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels de l'entreprise.
20. Me B... sollicite, au titre de l'année 2014, la prise en compte d'amortissements de matériel et de mobilier permettant l'accueil des enfants, d'un tracteur d'occasion, de quatre vélos et quatre scooters destinés aux jeunes. Toutefois, à défaut de tenue d'une comptabilité, aucun amortissement n'a été inscrit dans la comptabilité de Mme B... au titre de l'année 2014 avant l'expiration du délai imparti pour la déclaration des résultats annuels, de sorte qu'ils ne sauraient être regardés comme ayant été réellement effectués au sens de l'article 39 du code général des impôts.
Quant aux provisions pour charges et risques :
21. Si Mme B... demande la prise en compte d'une provision pour risques et charges d'un montant de 3 345,21 euros, il résulte toutefois de l'instruction qu'à défaut de tenue d'une comptabilité, cette provision n'a pas été inscrite dans la comptabilité de Mme B... au titre de l'année 2014 avant l'expiration du délai imparti pour la déclaration des résultats annuels, de sorte qu'elle ne saurait être déduite du bénéfice imposable de l'appelante, conformément à l'article 39 du code général des impôts. Par suite, sa demande ne peut qu'être rejetée.
Quant aux frais de fonctionnement de l'exploitation agricole et aux frais d'achat d'un terrain :
22. Si Mme B... sollicite la déduction de frais de fonctionnement de l'exploitation agricole, elle n'établit par aucun document que ces frais seraient nécessaires à l'exercice de son activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté, et ne précise pas la nature et le montant des dépenses qui seraient effectivement supportées à ce titre. Par suite, sa demande ne peut qu'être rejetée.
23. Par ailleurs, si Mme B... demande la prise en compte d'un terrain acheté en 2015 pour un montant de 11 760 euros, elle n'établit pas plus que cet achat serait justifié pour le fonctionnement de son activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté.
Quant aux frais avancés par M. D... :
24. Si l'appelante demande la déduction, au titre des années 2015 et 2016, d'une somme de 26 205 euros, correspondant au remboursement de frais avancés par son salarié, M. D..., elle n'apporte aucun justificatif permettant d'établir la nature de ces frais et leur montant. Par suite, sa demande ne peut qu'être rejetée.
Quant au prorata des dépenses mixtes :
25. Mme B... soutient que la part professionnelle des dépenses mixtes retenue par l'administration fiscale est sous-évaluée, dès lors qu'elle ne tient pas compte des spécificités et habitudes de consommation des enfants accueillis. Elle n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir que le prorata des dépenses mixtes aurait été sous-évalué par l'administration, et ne propose d'ailleurs pas de répartition alternative.
En ce qui concerne les intérêts et majorations :
S'agissant des intérêts :
26. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) ". Le taux de l'intérêt de retard, fixé à 0,40 % par mois par le III de cet article jusqu'au 31 décembre 2017, a été ramené à 0,20 % par mois par l'article 55 de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, dont le III précise que ce nouveau taux s'applique aux intérêts courant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.
27. Par sa décision n° 438849 du 22 juillet 2020, le Conseil d'Etat a rappelé, en premier lieu, que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Il a jugé, en second lieu, que si, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des travaux préparatoires ayant précédé l'adoption des dispositions de la loi du 28 décembre 2017 contestées devant lui, l'évolution des taux du marché a conduit, dans les années précédant sa réduction, à une hausse relative de cet intérêt par rapport à ces derniers et en particulier aux taux pratiqués lors de la souscription des emprunts de l'Etat, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Il suit de là que l'application des intérêts n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique.
S'agissant des majorations :
28. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ". Selon l'article 1758 A de ce code : " I. Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue ". Aux termes de l'article 175 du même code : " Les déclarations doivent parvenir à l'administration au plus tard le 1er mars. Toutefois, les déclarations souscrites par voie électronique en application de l'article 1649 quater B ter doivent parvenir à l'administration au plus tard le 20 mars, selon un calendrier et des modalités fixés par arrêté. Le délai du 1er mars est prolongé au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai en ce qui concerne les commerçants et industriels, les exploitants agricoles placés sous un régime réel d'imposition et les personnes exerçant une activité non commerciale, placées sous le régime de la déclaration contrôlée ".
29. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ". Il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de pénalités visées par le second alinéa de ce texte, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations.
30. Il résulte de l'instruction que les propositions de rectification des 15 décembre 2017 et 4 juin 2018 comportaient les circonstances de droit et de fait fondant l'application, d'une part, au titre de l'année 2014, de la majoration de 10 % prévue au I de l'article 1758 A du code général des impôts, d'autre part, au titre des années 2015 et 2016, de la majoration de 40 % prévue au b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces pénalités ne peut qu'être écarté.
31. En second lieu, il résulte de l'instruction que le 5 mai 2015, Mme B... n'avait pas déposé la déclaration des bénéfices non commerciaux qu'elle était tenue de souscrire au titre de l'année 2014 à raison de son activité d'accueil et d'hébergement d'enfants en difficulté. Il en va de même s'agissant de la déclaration des bénéfices non commerciaux qu'elle était tenue de souscrire au titre de l'année 2015 et de l'année 2016. Par suite, c'est à bon droit, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Limoges, que l'administration fiscale a appliqué, d'une part, au titre de l'année 2014, la majoration de 10 % prévue au I de l'article 1758 A du code général des impôts, d'autre part, au titre des années 2015 et 2016, la majoration de 40 % prévue au b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.
32. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016 pour un montant total de 303 406 euros.
Sur les frais liés au litige :
33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B... à concurrence du dégrèvement de 74 643 euros prononcé le 25 mars 2024.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... née E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.
La rapporteure,
Pauline ReynaudLa présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Anthony Fernandez
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01896