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21/05/2024 | FRANCE | N°22BX01360

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 21 mai 2024, 22BX01360


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'EURL AP Conseil Immo a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge pour un montant total de 60 609 euros au titre des exercices clos en 2015 et 2016.



Par un jugement n° 2001364 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 mai 2022, 4 septembre 2023 et 28 septembre 2023, ce dernier mémoire n'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL AP Conseil Immo a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge pour un montant total de 60 609 euros au titre des exercices clos en 2015 et 2016.

Par un jugement n° 2001364 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 mai 2022, 4 septembre 2023 et 28 septembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'EURL AP Conseil Immo, représentée par Me Richard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 mars 2022 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2015 et 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits et une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts, dès lors qu'elle remplit bien les conditions pour bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par ces dispositions ; elle exerce une activité qui doit être qualifiée de sédentaire et disposait en 2015 et 2016 d'un local professionnel dans la zone franche urbaine, lequel comportait tous les moyens d'exploitation nécessaires à l'activité ; par ailleurs, l'exercice de son activité s'effectue dans le local situé en zone éligible, au moyen d'outils informatiques ;

- elle a commis à son détriment une erreur comptable pour la détermination de son bénéfice imposable au titre de l'année 2015 d'un montant de 50 000 euros, et au titre de l'année 2016, d'un montant de 94 166 euros, justifiant qu'elle puisse bénéficier d'une compensation à hauteur de ces sommes, en application de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 novembre 2022 et 18 septembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL AP Conseil Immo ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 2 octobre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL AP Conseil Immo, dont le siège se situe à La Rochelle, exerce depuis le 1er décembre 2012 une activité d'agent et de conseil en immobilier tant en France qu'à l'étranger. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2015 et 2016, suite à laquelle le service a remis en cause l'exonération totale prévue à l'article 44 octies A du code général des impôts, qu'elle avait déclarée des bénéfices de ces deux exercices, s'élevant à 146 139 euros en 2015 et 64 524 euros en 2016. Par une proposition de rectification du 20 juillet 2018, l'administration fiscale a informé la société des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés, pour un montant de 60 609 euros. Sa réclamation préalable du 29 janvier 2020 ayant été rejetée par une décision du 4 février 2020, l'EURL AP Conseil Immo a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2015 et 2016. L'EURL AP Conseil Immo relève appel du jugement n° 2001364 du 18 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 octies A du code général des impôts :

2. D'une part, aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts dans sa version applicable à la période en litige : " I. Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, (...) sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. (...) Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines (...). / II. L'exonération s'applique au bénéfice d'un exercice ou d'une année d'imposition, déclaré selon les modalités prévues aux articles 50-0,53 A, 96 à 100,102 ter et 103, diminué des produits bruts ci-après qui restent imposables dans les conditions de droit commun (...) / Le bénéfice exonéré ne peut excéder 100 000 € par contribuable et par période de douze mois, majoré de 5 000 € par nouveau salarié embauché à compter du 1er janvier 2006 domicilié dans une zone urbaine sensible ou dans une zone franche urbaine et employé à temps plein pendant une période d'au moins six mois. Cette condition est appréciée à la clôture de l'exercice ou de la période d'imposition au titre duquel ou de laquelle l'exonération s'applique (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 44 A octies du code général des impôts que, pour pouvoir bénéficier du régime d'exonération qu'elles instituent, une entreprise doit exercer une activité dans une zone franche urbaine et doit y disposer des moyens d'exploitation nécessaires à cette activité. En outre, lorsqu'une entreprise exerçant une activité non sédentaire est implantée en zone franche urbaine, l'exonération prévue ne peut s'appliquer que si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines.

5. Il résulte de l'instruction que le siège et seul établissement de l'EURL AP Conseil Immo, créée en novembre 2012, se situe au 146 boulevard Emile Delmas à La Rochelle, en zone franche urbaine. L'EURL, qui exerce une activité d'agent immobilier, est mandatée par des clients pour rechercher des biens immobiliers sur le territoire national, et perçoit des honoraires de négociation, de conseils et d'accompagnement au titre des acquisitions immobilières réalisées. L'EURL soutient que son activité doit être qualifiée de sédentaire au sens des dispositions précitées de l'article 44 A octies du code général des impôts dès lors que cette activité est exercée par son associé unique dans le local situé en zone franche urbaine, depuis lequel sont effectuées toutes les tâches administratives et comptables ainsi que les prospections par la voie d'outils informatiques. La société produit à cet égard cinq factures de clients, quatre contrats de mandat signés à La Rochelle, des attestations de clients indiquant s'être rendus dans le local professionnel de l'EURL, le contrat de bail du local qu'elle loue à titre professionnel, ainsi que la copie de l'actif du bilan au titre des années 2015 et 2016 attestant de l'existence de moyens matériels d'exploitation. Il résulte toutefois de l'instruction que l'EURL AP Conseil Immo ne dispose en zone franche urbaine que d'un bureau loué de 12 m² situé au 1er étage d'un immeuble et que les clients pour lesquels elle a exercé une activité de recherche de biens immobiliers ou de négociation ont leur siège social en Charente-Maritime, dans les Bouches-du-Rhône, en Gironde, dans les Hauts-de-Seine ou dans les Alpes-Maritimes. Par ailleurs, au titre de l'année 2015, une seule acquisition immobilière réalisée a concerné un bien situé dans le périmètre d'une zone franche urbaine, représentant 22 % du chiffre d'affaires, alors qu'en 2016, aucune acquisition immobilière ne concernait un bien situé en zone franche urbaine. Il résulte également de l'instruction que l'EURL AP Conseil Immo a déclaré d'importants frais de déplacements dans plusieurs régions métropolitaines, supérieurs à 23 000 kms au titre des périodes considérées. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que la société requérante exerçait une activité non sédentaire au sens des dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts.

6. Par ailleurs, l'EURL AP Conseil Immo ne remplit pas les conditions imposées aux sociétés exerçant une activité non sédentaire, dès lors qu'elle ne dispose d'aucun salarié et qu'elle ne justifie pas réaliser au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans le périmètre de la zone franche urbaine.

7. Il résulte de ce qui précède que l'EURL AP Conseil Immo n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait prétendre à l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 44 octies A du code général des impôts.

En ce qui concerne les demandes de compensation en application de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales au titre de l'année 2016 :

8. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. Les sommes incorporées aux capitaux propres à l'occasion d'une fusion ou scission sans échange de titres au sens du 3° du II de l'article L. 236-3 du code de commerce viennent également diminuer le bénéfice net déterminé dans les conditions prévues au premier alinéa du présent 2. / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services ".

9. Aux termes de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ".

10. Il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de l'EURL AP Conseil Immo au titre l'année 2015 résultent de la remise en cause de l'exonération totale déclarée des bénéfices, à hauteur de 146 139 euros en 2015 et 64 524 euros en 2016. L'EURL soutient qu'en application de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, elle est fondée à solliciter le bénéfice d'une compensation entre, d'une part, les impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'année 2016, et, d'autre part, la surtaxe résultant de ce qu'au titre de l'exercice clos en 2016, l'acompte versé par la société espace investissement en 2016 d'un montant de 50 000 euros TTC a été comptabilisé en " facture à établir " et a été à tort rattaché aux produits de l'exercice 2016, et de ce qu'une créance devenue irrécouvrable à hauteur de 72 000 TTC euros correspondant à une affaire non conclue a été inscrite en comptabilité au titre de ce même exercice. Toutefois, en se bornant à se prévaloir de factures établies en 2017 et 2018, exercices n'ayant pas fait l'objet de la vérification en litige, ainsi que d'une attestation de M. A... datant du 15 avril 2022, lequel indique ne jamais avoir signé de convention avec l'EURL AP Conseil Immo en vue de l'acquisition d'un immeuble, l'EURL AP Conseil Immo n'établit pas les erreurs comptables dont elle se prévaut au titre de l'année 2016. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de compensation au titre de l'année 2016.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL AP Conseil Immo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2015 et 2016.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'EURL AP Conseil Immo au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL AP Conseil Immo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL AP Conseil Immo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX001360


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01360
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;22bx01360 ?
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