Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Lacs a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les titres exécutoires nos 260 et 261 émis le 23 mars 2019 par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Indre pour des montants de 30 097,10 euros et 28 561,58 euros, correspondant au paiement de sa contribution financière au fonctionnement de ce service au titre des années 2012 et 2013, et de la décharger de l'obligation de payer ces sommes.
Par un jugement n° 1900908 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande ainsi que les conclusions présentées par le SDIS de l'Indre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2022, la commune de Lacs, représentée par Me Rignault, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 février 2022 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler les titres exécutoires émis le 23 mars 2019 par le SDIS de l'Indre pour des montants de 30 097,10 euros et 28 561,58 euros ;
3°) de la décharger de l'obligation de payer ces sommes ;
4°) de mettre à la charge du SDIS de l'Indre une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les créances à raison desquelles les titres exécutoires litigieux ont été émis sont prescrites ; l'action contentieuse par laquelle le débiteur conteste le bien-fondé d'une demande de paiement n'a pas pour effet d'interrompre la prescription quadriennale ; le jugement du 31 octobre 2018, qui a eu pour effet la disparition rétroactive des titres exécutoires contestés, lesquels ont ainsi disparu de l'ordonnancement juridique, mais aussi l'annulation de la délibération constituant leur base légale, n'a pas eu pour effet d'interrompre la prescription quadriennale ; en l'espèce, la saisine, le 4 septembre 2013, de la chambre régionale des comptes, constitue le dernier acte interruptif de la prescription ;
- la délibération du SDIS du de l'Indre, qui détermine l'enveloppe globale des contributions et leur réparation entre les communes, revêt un caractère réglementaire ;
- cette délibération persiste à mettre à sa charge des contributions au titre des années 2012 et 2013, au mépris de l'autorité de la chose jugée ;
- cette délibération a eu pour effet de fixer de manière rétroactive de nouveaux montants, selon de nouveaux modes de calcul ;
- cette délibération méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques.
Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2023, le SDIS de l'Indre, représenté par Lheritier, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Lacs d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par la commune de Lacs ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy ;
- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique ;
- les observations de Me Rignault, représentant la commune de Lacs ;
- et les observations de Me Villalard, représentant le SDIS de l'Indre.
Considérant ce qui suit :
1. Par des délibérations des 16 décembre 2011 et 17 décembre 2012, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Indre a, en application de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales, fixé les modalités de calcul et le montant des contributions des communes à son fonctionnement pour les années 2012 et 2013. Par deux titres exécutoires du 16 juin 2016, remplaçant ceux précédemment émis les 27 février 2012 et 21 février 2013, le SDIS de l'Indre a mis à la charge de la commune de Lacs les sommes respectives de 29 836,48 euros et de 30 955,56 euros au titre de ses contributions à son fonctionnement pour les années 2012 et 2013. Par un jugement n° 1601215 du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de Limoges a annulé ces titres exécutoires au motif tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des délibérations du conseil d'administration du SDIS de l'Indre des 16 décembre 2011 et 17 décembre 2012, et a déchargé la commune de Lacs de l'obligation de payer les sommes résultant de ces titres. Par une nouvelle délibération du 12 février 2019, le SDIS de l'Indre, tirant les conséquences de ce jugement, a procédé à une nouvelle détermination de la contribution de la commune de Lacs à son fonctionnement pour les années 2012 et 2013. Sur le fondement de cette nouvelle délibération, il a émis le 23 mars 2019 deux titres exécutoires mettant à la charge de la commune de Lacs les sommes de 30 097,10 euros et de 28 561,58 euros au titre de ses contributions à son fonctionnement pour, respectivement, les années 2012 et 2013. La commune de Lacs relève appel du jugement du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces titres exécutoires du 23 mars 2019 et à la décharge de l'obligation de payer les sommes en résultant.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : - Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) - Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".
3. Ainsi qu'il a été dit, des titres exécutoires ont été émis les 27 février 2012 et 21 février 2013 en vue du paiement, par la commune de Lacs, de ses contributions au fonctionnement du SDIS de l'Indre au titre des années 2012 et 2013. Le SDIS a adressé à la commune une lettre de relance du 13 mai 2013, puis a saisi le 30 août suivant la chambre régionale des comptes afin que ces dépenses soient inscrites au budget de la commune. Ainsi qu'en convient la commune de Lacs, ces démarches ont eu pour effet d'interrompre la prescription quadriennale, dont le délai de quatre ans a de nouveau commencé à courir le 1er janvier 2014. Par une requête enregistrée le 1er septembre 2016, la commune de Lacs a demandé au tribunal administratif d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre le 16 juin 2016 et remplaçant ceux initialement émis les 27 février 2012 et 21 février 2013. Contrairement à ce que soutient l'appelante, ce recours, quoiqu'ayant été introduit par le débiteur des sommes résultant des titres exécutoires en cause, a eu pour effet d'interrompre de nouveau la prescription quadriennale. Le tribunal ayant statué sur ce recours par un jugement du 31 octobre 2018, un nouveau délai de cette prescription a commencé à courir à partir du 1er janvier 2019. Il s'ensuit qu'à la date du 23 mars 2019 à laquelle ont été édictés les titres exécutoires en litige, les créances du SDIS de l'Indre correspondant aux contributions de la commune de Lacs à son fonctionnement pour les années 2012 et 2013 n'étaient pas prescrites.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales : " La contribution du département au budget du service départemental d'incendie et de secours est fixée, chaque année, par une délibération du conseil départemental au vu du rapport sur l'évolution des ressources et des charges prévisibles du service au cours de l'année à venir, adopté par le conseil d'administration de celui-ci. (...) Les modalités de calcul et de répartition des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour la gestion des services d'incendie et de secours au financement du service départemental d'incendie et de secours sont fixées par le conseil d'administration de celui-ci. (...) Avant le 1er janvier de l'année en cause, le montant prévisionnel des contributions mentionnées aux quatrième et cinquième alinéas, arrêté par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, est notifié aux maires et aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale.(...) Si aucune délibération n'est prise dans les conditions prévues au troisième alinéa, la contribution de chaque commune et de chaque établissement public de coopération intercommunale est calculée, dans des conditions fixées par décret, en fonction de l'importance de sa population, de son potentiel fiscal par habitant ainsi que de la part de sa contribution dans le total des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale constatée dans le dernier compte administratif connu ". En application de ces dispositions, les modalités de calcul et de répartition des contributions versées au budget du SDIS par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale sont arrêtées chaque année par des délibérations du conseil d'administration de cet établissement public avant d'être notifiées aux différents contributeurs.
5. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.
6. Ainsi que l'a jugé le tribunal, la délibération du SDIS de l'Indre du 12 février 2019, qui se borne à procéder à une nouvelle détermination de la contribution de la commune de Lacs à son fonctionnement pour les années 2012 et 2013, présente le caractère d'une décision d'espèce, non réglementaire. Toutefois, si cette délibération a été publiée le 15 février 2019, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été notifiée à la commune de Lacs. Or, eu égard à ce qui a été dit au point 4, le délai de recours contentieux contre une délibération prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales ne peut courir, pour les communes intéressées, qu'à compter de la date à laquelle celle-ci leur a été notifiée, peu important que cette décision ait été par ailleurs publiée ou affichée. Il s'ensuit qu'à la date du 24 mai 2019 à laquelle la commune de Lacs a saisi le tribunal administratif de Limoges d'un recours contre les titres exécutoires du 23 mars 2019, la délibération du conseil d'administration du SDIS de l'Indre du 12 février 2019 n'était pas devenue définitive. En tout état de cause, le destinataire d'un titre exécutoire est recevable à contester, à l'appui de son recours contre ce titre, et dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision initiale constatant et liquidant cette créance est devenue définitive. Dès lors, et contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la délibération du SDIS de l'Indre du 12 février 2019, sur le fondement de laquelle les titres exécutoires en litige ont été émis, n'était pas irrecevable.
7. Toutefois, d'une part, par son jugement du 31 octobre 2018, le tribunal administratif a relevé que le conseil d'administration du SDIS de l'Indre n'avait pas pris avant le 1er novembre des années précédant les exercices 2012 et 2013 la délibération mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales, de sorte que la contribution de chaque commune et de chaque établissement public de coopération intercommunale aurait dû être calculée, selon le dernier alinéa de ce même article, en fonction de l'importance de sa population, de son potentiel fiscal par habitant ainsi que de la part de sa contribution dans le total des contributions des communes et des établissements de coopération intercommunale constatée dans le dernier compte administratif connu. Constatant que tel n'avait pas été le cas, le tribunal a annulé les titres exécutoires du 16 juin 2016 au motif tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des délibérations du SDIS de l'Indre des 16 décembre 2011 et 17 décembre 2012 et a déchargé la commune de Lacs de l'obligation de payer les sommes résultant de ces titres. Par sa délibération du 12 février 2019, le SDIS des Landes, tirant les conséquences de ce jugement, a recalculé les contributions de la commune de Lacs à son fonctionnement au titre des années 2012 et 2013 en mettant en œuvre les modalités de calcul prévues au dernier alinéa de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, et contrairement à ce que soutient la commune de Lacs, cette délibération ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 octobre 2018.
8. D'autre part, la délibération en litige constituant, non pas un acte réglementaire, mais une décision d'espèce, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes réglementaires ne peut qu'être écarté comme inopérant.
9. Enfin, la commune de Lacs fait valoir qu'en méconnaissance du principe d'égalité, la délibération du 12 février 2019 du SDIS de l'Indre a déterminé ses contributions au fonctionnement de ce service au titre des années 2012 et 2013 selon une méthode de répartition différente de celle appliquée aux autres communes. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit, l'exécution du jugement du 31 octobre 2018 du tribunal administratif de Limoges impliquait que le SDIS de l'Indre reprenne, pour la seule commune de Lacs, la méthode de calcul de ses contributions pour les années 2012 et 2013, afin de se conformer aux dispositions précitées de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales. La commune de Lacs, dont les contributions ont ainsi été calculées conformément à la loi, ne peut utilement invoquer le principe d'égalité en se prévalant de la mise en œuvre de modalités de calcul illégales des contributions des autres communes membres du SDIS de l'Indre.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la délibération du conseil d'administration du SDIS de l'Indre du 12 février 2019 doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lacs n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors qu'être rejetées.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lacs une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le SDIS de l'Indre et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Lacs est rejetée.
Article 2 : La commune de Lacs versera au SDIS de l'Indre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lacs et au service départemental d'incendie et de secours de l'Indre.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve-Dupuy
Le président,
Laurent Pouget La greffière,
Chirine Michallet
La République mande et ordonne au préfet de l'Indre, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01044