La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2024 | FRANCE | N°22BX00008

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 02 mai 2024, 22BX00008


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La clinique Tivoli-Ducos a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la saisie administrative à tiers détenteur du 9 octobre 2019 pour un montant de 3 527,70 euros et cinq avis de sommes à payer n° 1450267, 1571307, 1896510, 1898197, 1898330 auxquels elle renvoie.



Par un jugement n° 1906010 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif

de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 janvier 2022 et 6 juillet 2023,

la clinique Tivoli-Ducos, représentée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La clinique Tivoli-Ducos a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la saisie administrative à tiers détenteur du 9 octobre 2019 pour un montant de 3 527,70 euros et cinq avis de sommes à payer n° 1450267, 1571307, 1896510, 1898197, 1898330 auxquels elle renvoie.

Par un jugement n° 1906010 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif

de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 janvier 2022 et 6 juillet 2023,

la clinique Tivoli-Ducos, représentée par Me Lorit, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906010 du tribunal administratif de Bordeaux

du 2 novembre 2021 ;

2°) d'annuler la saisie administrative à tiers détenteur du 9 octobre 2019 pour

un montant de 3 527,70 euros et cinq avis de sommes à payer n° 1450267, 1571307, 1896510, 1898197, 1898330 auxquels elle renvoie ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Bordeaux la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'instruction du 16 avril 2018 sur laquelle le CHU s'est fondé pour facturer les actes méconnaît l'état du droit légal et réglementaire ; selon l'arrêté du 4 mai 2017, la dotation relative aux missions d'intérêt général rémunère les activités de soins réalisées à des fins expérimentales par des établissements de santé en matière notamment d'actes de biologie et d'anatomocytopathologie non-inscrits aux nomenclatures, sans distinction selon que cette activité est réalisée pour des patients de l'établissement de santé ou pour des patients d'un autre établissement ; de la facturation des actes à l'établissement de santé les ayant demandés découle une double facturation avec la dotation MERRI G03, ce qu'a précisément voulu éviter l'instruction du 16 avril 2018 ; la dotation rémunère la réalisation de l'acte par l'établissement qui l'exécute, quand bien même cet acte aurait été demandé par un autre établissement à qui il ne peut être refacturé ; la même règle a été appliquée pour le transport par le SMUR de patients d'autres établissements de santé, que le CHU ne peut facturer à ces derniers ; l'instruction du 16 avril 2018 est illégale en ce qu'elle transpose aux transferts d'actes de biologie et d'anatomopathologie hors nomenclature et inscrit sur un RIHN les règles de facturation prévues par l'article R. 162-17 du code de la sécurité sociale pour les seuls actes inscrits à la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) prévue à l'article L.162-17-1 du code de la sécurité sociale et pour les actes non-inscrits à la NABM (auquel cas la facturation est effectuée avec tact et mesure) mais ne figurant pour autant pas sur un RIHN ; à supposer que l'instruction soit regardée comme ne faisant pas grief, les avis de sommes à payer ne sauraient davantage être fondés sur cette instruction et sont contraires aux dispositions des articles L. 162-22-13, D. 162-6 et D. 162-7 du code de la sécurité sociale, ainsi qu'à l'arrêté ministériel du 4 mai 2017, et aux dispositions des

articles L. 6211-19 et L. 6211-20 du code de la santé publique et R. 162-17 du code de la sécurité sociale ; si les modalités de recueil et de déclaration des actes pouvaient donner lieu à une instruction ministérielle, il n'en va pas de même pour leur facturation dès lors que les dispositions précédemment mentionnées prévoient que la dotation est attribuée aux établissements de santé en vue de la réalisation des actes qu'ils effectuent, sans qu'ils soient besoin d'une instruction pour le rappeler ;

- dès lors qu'en l'espèce les actes litigieux ont été de facto financés par la dotation MERRI G03, versée à l'avance sans être conditionnée par une demande, ils ne pouvaient donner lieu à une facturation supplémentaire à la clinique ;

- la clinique ne saurait être regardée comme un établissement de santé prescripteur au sens de l'instruction du 16 avril 2018, dès lors que les prescriptions émanent de plusieurs de ses praticiens libéraux ;

- l'instruction du 16 avril 2018 ne s'applique qu'aux actes réalisés après son entrée en vigueur, le 23 avril 2018 ; les actes réalisés antérieurement sont régis par l'instruction

du 31 juillet 2015 qui ne prévoyait pas de facturation des actes par les établissements effecteurs aux établissements demandeurs ; si les cinq actes contestés mentionnent une date de facturation, ils ne précisent pas la date de réalisation des actes ; s'agissant par ailleurs des titres n° 1450267 et 1571307, la date de facturation des actes ne figure même pas sur la notification de la saisie administrative à tiers détenteur.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 13 avril et 15 septembre 2023, le CHU de Bordeaux, représenté par Me Sassoust, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la clinique Tivoli-Ducos la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les titres qui mentionnent la date de la prestation, les actes réalisés, le nom du patient et le tarif appliqué sont suffisamment motivés ; le tarif découle d'une cotation fixée par voie réglementaire pour les actes innovants hors nomenclature de biologie et d'anatomopathologie (RIHN) ou découlant de la classification commune des actes médicaux de l'assurance maladie pour les autres actes ;

- les avis de sommes à payer comportent le nom, prénom et qualité de l'ordonnateur ;

- aucune disposition légale ou réglementaire ne régit la facturation des actes, objet de la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général ; c'est donc par voie d'instruction ministérielle que les modalités de recueil de la dotation et de facturation des actes de biologie ont été arrêtées le 16 avril 2018 ; la requérante n'ayant pas demandé l'annulation de cette instruction, elle ne saurait en invoquer l'illégalité ;

- il résulte de cette instruction que seul l'établissement prescripteur de l'acte peut demander un financement et l'établissement ayant réalisé l'acte peut lui adresser une facture pour couvrir les frais exposés ; il ne peut y avoir double paiement au profit du CHU dès lors que celui-ci ne peut déclarer dans le logiciel FICHSUP RIHN que les actes pour lesquels il est prescripteur ; la comparaison avec le financement des transports par le SMUR est inopérante car celui-ci est régi par des textes distincts ;

- cette instruction est opposable par effet de la loi et seul un recours en excès de pouvoir peut la remettre en cause, ce qui n'est pas le cas ; la requérante ne démontre pas qu'elle serait contraire à une disposition légale ou réglementaire ;

- l'instruction du 16 avril 2018 est applicable aux titres exécutoires émis postérieurement à sa publication ;

- la clinique ne peut utilement soutenir que les actes facturés ont été demandés par des praticiens libéraux exerçant en son sein, les relations entre la clinique et son personnel étant inopposables au CHU ; les médecins prescripteurs composant l'équipe d'oncologie de la clinique, les examens ont nécessairement été commandés en son nom et pour son compte.

Par une ordonnance du 10 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée

au 18 septembre 2023.

La cour a, par courrier du 28 mars 2024, demandé, sur le fondement de

l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la production de pièces complémentaires au CHU de Bordeaux.

Le CHU de Bordeaux a produit les pièces demandées le 29 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 4 mai 2017 fixant la liste des structures, des programmes, des actions, des actes et des produits financés au titre des missions d'intérêt général mentionnées aux articles D. 162-6 et D. 162-7 du code de la sécurité sociale, ainsi que la liste des missions d'intérêt général financées au titre de la dotation mentionnée à l'article L.162-23-8 ;

- l'instruction du 31 juillet 2015 relative aux modalités d'identification, de recueil des actes de biologie médicale et d'anatomopathologie hors nomenclature éligibles au financement au titre de la MERRI G03 ;

- l'instruction du 16 avril 2018 relative aux actes de biologie médicale et d'anatomopathologie hors nomenclatures éligibles au financement au titre de la mission d'intérêt général d'enseignement, de recherche, de rôle de référence et d'innovation G03, aux règles de facturation de ces actes et aux modalités de délégation associées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lorit, représentant la clinique Tivoli-Ducos.

Considérant ce qui suit :

1. Le CHU de Bordeaux a réalisé au cours des années 2017 et 2018 et du mois de janvier 2019 des examens d'anatomocytopathologie et de biologie médicale pour des patients hospitalisés à la clinique Tivoli-Ducos, constituée sous la forme d'une société anonyme à directoire et conseil de surveillance. Afin d'obtenir la rémunération de ces prestations de service, le CHU a adressé à l'établissement bancaire de la clinique un avis à tiers détenteur correspondant à plusieurs avis de sommes à payer émis à l'encontre de la clinique entre

les 26 novembre 2018 et 31 janvier 2019, pour un montant total de 31 741,24 euros.

Le 1er mars 2019, la clinique Tivoli-Ducos a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'annulation de 39 des avis de sommes à payer et a obtenu en conséquence la mainlevée de la saisie administrative à tiers détenteur pour un montant de 28 124 euros. Par un jugement n° 1901024 du 2 novembre 2021 à l'encontre duquel la clinique a relevé appel dans l'instance n° 22BX00007, le tribunal a rejeté sa demande. Par la présente requête, la clinique relève appel du jugement n° 1906010, rendu le même jour que le précédent, par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation d'une part de la saisie à tiers détenteur émise par le CHU en vue du recouvrement de ces créances, pour le montant de 3 527,70 euros non visé par la mainlevée, et d'autre part des cinq avis de sommes à payer qu'elle tend à recouvrer, non contestés dans l'autre instance, demande qui doit être regardée comme tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes en litige.

Sur le bien-fondé des créances :

2. Aux termes de l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date des titres exécutoires en litige : " Il est créé, au sein de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie prévu au 4° du I de l'article LO 111-3,

une dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide

à la contractualisation des établissements de santé mentionnés aux a, b, c et d de

l'article L. 162-22-6. (...) ". Cette dotation est couramment désignée sous le sigle

" MIGAC ". Aux termes de l'article L. 162-22-6 du code, alors en vigueur : " Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis des organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé, détermine les catégories de prestations donnant lieu à facturation pour les activités mentionnées au 1° de l'article L. 162-22 qui sont exercées par les établissements suivants : a) Les établissements publics de santé, à l'exception des établissements dispensant des soins aux personnes incarcérées mentionnés à l'article L. 6141-5 du code de la santé publique ; b) Les établissements de santé privés à but non lucratif qui ont été admis à participer à l'exécution du service public hospitalier à la date de publication de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ; c) Les établissements de santé privés à but non lucratif ayant opté pour la dotation globale de financement en application de l'article 25 de l'ordonnance

n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée ; d) Les établissements de santé privés autres que ceux mentionnés aux b et c ayant conclu un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'agence régionale de santé ; (...) ".

3. Aux termes de l'article D. 162-6 du même code : " Peuvent être financées par la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13 les dépenses correspondant aux missions d'intérêt général suivantes : / 1° L'enseignement, la recherche, le rôle de référence et l'innovation. Notamment, à ce titre : / (...) / d) Les activités de soins réalisées à des fins expérimentales ou la dispensation des soins non couverts par les nomenclatures ou les tarifs ; / (...) ". Ces missions sont couramment désignées sous le sigle " MERRI ". Aux termes de l'article D. 162-8 : " Un arrêté précise la liste des structures, des programmes et des actions ainsi que des actes et produits pris en charge par la dotation nationale mentionnée à

l'article L. 162-22-13 au titre des missions mentionnées aux articles D. 162-6 et D. 162-7 ainsi que la liste des structures, des programmes, des actions et des actes et produits pris en charge par la dotation nationale mentionnée à l'article L. 162-23-8. / (...) ". Pour l'application de ces dispositions, les arrêtés pris tous les ans depuis 2005 sur le fondement de l'article D. 162-8 précité, et notamment les arrêtés du 4 mai 2017 et 23 juillet 2018, mentionnent, au titre des activités de soins réalisées à des fins expérimentales ou de la dispense des soins non couverts par les nomenclatures ou les tarifs qui peuvent être financées par la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation : " G03 Les actes de biologie et d'anatomopathologie non inscrits aux nomenclatures, à l'exception de ceux faisant l'objet d'autres financements hospitaliers ". Les actes d'anatomopathologie pris en charge au titre des dispositions combinées des articles

D. 162-8 du code de la sécurité sociale et des arrêtés précités dans le cadre de la

" MERRI G03 " se répartissent en sous-catégories détaillées par la circulaire DGOS

n° PF4/2015/258 du 31 juillet 2015, la première sous-catégorie étant constituée par les actes innovants décrits au sein du Référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN). Selon cette même circulaire, la dotation " MERRI G03 " est versée au cours d'une année pour les actes réalisés l'année précédente déclarés sur le fichier dédié à cet effet, dénommé " FICHSUP ".

4. Par ailleurs, l'instruction du ministère de la santé n° DGOS/PF4/DSS/1A/2018/101 du 16 avril 2018, publiée au Bulletin officiel de ce ministère et sur le site internet www.circulaires.gouv.fr, précise les conditions dans lesquelles les établissements de santé mentionnés aux a, b, c et d de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale peuvent bénéficier d'un financement sur la dotation nationale de financement des MIGAC au titre des actes de biologie et d'anatomopathologie qu'ils ont prescrits et/ou réalisés. Le b) du paragraphe 2 de cette instruction prévoit ainsi que : " Dans les cas où l'acte est prescrit et réalisé dans le même établissement de santé, il est éligible à un financement par cette dotation. / Dans les cas où l'acte est prescrit et réalisé dans des établissements de santé distincts, il peut également être financé par cette dotation. / Dans chacun des deux cas précédents, l'acte peut être financé si le patient est en consultation externe, en prestation hospitalière sans hospitalisation ou en prestation hospitalière avec hospitalisation. / (...) ". Le c) du même 2 prévoit également que : " Dans le cas où l'acte est prescrit et réalisé dans des établissements de santé distincts, si les actes hors nomenclatures prescrits sont éligibles au financement par la dotation au titre de la mission G03 tel que détaillé au paragraphe 2.b de la présente instruction, l'établissement prescripteur peut demander un financement. Cette demande de financement est effectuée à l'aide du logiciel dédié de remontée de l'activité. L'établissement qui a réalisé tout ou partie d'une ou plusieurs phases de l'acte pour l'établissement prescripteur - dit établissement effecteur - peut adresser une facture à l'établissement prescripteur pour couvrir les coûts de réalisation de la ou des phase(s) de l'acte effectuées dans son établissement, sur la base des valorisations indicatives figurant sur les listes publiées sur le site du ministère chargé de la santé. / (...) / Dans les cas où le patient est assuré social et où l'acte est éligible à un financement au titre de la mission G03, l'éventuelle facture ne doit en aucun cas lui être adressée. / Dans les cas où le patient est non assuré social, en cas de prescription hospitalière avec ou sans hospitalisation ou en consultation externe, l'acte peut être directement facturé au patient. Il revient à l'établissement de santé prescripteur de vérifier le statut d'assuré social du patient. / (...) ". Son d) rappelle en outre que : " Un acte HN prescrit et/ou réalisé par un établissement est financé au plus une seule fois. / Ainsi, lorsqu'un acte HN est éligible à un financement au titre de la mission G03, cet acte ne peut faire ni l'objet d'un autre financement (tarif, nomenclature, forfait, MIGAC, MERRI...) ni être facturé par ce même établissement à un autre en vue de percevoir un financement additionnel, ni faire l'objet d'une refacturation au patient ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les actes de biologie et d'anatomopathologie non inscrits aux nomenclatures, prescrits à des patients affiliés à l'assurance maladie, sont financés exclusivement au moyen de la dotation nationale de financement des MIGAC au titre des MERRI, s'ils ont été prescrits dans un établissement de santé mentionnés aux a, b, c et d de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale à l'occasion d'une prestation hospitalière avec ou sans hospitalisation ou même à l'occasion d'une consultation externe. Dans le cas où l'acte est prescrit et réalisé dans des établissements de santé distincts, il appartient à l'établissement ayant établi la prescription - dit " établissement prescripteur " - de solliciter le financement de l'acte au titre de la dotation nationale de financement des MIGAC, et à l'établissement ayant réalisé l'examen - dit " établissement effecteur " - de le facturer au premier.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les prestations réalisées par le CHU ont été prescrites par différents médecins composant l'équipe d'oncologie de la clinique Tivoli-Ducos. Cette dernière fait valoir qu'elle ne peut être regardée comme étant à l'origine de la demande d'examens, les prescriptions ayant été faites par des médecins libéraux. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 6 que cette circonstance ne fait pas obstacle à la qualification d'établissement de santé prescripteur au sens et pour l'application des dispositions régissant le financement de ces actes de biologie et d'anatomopathologie hors nomenclatures, concourant aux missions d'enseignement, recherche, rôle de référence et innovation, au titre de la dotation nationale de financement des MIGAC, dès lors que les prescriptions ont été faites dans son établissement. En outre, la clinique Tivoli-Ducos, qui a conclu un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'Agence régionale de santé et qui relevait ainsi des dispositions du d) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, n'établit ni même n'allègue sérieusement qu'elle ne pourrait effectivement pas bénéficier d'un financement au titre de cette dotation.

7. En deuxième lieu, à l'appui de sa demande d'annulation des avis de sommes à payer, la clinique Tivoli-Ducos excipe de l'illégalité de l'instruction du 16 avril 2018. Elle soutient que cette instruction est contraire à plusieurs textes législatifs ou réglementaires, et plus précisément, d'une part, aux dispositions des articles L. 162-22-13, D. 162-6 et D. 162-7 du code de la sécurité sociale ou à celles de l'arrêté ministériel du 4 mai 2017, relatives aux dépenses pouvant être financées par la MIGAC, et, d'autre part, aux dispositions des articles L. 6211-19 et L. 6211-20 du code de la santé publique et R. 162-17 du code de la sécurité sociale, relatives à la transmission d'échantillons biologiques entre deux laboratoires. Toutefois, aucune de ces dispositions n'a fixé une règle selon laquelle la dotation nationale serait versée aux seuls établissements effecteurs, à l'exclusion des établissements prescripteurs. Au demeurant, aucune de ces dispositions ne régit la facturation des actes, objet de la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général, et pas davantage la situation dans laquelle l'établissement qui réalise les examens est distinct de celui qui les a prescrits. La circonstance que les actes en cause relèvent du Référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) est également sans incidence sur la légalité de l'instruction.

8. Par ailleurs, si l'instruction du 31 juillet 2015 prévoit expressément qu'il appartient au seul établissement réalisant l'acte d'analyse de renseigner FICHSUP, y compris pour les actes réalisés sur prescription d'un autre établissement, cette disposition qui ne concerne que le recensement des actes n'est applicable qu'en ce qui concerne les relations entre établissements publics de santé, ce que n'est pas la clinique Tivoli-Ducos, société anonyme. Au demeurant, la clinique ne peut utilement se prévaloir de cette instruction

de 2015 pour démontrer l'illégalité de l'instruction du 16 avril 2018.

9. Il résulte de ce qui précède que la clinique Tivoli-Ducos, qui ne peut en outre utilement invoquer les règles applicables au transport par le SMUR du CHU de patients d'autres établissements de santé, prévues par d'autres dispositions, n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'instruction du 16 avril 2018. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que les avis de sommes à payer auraient également méconnu les dispositions précitées.

10. En troisième lieu, en application des dispositions de l'instruction

du 16 avril 2018, le CHU n'a pu percevoir la dotation pour les examens réalisés pour le compte de la clinique, contrairement à ce que cette dernière soutient. Si elle produit un extrait du compte financier du CHU indiquant que l'établissement a perçu des dotations MERRI G03, ce seul document ne suffit pas, alors que le CHU est également établissement prescripteur pour ses propres actes, à établir qu'il aurait bénéficié de la dotation pour les actes effectués pour le compte de la clinique. Au demeurant, ce même extrait mentionne une diminution des crédits perçus compte tenu du changement intervenu dans le mode de déclaration. La clinique n'est dès lors pas fondée à soutenir que les avis de sommes à payer constitueraient une double facturation ou un enrichissement indu du CHU, du fait d'une perception de la dotation MERRI G03 pour les mêmes actes.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 221-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Sauf s'il en est disposé autrement par la loi, une nouvelle réglementation ne s'applique pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur ou aux contrats formés avant cette date. "

12. Il résulte de l'instruction que l'ensemble des créances réclamées par le CHU et non concernées par la mainlevée de la saisie administrative à tiers détenteur correspondent à des prestations réalisées postérieurement à juin 2018. Par suite, la clinique Tivoli-Ducos n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que le CHU de Bordeaux aurait appliqué l'instruction du 16 avril 2018 à des actes réalisés antérieurement à son entrée en vigueur, le 23 avril 2018, en méconnaissance du principe de non-rétroactivité.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la clinique Tivoli-Ducos n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Bordeaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la clinique Tivoli-Ducos demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la clinique Tivoli-Ducos une somme de 1 500 euros à verser au CHU de Bordeaux au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la clinique Tivoli-Ducos est rejetée.

Article 2 : La clinique Tivoli-Ducos versera au CHU de Bordeaux la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la clinique Tivoli-Ducos et au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Copie en sera adressée à l'Agence régionale de santé de

Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mai 2024.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX00008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00008
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : Cabinet LERINS & BCW

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;22bx00008 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award