Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet de la Corrèze a consigné la somme de 14 164 euros pour mise en conformité de ses installations de traitement de bois, situées au lieu-dit " La croix de Leyrat " sur le territoire de la commune de Naves.
Par un jugement n° 2000002 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 mai 2022 et le 18 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Gros, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 24 mars 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet de la Corrèze a consigné la somme de 14 164 euros pour mise en conformité de ses installations de traitement de bois, situées au lieu-dit " La croix de Leyrat " sur le territoire de la commune de Naves ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet n'était pas fondé, au titre de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, à consigner la somme de 917,78 euros correspondant au solde de la facture établie par la société EGEH correspondant à la réalisation d'une étude relative au contexte hydrogéologique du site, dès lors que le paiement de cette somme relève d'un litige de nature purement civile et ne résulte pas de travaux réalisés ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en consignant la somme de 8 786 euros au titre du devis relatif à la pose de deux piézomètres, dès lors que cette pose est fonction des résultats des analyses à réaliser dans les deux puits existants, ainsi que préconisé par la société EGEH ; la somme consignée est disproportionnée ;
- le préfet ne pouvait pas consigner la somme de 1 680 euros aux fins de réaliser des mesures acoustiques dès lors que ces mesures étaient prévues dans le cadre d'un litige avec le voisinage, dont le préfet n'apporte pas la preuve de l'existence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par l'entreprise Scierie A... B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 février 2024 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pauline Reynaud,
- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise A... B... exerce une activité de première transformation du bois, et est à ce titre soumise à autorisation au titre de la rubrique n° 2415 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Par arrêté du 11 janvier 2011, le préfet de la Corrèze a autorisé M. B... à exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement consistant en une unité de sciage de bois brut et de traitement du bois, sous réserve du respect de certaines prescriptions en matière d'émissions sonores et de surveillance des eaux souterraines. A ce titre, il prévoit notamment dans son article 6.2.3, que " la première mesure des niveaux acoustiques du site sera réalisée sous six mois à compter de la notification du présent arrêté ". Il prévoit également, dans son article 9.2.5 relatif à la surveillance des eaux souterraines que : " à partir de la conclusion d'un hydrogéologue habilité il sera démontré la pertinence ou non de la mise ne place d'un réseau de surveillance piézométrique sur le site sous six mois après la notification du présent arrêté ". M. B... n'ayant pas satisfait à ces prescriptions dans le délai imparti, le préfet de la Corrèze l'a, par arrêté du 10 décembre 2013, mis en demeure d'y satisfaire. M. B... n'ayant pas respecté cette première mise en demeure, le préfet a, après une nouvelle invitation à respecter ses obligations par courrier du 28 mars 2014, édicté un second arrêté de mise en demeure du 5 août 2015 de procéder à cette étude hydrogéologique dans un délai de dix-huit mois. M. B... ne donnant pas suite à cette nouvelle mise en demeure, il a été invité à une réunion à la préfecture le 16 février 2018 à laquelle il s'est rendu et a accepté que l'étude hydrogéologique soit faite par la société EGEH. L'inspecteur des installations classées a procédé à une visite sur site le 2 mars 2018, le jour même où la société EGEH a procédé à l'étude hydrogéologique. Le rapport de la société EGEH a été remis à l'inspection des installations classées le 16 mars 2018. Le préfet de la Corrèze ayant par la suite estimé que M. B... ne s'était pas conformé aux prescriptions qui lui étaient imposées dans le cadre de son activité, a, par arrêté du 6 novembre 2019, consigné la somme de 14 164 euros pour mise en conformité des installations de traitement de bois, en application des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement. M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler cet arrêté. L'intéressé relève appel du jugement n° 2000002 du 24 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. / II.- Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : / 1° Obliger la personne mise en demeure à consigner entre les mains d'un comptable public avant une date déterminée par l'autorité administrative une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser. / Cette somme bénéficie d'un privilège de même rang que celui prévu à l'article 1920 du code général des impôts. Il est procédé à son recouvrement comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. (...) / 2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application du 1° du présent II sont utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées (...) ". L'article L. 171-11 du même code prévoit que : " Les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ".
3. Les mesures prises sur le fondement des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, au titre des contrôles administratifs et mesures de police administrative en matière environnementale, sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge de ce contentieux de pleine juridiction de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue.
En ce qui concerne la consignation de la somme de 917,78 euros au titre du paiement du solde de la facture de la société EGEH :
4. Il résulte de l'instruction que l'arrêté d'autorisation du 11 janvier 2011 prévoyait la mise en œuvre de prescriptions, notamment la réalisation d'une étude hydrogéologique afin de déterminer la pertinence ou non de la mise en place d'un réseau de surveillance piézométrique sur le site et d'une surveillance de la qualité des eaux souterraines.
5. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Corrèze a consigné la somme de 917,78 euros correspondant au solde de la facture de la société EGEH pour la réalisation de l'étude hydrogéologique. M. B... s'était finalement conformé à la prescription de l'arrêté d'autorisation en faisant réaliser une étude hydrogéologique par la société EGEH le 13 mars 2018. La circonstance que l'intéressé ait contesté le paiement de cette facture ne justifie pas qu'en application des dispositions de l'article L. 171-8, le préfet ait consigné la somme correspondant au solde de la facture émise par la société EGEH. Dans ces conditions, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2019 en tant qu'il prévoit la consignation de la somme de 917,78 euros.
En ce qui concerne la consignation de la somme de 8 786 euros au titre des devis de pose de deux piézomètres :
6. Il résulte de l'étude hydrogéologique du 13 mars 2018, que, compte tenu de la faible vulnérabilité de la nappe liée aux aménagements mis en place afin d'éviter la propagation d'une éventuelle pollution au cas d'incident mais de la sensibilité relativement forte notamment par la présence de puits domestiques autour du site, la société EGEH a préconisé dans un premier temps, pour la mise en place d'un réseau de surveillance de la qualité des eaux souterraines de la nappe phréatique, l'utilisation des puits 1 et 2 existants, sous réserve de l'accord des propriétaires concernés pour un contrôle régulier de ces puits. La société EGEH a précisé toutefois également dans un second temps qu'à défaut d'accord donné par les propriétaires afin que les puits fassent l'objet de contrôles réguliers ou si les résultats analytiques montrent la présence de produits de traitement du bois dans les eaux souterraines, un réseau de piézomètres devrait être créé. Il résulte par ailleurs du compte-rendu de l'inspection, réalisée le 2 mars 2018, que les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine ont également conclu à la possibilité d'utiliser les puits 1 et 2, sous réserve de l'accord de leurs propriétaires, à défaut duquel devrait être mis en place un réseau de deux piézomètres. Il est par ailleurs constant que M. B... n'a pas sollicité l'accord des propriétaires pour l'utilisation des deux puits et que l'intéressé a en outre contesté le règlement de la facture de l'étude hydrogéologique réalisée par la société EGEH. Il appartenait en conséquence à M. B... de mettre en place deux piézomètres afin de permettre la surveillance des eaux souterraines, conformément aux prescriptions applicables à son installation, ce que l'intéressé n'a pas effectué. Le préfet de la Corrèze était ainsi fondé, en application des dispositions précitées de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, à consigner la somme correspondant à la réalisation de ces travaux. Enfin, si l'appelant soutient que la somme consignée de 8 786 euros était disproportionnée, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle correspond au montant du devis établi par la société EGEH le 27 mars 2018 pour la mise en place de deux piézomètres et que l'appelant n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ce devis.
En ce qui concerne la consignation de la somme de 1 680 euros au titre de la réalisation de mesures acoustiques :
7. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 11 janvier 2011 portant autorisation prévoyait la mise en place de mesures acoustiques permettant d'évaluer l'impact sonore de l'établissement. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, la réalisation des mesures acoustiques était bien prescrite par l'arrêté d'autorisation dont il a bénéficié. La somme de 1 680 euros correspond au devis établi par le bureau d'études ORFEA, dont le montant n'est pas contesté. Il est constant que M. B... n'a pas réalisé ces mesures acoustiques. Dans ces conditions, le préfet de la Corrèze était fondé, en application des dispositions précitées de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, à consigner la somme correspondant à la réalisation de ces mesures acoustiques.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2019 en tant qu'il porte consignation de la somme de 917,78 euros correspondant au solde de la facture de la société EGEH.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par l'appelant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 6 novembre 2019 est annulé en tant qu'il porte consignation de la somme de 917,78 euros correspondant au solde de la facture de la société EGEH.
Article 2 : Le jugement n° 2000002 du 24 mars 2022 du tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Bénédicte Martin, présidente,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.
La rapporteure,
Pauline ReynaudLa présidente,
Bénédicte MartinLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01414