Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 février 2022, 1er septembre 2023 et 10 novembre 2023, et des mémoires en production de pièces enregistrés les 1er et 4 septembre et 20 novembre 2023, la société à responsabilité limitée SEPE la Longe, représentée par Me Brault, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Saint-Sornin-Leulac ;
2°) de délivrer l'autorisation sollicitée et de l'assortir des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ou à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- la préfète de la Haute-Vienne s'est estimée à tort liée par l'avis défavorable émis par la commission d'enquête publique pour refuser l'autorisation sollicitée ;
- le projet de parc éolien ne porte pas atteinte aux paysages et lieux environnants, et ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; il n'existe pas de risque d'encerclement et de saturation visuelle sur les hameaux et villages environnants ;
- le projet ne porte pas atteinte aux chiroptères et plus particulièrement au grand murin.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2023, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la SARL SEPE la Longe ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 janvier 2024 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pauline Reynaud,
- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,
- et les observations de Me Williot, représentant la société SEPE la Longe.
Une note en délibéré présentée par la SARL SEPE la Longe a été enregistrée le 9 avril 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL SEPE la Longe a déposé le 6 novembre 2018 une demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de trois aérogénérateurs d'une hauteur de 150 mètres en bout de pale, et d'un poste de livraison, sur le territoire de la commune de Saint-Sornin-Leulac. Par un arrêté du 15 décembre 2021, la préfète de la Haute-Vienne a rejeté la demande de la société SEPE la Longe. Cette dernière demande à la cour d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021.
Sur la légalité de l'arrêté du 15 décembre 2021 :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, en particulier le code de l'environnement, et précise les différents motifs révélant l'existence d'un impact du projet sur le paysage ainsi que sur les chiroptères, avant de conclure que les conditions d'aménagement et d'exploitation telles qu'elles sont définies par l'arrêté attaqué ne permettent pas de prévenir les dangers et inconvénients de l'installation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, et en particulier pour la protection de la nature et de l'environnement, des paysages et de la commodité du voisinage. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, la circonstance que la préfète de la Haute-Vienne mentionne, dans l'arrêté attaqué, l'avis défavorable de la commission d'enquête publique, motivé par les impacts paysagers du projet, et qu'elle ait repris en partie les termes de cet avis, n'est pas de nature à démontrer qu'elle n'aurait pas apprécié l'ensemble des caractéristiques de la demande de la société SEPE la Longe et se serait estimée liée par cet avis pour refuser de délivrer l'autorisation sollicitée. Par suite, le moyen tiré de la compétence liée ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, applicable en l'espèce : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. ". Enfin, aux termes de l'article L. 181-3 du même code, créé par la même ordonnance : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".
5. Pour refuser de délivrer l'autorisation sollicitée, la préfète de la Haute-Vienne s'est fondée sur l'impact paysager du projet éolien, impliquant des risques d'encerclement et de saturation pour plusieurs hameaux et villages.
6. La circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'il est susceptible de générer, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens du même article. Il résulte de l'instruction, en particulier des éléments de l'étude d'impact, que le projet éolien s'inscrit dans un secteur déjà marqué par la présence de nombreux parcs éoliens en fonctionnement, autorisés, ou en cours d'instruction, représentant 65 aérogénérateurs, en particulier le projet de " Les Landes de Verrines ", situé à environ trois kilomètres. Il résulte par ailleurs de l'instruction, en particulier des données figurant dans le volet paysager de l'étude d'impact, que le projet éolien restreint l'indice de respiration, c'est-à-dire le plus grand angle sans éolienne, s'agissant du hameau de Chantegrelle, de 128° à 87°, s'agissant du hameau de Saint-Sornin-Leulac, de 103° à 87°, et s'agissant du hameau de Champoreix, de 152° à 138°, soit bien en dessous du seuil d'alerte communément retenu, situé entre 160° et 180°. Il résulte également de ces données que, s'agissant des hameaux de Chantegrelle et de Saint-Sornin-Leulac, l'indice de densité des horizons passe au-dessus de la limite tolérée de 0,10. Il résulte ensuite de l'étude d'impact et des différents photomontages produits que les aérogénérateurs des deux projets éoliens " SEPE la Longe " et " Les Landes de Verrines " seront visibles depuis plusieurs hameaux situés entre les deux parcs, notamment ceux de Puychaumet, situé à environ 1,8 kilomètres de l'éolienne la plus proche du projet en litige, de Lavergne, situé à environ 550 mètres de l'éolienne la plus proche du projet en litige, des Chassagnes, ou encore de Champoreix, induisant ainsi un fort impact et un phénomène d'encerclement. En outre, compte tenu de la très forte présence du motif éolien à proximité de ces hameaux dont les trois éoliennes projetées accroissent encore la densité, les mesures de réduction prévues par la société, qui consistent en la plantation de haies et/ou la restauration de haies arbustives à arborescentes afin de créer des écrans végétaux permettant d'atténuer la visibilité des aérogénérateurs, ne peuvent être regardées comme suffisantes pour réduire effectivement les inconvénients excessifs résultant du projet pour la commodité du voisinage. L'inspecteur des installations classées a d'ailleurs estimé, dans son avis émis le 8 novembre 2021, que le projet éolien, s'il n'est composé que de trois éoliennes, contribue toutefois à renforcer significativement l'effet d'encerclement et de saturation pour les hameaux proches. La commission d'enquête a au demeurant également estimé que ce projet éolien se cumule avec le projet " Les Landes de Verrines ", situé à proximité, et que si les deux projets sont autorisés, cela va créer un impact visuel très fort pour les neuf hameaux se situant entre ces deux parcs, qui vont subir un phénomène d'encerclement. Dans ces conditions, la préfète de la Haute-Vienne a pu légalement estimer que le projet éolien, cumulé avec les autres parcs existants et les projets à prendre en compte, serait de nature à favoriser un phénomène de saturation visuelle et d'encerclement, portant ainsi atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, sans que des prescriptions permettent d'éviter de telles atteintes. Ce seul motif suffit à justifier légalement le refus d'autorisation qui a été opposé à la société SEPE la Longe au regard de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2021 présentées par la société SEPE la Longe doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2021, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction doivent par suite être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par la société SEPE la Longe au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société SEPE la Longe est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée SEPE la Longe et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Bénédicte Martin, présidente,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.
La rapporteure,
Pauline ReynaudLa présidente,
Bénédicte MartinLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00463