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18/04/2024 | FRANCE | N°23BX02232

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 18 avril 2024, 23BX02232


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 mars 2023 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n° 2301420 du 31 mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, en

registrée le 4 août 2023, M. B..., représenté par Me Pardoe, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 mars 2023 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2301420 du 31 mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2023, M. B..., représenté par Me Pardoe, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 mars 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile ainsi que le formulaire de demande d'asile, dans un délai de cinq jours à compter de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que l'arrêté méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa demande d'asile et sa demande de réexamen ayant été définitivement rejetées par les autorités suédoises, il sera éloigné avec certitude vers l'Afghanistan, où il encourt un risque réel de traitements contraires aux stipulations précitées du fait de son appartenance à la communauté hazara, menacée par les talibans comme en attestent de nombreux rapports, et de ses 8 années passées hors d'Afghanistan, synonymes de son occidentalisation que traduisent l'abandon de la religion musulmane et la réalisation d'un tatouage sur son torse ; alors que les mentions des décisions des autorités suédoises sont dénuées d'ambiguïté sur son renvoi en Afghanistan, il ne peut lui être opposé que les autorités suédoises réaliseraient une réévaluation des risques avant de procéder au renvoi, d'autant que le rejet de sa demande de réexamen est récent.

Par une lettre, enregistrée le 31 octobre 2023, le préfet de la Gironde a informé la cour de ce que le transfert de M. B... vers la Suède avait été réalisé le 15 juin 2023.

M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- et les observations de Me Chevallier Chiron, substituant Me Pardoe, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né le 3 février 1994, est entré en France le 3 octobre 2022 afin de solliciter l'asile. Au vu du relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté qu'il avait introduit une demande similaire en Suède le 10 novembre 2015. Le préfet de la Gironde a saisi d'une demande de reprise en charge, le 21 novembre 2022, les autorités suédoises qui ont répondu positivement par une décision du 23 novembre 2022. Par un arrêté du 6 mars 2023, le préfet de la Gironde a prononcé le transfert de l'intéressé aux autorités suédoises. Par un jugement du 31 mars 2023 dont M. B... relève appel, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.

2. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection nationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi (...). ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

3. Les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, régissant la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile et le transfert des demandeurs, doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait, par elle-même, caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

4. M. B... fait état de l'épuisement des voies de recours contre les décisions des autorités suédoises ayant rejeté sa demande d'asile le 17 octobre 2019 et sa demande de réexamen le 30 octobre 2022, ainsi que des mesures d'éloignement prises en conséquence à son encontre. Il soutient qu'en cas de transfert vers la Suède, il sera nécessairement éloigné vers l'Afghanistan où il encourt des risques pour sa vie et sa sécurité, en raison de son appartenance à la communauté hazara et de son occidentalisation, que traduisent l'abandon de la religion musulmane et la réalisation d'un tatouage sur son torse. Toutefois, en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Suède des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile et alors que l'intéressé ne fait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait soumis en Suède à des traitements contraires aux articles 2 et 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à ces stipulations et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peuvent qu'être écartés.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2024.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX02232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02232
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : PARDOE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;23bx02232 ?
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