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09/04/2024 | FRANCE | N°23BX02898

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 09 avril 2024, 23BX02898


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par deux requêtes distinctes, Mme F... C... E... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 26 juin 2023 par lesquels le préfet de la Gironde a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n°s 2303630, 2303639 d

u 20 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, Mme F... C... E... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 26 juin 2023 par lesquels le préfet de la Gironde a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n°s 2303630, 2303639 du 20 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 24 novembre 2023 sous le n°23BX02898, Mme C... E..., représentée par Me Trebesses, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 septembre 2023 en ce qu'il la concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation ;

- cet arrêté a méconnu les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui faisant interdiction de revenir sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire enregistré le 7 février 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il entend s'en remettre à ses écritures de première instance.

II. Par une requête enregistrée le 24 novembre 2023 sous le n°23BX02899, M. B..., représenté par Me Trebesses, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 septembre 2023 en ce qu'il le concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation ;

- cet arrêté a méconnu les dispositions de l'article L 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui faisant interdiction de revenir sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire enregistré le 7 février 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il entend s'en remettre à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme C... E..., ressortissants congolais nés, respectivement, les 20 octobre 1988 et 11 avril 1997, sont entrés en France le 26 juin 2021 pour y demander l'asile. Par deux décisions du 11 avril 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), statuant en procédure accélérée, a rejeté leurs demandes et leurs recours contre ces décisions ont été rejetés par deux décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) des 7 décembre 2022 et 2 mai 2023. Par deux arrêtés du 26 juin 2023, le préfet de la Gironde a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... et Mme C... E... relèvent appel du jugement du 20 septembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Les requêtes n° 23BX02898 et 23BX02899 concernent la situation d'un couple de ressortissants étangers, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur les moyens communs aux différentes décisions attaquées :

3. Les arrêtés en litige comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, ils sont suffisamment motivés au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, il ressort de cette motivation que le préfet a procédé à un examen des situations personnelles des appelants.

Sur les refus de titre de séjour et les mesures d'éloignement :

4. Aux termes de l'article L 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. "

5. Si les appelants soutiennent qu'ils risquent de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine et que les arrêtés en litige auraient dès lors été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce moyen n'est opérant qu'à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi mais ne peut pas être utilement invoqué à l'encontre des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire.

Sur les interdictions de retour sur le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

7. M. B... et Mme C... E... font valoir que deux de leurs enfants sont nés en France et que le troisième, né en 2018, y est scolarisé, Toutefois, ils ne sont entrés sur le territoire français que le 26 juin 2021, n'ont été autorisés à y séjourner que durant l'instruction de leurs demandes d'asile et n'y justifient d'aucun lien personnel ni d'une particulière insertion. Dans ces conditions, quand bien même, ils ne représentent pas de menace pour l'ordre public et ne se sont pas soustraits à de précédentes mesures d'éloignement, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en leur faisant interdiction de revenir sur le territoire national pendant une durée d'un an.

Sur les décisions fixant le pays de renvoi :

8. Aux termes du 1 de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 :

" Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. "

9. Il résulte de ces stipulations qu'une personne qui, s'étant vu reconnaître le statut de réfugié dans un Etat partie à la convention de Genève, sur le fondement de persécutions subies dans l'Etat dont elle a la nationalité, demande néanmoins l'asile en France, doit, s'il est établi qu'elle craint avec raison que la protection à laquelle elle a conventionnellement droit sur le territoire de l'Etat qui lui a déjà reconnu le statut de réfugié n'y est plus effectivement assurée, être regardée comme sollicitant pour la première fois la reconnaissance du statut de réfugié. Il appartient, en pareil cas, aux autorités françaises d'examiner sa demande au regard des persécutions dont elle serait, à la date de sa demande, menacée dans le pays dont elle a la nationalité. En cas de rejet de sa demande, la qualité de réfugié qui lui a été reconnue par le premier Etat fait obstacle, aussi longtemps qu'elle est maintenue, à ce qu'elle soit reconduite dans le pays dont elle a la nationalité, tandis que les circonstances ayant conduit à ce que sa demande soit regardée comme une première demande d'asile peuvent faire obstacle à ce qu'elle soit reconduite dans le pays qui lui a déjà reconnu le statut de réfugié.

10. Dès lors, les appelants, qui ont tous deux obtenu l'asile en Grèce le 8 mars 2021, sont fondés à soutenir que le bénéfice de la protection que leur ont ainsi accordé les autorités de ce pays, quand bien même elle serait ineffective, fait obstacle à ce qu'ils soient reconduits dans le pays dont ils ont la nationalité.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions fixant le pays de renvoi. Par suite, ils sont également fondés à demander l'annulation, dans cette seule mesure, du jugement attaqué et des arrêtés du 26 juin 2023.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... et de Mme C... E... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions fixant le pays de renvoi de Mme C... E... et de M. B... sont annulées.

Article 2 : Le jugement attaqué du 20 septembre 2023 est annulé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme C... E... et de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... E..., à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2024.

Le rapporteur,

Manuel D...

Le président,

Laurent PougetLe greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°(s) 23BX02898 - 23BX02899


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02898
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;23bx02898 ?
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