La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2024 | FRANCE | N°22BX00613

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 09 avril 2024, 22BX00613


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Ter Arcins a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite du maire de Bègles portant refus d'édicter un arrêté portant interdiction, sur le territoire de la commune, du stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d'accueil des gens du voyage aménagées sur le territoire communal.



Par un jugement n° 2001656 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

>
Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 février 2022, 20 sep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ter Arcins a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite du maire de Bègles portant refus d'édicter un arrêté portant interdiction, sur le territoire de la commune, du stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d'accueil des gens du voyage aménagées sur le territoire communal.

Par un jugement n° 2001656 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 février 2022, 20 septembre 2022 et 9 février 2023, la société Ter Arcins, représentée par Me Borderie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement tribunal administratif de Bordeaux du 4 janvier 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite du maire de Bègles portant refus d'édicter un arrêté portant interdiction, sur le territoire de la commune, du stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d'accueil des gens du voyage aménagées sur le territoire communal ;

3°) d'enjoindre au maire de Bègles d'édicter un arrêté portant interdiction, sur le territoire de la commune, du stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d'accueil des gens du voyage aménagées sur le territoire communal, et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bègles une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir contre le refus du maire de prendre une mesure de police préventive ;

- le terrain dont elle est propriétaire a été occupé par des résidences mobiles de personnes dites gens du voyage de 2016 à 2020 ; elle est exposée au risque d'une nouvelle occupation illicite de son terrain ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le président de Bordeaux Métropole, qui a renoncé au transfert à son profit du pouvoir de police spéciale instauré par l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, n'était pas compétent pour prendre un tel arrêté ; sa demande adressée au maire de Bègles, seul compétent pour prendre cet arrêté, n'était ainsi pas mal dirigée ;

- sa demande est fondée ; l'édiction d'un tel arrêté permet en effet au propriétaire d'un terrain faisait l'objet d'une occupation illicite de saisir le préfet aux fins d'une évocation forcée sur le fondement du II de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 ; le refus du maire de Bègles, qui la prive d'une telle prérogative, repose sur une erreur de droit et porte atteinte à son droit de propriété.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2023, la commune de Bègles, représentée par Me Boissy, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Ter Arcins d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le maire de Bègles n'était pas compétent pour prendre l'arrêté sollicité par la société ; en se bornant à produire un courriel de la direction des affaires juridiques de Bordeaux métropole, la société n'établit pas que le président de Bordeaux Métropole aurait renoncé à exercer cette compétence ;

- la société, qui reste taisante sur la situation de son terrain, ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- les circonstances de fait obstacle à l'édiction de l'arrêté sollicité.

Par ordonnance du 13 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy ;

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris ;

- et les observations de Me Valdes, représentant la société Ter Arcins, et de Me Dubois, représentant la commune de Bègles.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ter Arcins est propriétaire, sur le territoire de la commune de Bègles, des parcelles cadastrées section BN n°s 9, 15 et 45 accueillant un ensemble immobilier à usage de bureaux et de commerces ainsi que des parcs de stationnement. Ce terrain a fait l'objet, à partir de 2016, d'une occupation illicite par des caravanes et véhicules de traction appartenant à des personnes dites gens du voyage, dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles. Par un courrier du 17 décembre 2019 reçu le lendemain, la société Ter Arcins a demandé au maire de Bègles de prendre un arrêté interdisant, sur le territoire communal, le stationnement de résidences mobiles en dehors des aires des gens du voyage aménagées par la commune. En l'absence de réponse, une décision implicite de rejet de cette demande est née le 18 février 2020. La société Ter Arcins relève appel du jugement du 4 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.

2. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage : " I. - Les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles installées sur des aires d'accueil ou des terrains prévus à cet effet. (...) ". Aux termes de l'article 9 de la même loi : "I- Le maire d'une commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l'article 1er peut, par arrêté, interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées au même article 1er, dès lors que l'une des conditions suivantes est remplie : (...) 6° La commune est dotée d'une aire permanente d'accueil, de terrains familiaux locatifs ou d'une aire de grand passage conformes aux prescriptions du schéma départemental, bien que l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient n'ait pas satisfait à l'ensemble de ses obligations. (...) / II- En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I ou au I bis, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. / La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain (...) Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effets dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions fixées au II bis, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure (...) ".

3. Aux termes du troisième alinéa du I-A de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales : " Par dérogation à l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est compétent en matière de réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, les maires des communes membres de celui-ci transfèrent au président de cet établissement leurs attributions dans ce domaine de compétences. " Aux termes du III du même article : " Dans un délai de six mois suivant la date à laquelle les compétences mentionnées au A du I ont été transférées à l'établissement ou au groupement, un ou plusieurs maires peuvent s'opposer, dans chacun de ces domaines, au transfert des pouvoirs de police. A cette fin, ils notifient leur opposition au président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales. Il est alors mis fin au transfert pour les communes dont les maires ont notifié leur opposition. / Dans un délai de six mois suivant la date de l'élection du président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales, si le prédécesseur de ce dernier n'exerçait pas dans une commune l'un des pouvoirs de police mentionnés au A du I, le maire de cette commune peut s'opposer au transfert de ce pouvoir. Il notifie son opposition au président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales. A défaut, le transfert devient effectif à l'expiration de ce délai ou, le cas échéant, du délai prévu à la première phrase du quatrième alinéa du présent III. / Si un ou plusieurs maires des communes concernées se sont opposés au transfert de leurs pouvoirs de police, le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales peut, à compter de la première notification de l'opposition et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la fin de la période pendant laquelle les maires étaient susceptibles de faire valoir leur opposition, renoncer, dans chacun des domaines mentionnés au A du I, à ce que les pouvoirs de police spéciale des maires des communes membres lui soient transférés de plein droit. Il notifie sa renonciation à chacun des maires des communes membres. Dans ce cas, le transfert des pouvoirs de police n'a pas lieu ou, le cas échéant, prend fin à compter de cette notification, sur l'ensemble du territoire de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales (...) ".

4. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé par le maire de Bègles à la demande de la société Ter Arcins d'édicter un arrêté portant interdiction du stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d'accueil des gens du voyage aménagées sur le territoire communal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le maire de prendre une telle mesure. Il s'ensuit que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation d'un tel refus, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier son bien-fondé au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

5. En l'espèce, si l'établissement public Bordeaux Métropole est compétent en matière de réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, son président a toutefois renoncé, par arrêté du 11 février 2021, au transfert du pouvoir de police spéciale dans ce domaine, ainsi que l'y autorisent les dispositions précitées du 3ème alinéa du III de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le maire de Bègles est seul compétent pour exercer le pouvoir de police spéciale prévu à l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

6. Cependant, si la société Ter Arcins établit que le terrain dont elle est propriétaire à Bègles a été occupé par des véhicules appartenant à des personnes dites gens du voyage, il ressort des pièces du dossier que ce terrain a été libéré le 25 février 2020. La société requérante, qui se prévaut du risque de réitération d'une telle occupation, ne conteste pas qu'aucune nouvelle occupation ne s'est produite depuis l'évacuation réalisée le 25 février 2020, soit depuis plus de quatre ans à la date du présent arrêt. Elle ne fait par ailleurs état d'aucun autre élément de nature à établir la réalité du risque invoqué. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que le maire de Bègles aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des circonstances de l'espèce en s'abstenant de faire usage des pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relatives à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Bègles, que la société Ter Arcins n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ter Arcins le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la commune de Bègles et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Ter Arcins est rejetée

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Bègles au titre de l 'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ter Arcins et à la commune de Bègles.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy

Le président,

Laurent Pouget Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00613
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : BORDERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;22bx00613 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award