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09/04/2024 | FRANCE | N°22BX00139

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 09 avril 2024, 22BX00139


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune d'Arcachon a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 31 mai 2019 par laquelle la préfète de la Gironde a implicitement autorisé la création d'une chambre funéraire par la société Funecap Sud-Ouest au 148 boulevard de la plage à Arcachon, ensemble le courrier du 19 juillet 2019 par lequel la préfète de la Gironde l'a informée de cette autorisation.

Par un jugement n° 1904556 du 16 novembre 2021, le tribunal administrat

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Arcachon a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 31 mai 2019 par laquelle la préfète de la Gironde a implicitement autorisé la création d'une chambre funéraire par la société Funecap Sud-Ouest au 148 boulevard de la plage à Arcachon, ensemble le courrier du 19 juillet 2019 par lequel la préfète de la Gironde l'a informée de cette autorisation.

Par un jugement n° 1904556 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision implicite de la préfète de la Gironde du 31 mai 2019, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 janvier 2022, 13 janvier 2023, 5 février 2023 et 31 mars 2023 et un mémoire récapitulatif enregistré le 23 juin 2023, la société Funecap Sud-Ouest, représentée par Me Seyfritz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement tribunal administratif de Bordeaux du 16 novembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune d'Arcachon devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Arcachon une somme 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'accès à la chambre funéraire s'effectue à l'abri des regards ; du fait de la présence d'un carport, les opérations funéraires sont à l'abri des regards, ainsi que cela résulte du constat réalisé par un commissaire de justice ; la commune n'établit pas le caractère prétendument délicat des manœuvres des véhicules pour accéder à la partie technique de la chambre funéraire ;

- la commune, qui a pu émettre un avis sur le projet un mois avant son autorisation, n'est pas fondée à se plaindre d'avoir été saisie tardivement ;

- le sens de l'avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques a été communiqué à la commune ; aucun texte n'impose la communication de l'intégralité de cet avis ;

- le moyen tiré de ce que l'absence de transmission de cet avis entacherait la motivation de la décision en litige est inopérant ;

- aucune disposition ne prévoit une obligation de communiquer à la commune, saisie pour avis, les modalités de publication de l'avis au public ;

- la notice explicative que comportait le dossier de demande d'autorisation était suffisante ; son dossier a d'ailleurs été déclaré complet le 31 janvier 2019 ;

- l'autorisation litigieuse ne porte atteinte ni à la salubrité publique, ni à la sécurité publique ;

- il n'est pas établi que le fonctionnement de la chambre funéraire engendrerait des nuisances sonores excédant les troubles normaux de voisinage.

Par des mémoires enregistrés les 12 janvier, 17 janvier et 27 février 2023 et un mémoire récapitulatif enregistré le 2 juin 2023, la commune d'Arcachon conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Funecap Sud-Ouest d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a annulé la décision en litige au motif de la méconnaissance des dispositions des articles R. 2223-74 et D. 2223-80 du code général des collectivités territoriales ; le dossier de demande d'autorisation ne prévoyait pas d'aménagement de type " carport " et la société n'a pas davantage fait état d'un tel aménagement en première instance ; faute d'aménagement particulier, l'accès à la partie technique du funérarium ne peut être réalisé à l'abri des regards ; si la société prévoit d'accoler l'arrière des véhicules à la porte d'entrée de l'accès technique, la voie d'accès à la partie technique est toutefois utilisée par les riverains, de sorte que les manœuvres des véhicules de l'entreprise de pompes funèbres pourraient être rendues délicates ; la société n'établit pas que l'installation d'un carport permettrait d'accéder à la chambre funéraire à l'abri des regards ;

- elle a été saisie tardivement pour émettre un avis sur la demande d'autorisation dont était saisie la préfète de la Gironde ; la décision a dès lors été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- l'avis favorable rendu par le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, qui constitue la base de la décision en litige puisque la préfète s'en est appropriée les termes, aurait dû lui être communiqué ; faute d'une telle transmission, la décision est insuffisamment motivée et entachée d'un vice de procédure ;

- le dossier de demande d'autorisation était incomplet ; il ne comportait pas de projet d'avis au public ; de plus, la notice explicative figurant au dossier de demande était insuffisante et ne prenait en particulier pas en compte l'environnement extérieur de la chambre funéraire ;

- la décision en litige porte atteinte à la salubrité publique ; le dossier de demande ne comporte aucun élément permettant de s'assurer du respect des dispositions des articles R. 1335-1 et suivants du code de la santé publique ;

- la décision en litige porte atteinte à la sécurité publique compte tenu des difficultés de circulation et de stationnement sur le boulevard de la plage, en particulier durant la saison touristique, et de l'usage d'une voie privée ;

- la décision en litige porte atteinte à l'ordre public en raison de nuisances sonores engendrées par l'activité de la chambre funéraire.

Par ordonnance du 23 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy ;

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris ;

- et les observations de Me Dalila, représentant la société Funecap Sud-Ouest, et de Me Safar, représentant la commune d'Arcachon.

Considérant ce qui suit :

1. La société Funecap Sud-Ouest a sollicité en décembre 2018 l'autorisation de créer une chambre funéraire au 148 boulevard de la plage à Arcachon. Le dossier de demande a été déclaré complet le 31 janvier 2019. Le silence gardé par la préfète de la Gironde sur cette demande a fait naître une décision implicite d'autorisation le 31 mai 2019. Par un jugement du 16 novembre 2021, dont la société Funecap Sud-Ouest relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a, sur la demande de la commune d'Arcachon, annulé cette décision implicite.

2. Aux termes de l'article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le service extérieur des pompes funèbres est une mission de service public comprenant : 1° Le transport des corps avant et après mise en bière ; / (...) 6° La gestion et l'utilisation des chambres funéraires (...) / Cette mission peut être assurée par les communes, directement ou par voie de gestion déléguée. Les communes ou leurs délégataires ne bénéficient d'aucun droit d'exclusivité pour l'exercice de cette mission. Elle peut être également assurée par toute autre entreprise ou association bénéficiaire de l'habilitation prévue à l'article L. 2223-23. ". Aux termes de l'article L. 2223-38 du même code : " Les chambres funéraires ont pour objet de recevoir, avant l'inhumation ou la crémation, le corps des personnes décédées (...) ". Aux termes de l'article R. 2223-74 de ce code : " La création ou l'extension d'une chambre funéraire est autorisée par le préfet. (...) / Le préfet consulte le conseil municipal, qui se prononce dans un délai de deux mois, et recueille l'avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. / La décision intervient dans le délai de quatre mois suivant le dépôt de la demande. En l'absence de notification de la décision à l'expiration de ce délai, l'autorisation est considérée comme accordée. / L'autorisation ne peut être refusée qu'en cas d'atteinte à l'ordre public ou de danger pour la salubrité publique. (...) ". L'article D. 2223-80 de ce code dispose : " Toute chambre funéraire est aménagée de façon à assurer une séparation entre la partie destinée à l'accueil du public, comprenant un ou plusieurs salons de présentation, et la partie technique destinée à la préparation des corps. / L'accès à la chambre funéraire des corps avant mise en bière ou du cercueil s'effectue par la partie technique à l'abri des regards. Les pièces de la partie technique communiquent entre elles de façon à garantir le passage des corps ou des cercueils hors de la vue du public (...) ". Enfin, aux termes de l'article D. 2223-87 de ce code : " Lorsque la création ou l'extension de la chambre funéraire a été autorisée dans les conditions prévues à l'article R. 2223-74, son ouverture au public est subordonnée à la conformité aux prescriptions énoncées aux articles précédents, vérifiée par un organisme de contrôle accrédité pour ces activités par le Comité français d'accréditation (COFRAC) ou par tout autre organisme d'accréditation signataire de l'accord de reconnaissance multilatéral établi dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation (European Cooperation for Accreditation ou " EA ") selon les critères généraux relatifs au fonctionnement des différents types d'organismes procédant à l'inspection. L'organisme procédant à l'inspection ne doit posséder aucun lien d'intérêt de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance à l'égard de l'entreprise dont l'installation est soumise à son contrôle. En cas de non-conformité attestée lors de cette visite, le préfet communique au maître de l'ouvrage les modifications à opérer avant ouverture au public, sous peine de suspension ou de retrait de son habilitation dans le domaine funéraire. (...) ".

3. Il résulte des termes mêmes des dispositions précitées de l'article R. 2223-74 du code général des collectivités territoriales que le préfet territorialement compétent ne peut refuser l'autorisation de créer une chambre funéraire sollicitée par un pétitionnaire que dans les hypothèses, limitativement énoncées, tirées de ce que le projet en cause constitue un danger pour la salubrité publique ou porte atteinte à l'ordre public, lequel recouvre le principe de décence et de dignité des opérations funéraires résultant de l'article D. 2223-80 du même code.

4. Il ressort des pièces du dossier que la chambre funéraire dont la création a été autorisée par la décision en litige du 31 mai 2019 comporte une partie technique destinée à la préparation des corps, dont l'accès est prévu sur la façade arrière du bâtiment, par une entrée réservée au personnel. Il ressort des clichés photographiques versés au dossier que plusieurs appartements de la résidence " La Croisette ", implantée au 150 boulevard de la plage, ont une vue plongeante directe sur la façade arrière de la chambre funéraire. La société requérante fait valoir, pour la première fois en appel, que cette façade est dotée d'un carport de 5 m² destiné à occulter les opérations funéraires, et produit à cet égard un constat de commissaire de justice établi le 16 décembre 2022. Un tel aménagement n'était toutefois ni prévu dans son dossier de demande d'autorisation, ni prescrit par la décision d'autorisation en litige, et il n'est nullement établi qu'il aurait été réalisé dès la création de la chambre funéraire. Or la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date de son édiction et, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la circonstance que les véhicules de transport pourraient stationner en marche arrière au droit de l'entrée de la partie technique de la chambre funéraire ne suffit pas à garantir que l'accès des corps avant mise en bière ou des cercueils s'effectue à l'abri des regards ni, par suite, le respect du principe de décence des opérations funéraires. Dans ces conditions, l'autorisation en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Funecap Sud-Ouest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision implicite de la préfète de la Gironde du 31 mai 2019.

6. La commune d'Arcachon n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la société Funecap Sud-Ouest présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Funecap Sud-ouest une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Arcachon et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Funecap Sud-Ouest est rejetée.

Article 2 : La société Funecap Sud-Ouest versera à la commune d'Arcachon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Funecap Sud-Ouest, à la commune d'Arcachon et et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy

Le président,

Laurent Pouget Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00139


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00139
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SELARL HMS ATLANTIQUE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;22bx00139 ?
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