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02/04/2024 | FRANCE | N°22BX01433

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 02 avril 2024, 22BX01433


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2022, et des mémoires enregistrées les 22 mai et 3 octobre 2023, la société Les Pâtis Longs, représentée par Me Versini-Campinchi, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 21 mars 2022 de la préfète des Deux-Sèvres portant refus d'autorisation unique d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent implantée à Luzay ;



2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et d'enjoindre à la préfète des Deux-Sè

vres, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 e...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2022, et des mémoires enregistrées les 22 mai et 3 octobre 2023, la société Les Pâtis Longs, représentée par Me Versini-Campinchi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 21 mars 2022 de la préfète des Deux-Sèvres portant refus d'autorisation unique d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent implantée à Luzay ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de préciser les prescriptions applicables ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que son projet ne porte pas atteinte à la conservation des sites et des monuments, et notamment pas au château de Thiors, ni au paysage et notamment pas au site patrimonial remarquable situé en surplomb de la vallée du Thouet ;

- la demande de substitution de motifs du ministre doit être écartée dès lors que :

--- le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes du Thouarsais approuvé le 4 février 2020 ne peut valablement être opposé à sa demande présentée le 2 septembre 2016 et qui a fait l'objet d'une première décision de sursis à statuer le 4 octobre 2019, annulée par la cour ;

--- le PLUi est entaché de plusieurs illégalités tirées du défaut de caractère exécutoire de la délibération le prescrivant, de l'incohérence des dispositions de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) Paysage et Energie avec le plan d'aménagement et du développement durable (PADD), de l'incompatibilité de cette OAP avec les principes généraux du droit de l'urbanisme, de l'incohérence du PLUi avec l'objectif de développement des énergies renouvelables du schéma de cohérence territoriale (SCOT) et du plan climat-air-énergie territorial (PCAET) du Thouarsais, de l'incohérence entre le règlement et le PADD et enfin d'une erreur de droit.

Par un mémoire, enregistré le 30 mars 2023, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés et demande, subsidiairement, une substitution de motifs à la décision attaquée tirée de ce que cette dernière peut désormais se fonder sur la méconnaissance par le projet litigieux du plan local d'urbanisme intercommunale de la communauté de communes du Thouarsais.

Par un mémoire enregistré le 5 septembre 2023, la préfète des Deux-Sèvres conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n°2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Versini-Campinchi, représentant la société Les Pâtis Longs.

Une note en délibéré a été enregistrée le 21 mars 2024, présentée pour la société Les Pâtis Longs par Me Versini-Campinchi.

Considérant ce qui suit :

1. La société Les Pâtis Longs a déposé le 2 septembre 2016 une demande d'autorisation unique pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de six éoliennes d'une hauteur de 180 mètres et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Luzay. En application de l'article 20 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, une décision implicite de rejet de la demande d'autorisation unique de la société Les Pâtis Longs est née le 7 juin 2019, soit à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le dépôt par le commissaire enquêteur de son rapport et de ses conclusions. Par un arrêté du 4 octobre 2019, la préfète des Deux-Sèvres a retiré la décision implicite de refus née le 7 juin 2019 et a prononcé un sursis à statuer sur la demande d'autorisation unique de la société Les Pâtis Longs. Par un arrêt n° 19BX03245, 19BX04310 du 21 décembre 2021, la cour a annulé le sursis à statuer opposé à la société Les Pâtis Longs et a enjoint à la préfète des Deux-Sèvres de réexaminer la demande d'autorisation de la société dans un délai de trois mois. Par un arrêté du 21 mars 2022, la préfète des Deux-Sèvres a de nouveau refusé de lui délivrer l'autorisation sollicitée. Par la présente requête, la société Les Pâtis Longs demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 21 mars 2022 :

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Après avoir visé les textes applicables et notamment les articles pertinents du code de l'environnement et décrit le projet de parc éolien, la préfète a rappelé l'enjeu de protection des paysages et de conservation des monuments tel qu'il figure à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Elle a ensuite relevé qu'il existe une très forte co-visibilité du projet avec le château de Thiors, monument partiellement inscrit situé à 730 mètres du projet, qu'aucune mesure de réduction de l'impact visuel ne peut atténuer jusqu'à un niveau acceptable. Cette motivation, alors même que la préfète n'identifie pas précisément le site patrimonial situé en surplomb de la vallée du Thouet avec lequel une possible co-visibilité est également relevée, est suffisante, contrairement à ce que soutient la société requérante, dès lors qu'elle permet de comprendre les éléments de droit et de fait sur lesquels la décision est fondée.

En ce qui concerne le motif de refus tiré de l'atteinte à la conservation des sites et des monuments :

4. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées (...) par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

5. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.

6. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Pour l'application des dispositions citées au point 4, le juge des installations classées pour la protection de l'environnement apprécie le paysage et les atteintes qui peuvent lui être portées en prenant en considération des éléments présentant, le cas échéant, des dimensions historiques, mémorielles, culturelles et artistiques, y compris littéraires.

7. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué que pour rejeter la demande d'autorisation unique présentée par la société Les Pâtis Longs, la préfète des Deux-Sèvres s'est fondée sur la circonstance que le projet se trouvait en très forte co-visibilité du château de Thiors, monument historique, et que, dès lors qu'il se situait " au cœur d'un paysage de plaine très ouvert ", il " porterait atteinte au paysage historique, notamment au site patrimonial remarquable situé en surplomb de la vallée du Thouet, avec lequel il existerait une co-visibilité ".

8. Il résulte de l'instruction que le projet en litige s'implante à l'interface de deux paysages agricoles, une zone de plaine de champs ouverts et une zone de bocage dans un paysage caractérisé. Les vallées du Thouet et du Thouaret passent à proximité du site d'implantation des éoliennes tout en étant visuellement isolées du projet du fait de leur encaissement et de la présence de boisements sur leurs rebords. Si l'aire d'étude éloignée compte 97 monuments inscrits ou classés au titre des monuments historiques, deux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et une aire de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP), devenues sites patrimoniaux remarquables (SPR), seul le château de Thiors, situé à 730 mètres de l'aire d'étude immédiate, est directement impacté par le projet, tandis qu'aucun " site patrimonial remarquable situé en surplomb de la vallée du Thouet " ne peut être identifié, motif de refus sur lequel le ministre n'apporte d'ailleurs aucun détail ou élément d'explication en défense. Les façades et les toitures du château de Thiors ont été, compte tenu de leur valeur patrimoniale, inscrites au titre des monuments historiques par arrêté du 13 avril 1989. Il résulte de l'étude d'impact, et notamment du paragraphe dédié à l'impact du projet sur cet édifice, que compte tenu de la présence d'une végétation importante (haies et bois), le château, qui ne se visite pas, n'est que peu visible depuis l'extérieur de son parc. Si certains photomontages démontrent une co-visibilité du château et du parc éolien projeté, notamment à partir des chemins agricoles présents au sud du château, ainsi que pour une dizaine d'habitations riveraines, il résulte de l'instruction que l'éloignement des éoliennes, et la présence du parc et du Bois du Gland permettent de limiter l'impact visuel de ces dernières. Ainsi, et alors que l'autorité environnementale a conclu dans son avis du 8 mars 2018 à un impact modéré du projet sur ledit château et a souligné la complétude et l'objectivité de l'analyse paysagère ainsi que les mesures de compensation prévues telles que la plantation de haies " brise vue " conformément à la demande des riverains, l'atteinte opposée par la préfète n'est pas constituée. Dans ces conditions, la préfète ne pouvait légalement fonder son refus sur un tel motif.

En ce qui concerne la substitution de motif :

9. Pour établir que la décision attaquée était légale, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires invoque, dans son mémoire en défense, un autre motif tiré de ce que cette décision peut désormais se fonder sur la méconnaissance par le projet litigieux du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Thouarsais.

10. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge du plein contentieux environnemental que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

11. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent (...) de : 1° Garantir la conformité des travaux projetés avec les exigences fixées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire ; (...) ". Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords (...) ".

12. En vertu du I de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, les décisions prises en matière de police des installations classées pour la protection de l'environnement à la suite d'une demande d'autorisation ou d'enregistrement ou d'une déclaration préalable sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Si le deuxième alinéa de ce I, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Par exception, la compatibilité d'une installation classée avec les dispositions d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'une carte communale est appréciée à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration.", ces dispositions, qui ont pour finalité, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables à leur adoption, d'empêcher que l'exploitation d'une installation classée légalement autorisée, enregistrée ou déclarée soit rendue irrégulière par une modification ultérieure des règles d'urbanisme, ne sont pas applicables aux refus d'autorisation, d'enregistrement ou de délivrance d'un récépissé de déclaration ainsi qu'au sursis à statuer opposé illégalement à la demande du pétitionnaire.

13. En outre, aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ". Cependant, l'article 4 de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement énumère limitativement les dispositions du code de l'urbanisme qui s'appliquent en matière d'autorisation unique : " dispositions du chapitre Ier, du chapitre II, de la section 1 du chapitre V du titre II et du chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l'urbanisme ". L'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ne figurant pas parmi ces dispositions, il n'a donc pas lieu à s'appliquer au présent litige.

14. Il résulte de ce qui précède que s'agissant d'une autorisation unique prise en application de l'ordonnance du 20 mars 2014, sa composante refus d'autorisation en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, soumise au contentieux de pleine juridiction, doit s'apprécier, dans un rapport de compatibilité au PLUi de la communauté de communes du Thouarsais, à la date du présent arrêt, tandis que sa composante refus de permis de construire, soumis au contentieux d'excès de pouvoir, doit s'apprécier, dans un rapport de conformité avec ce même PLUi, à la date de la décision contestée.

15. L'article 2A-2-1 du PLUi de la communauté de communes du Thouarsais interdit " Dans tous les secteurs sauf le secteur Aeol : - Les éoliennes faisant partie d'un nouveau parc éolien ". Il résulte de l'instruction que les terrains d'assiette des six éoliennes sont classés en zone A du PLUi et qu'ils ne sont situés dans aucun secteur Aeol. Dans ces conditions, le projet en litige méconnaît le règlement de cette zone A qui prohibe expressément l'implantation d'éoliennes.

16. Pour écarter l'application du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Thouarsais, la société requérante fait valoir que ce plan est entaché de plusieurs illégalités tirées du défaut de caractère exécutoire de la délibération le prescrivant, de l'incohérence des dispositions de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) Paysage et Energie avec le plan d'aménagement et du développement durable (PADD), de l'incompatibilité de cette OAP avec les principes généraux du droit de l'urbanisme posées par le 7°) de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, de l'incompatibilité du PLUi avec l'objectif de développement des énergies renouvelables du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) et du Plan climat-air-énergie territorial (PCAET) du Thouarsais, de l'incohérence entre le règlement et le PADD et d'une erreur de droit

17. Il résulte de l'instruction que les auteurs du PLUi ont, dans le cadre d'une orientation d'aménagement et de programmation spécifique (OAP) dénommée " Paysage et Energie ", délimité des zones potentielles de développement éolien (ZDE) sur le territoire de la communauté de communes du Thouarsais et défini les secteurs Aeol précités du règlement. Pour ce faire, ils se sont fondés, ab initio, pour exclure certains territoires du champ d'étude, sur l'opposition des communes, dont la commune de Luzay, avant de décrire, s'agissant des territoires maintenus dans le champ d'étude, les principes d'implantation à prendre en compte pour permettre aux futurs projets éoliens de s'inscrire dans les structures paysagères du Thouarsais. Il résulte ainsi de l'instruction que l'exclusion des territoires des communes défavorables à l'éolien n'est justifiée que par l'opposition de principe desdites communes. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que cette exclusion n'a pas été guidée par un motif d'urbanisme mais par des préoccupations qui sont étrangères à celles que les auteurs d'un PLU peuvent légalement retenir, entachant ainsi le PLUi d'une erreur de droit.

18. Il résulte de ce qui précède qu'aucun des motifs opposés par la préfète des Deux-Sèvres ne peut légalement fonder le refus contesté. Par suite, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2022.

Sur les conséquences de l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2022 :

19. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions. Dans le cas où le juge administratif fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour autoriser le fonctionnement d'une installation classée, la décision d'autorisation ainsi rendue présente le caractère d'une décision juridictionnelle et se trouve en conséquence revêtue de l'autorité de chose jugée.

20. En l'espèce, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'un motif autre que ceux opposés par la préfète et analysés ci-dessus pourrait légalement justifier le refus contesté. Dans ces conditions, il y a lieu de délivrer à la société requérante l'autorisation qu'elle sollicite et d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres de fixer les prescriptions qui, le cas échéant, doivent assortir l'autorisation environnementale, dans un délai de quatre mois à compter du présent arrêt. Il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

21. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative : /1° Par les pétitionnaires ou exploitants, dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision leur a été notifiée ; / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : / a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l'affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d'affichage de la décision. (...) ". Il y a lieu d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres de mettre en œuvre les mesures de publicité prévues aux articles R. 181-44 et R. 181-50 du code de l'environnement.

Sur les frais liés à l'instance :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Les Pâtis Longs et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 21 mars 2022 est annulé.

Article 2 : Il est délivré à la société Les Pâtis Longs l'autorisation sollicitée pour son projet. Il est enjoint à la préfète des Deux-Sèvres de fixer les prescriptions qui devront, le cas échéant, assortir ladite autorisation, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Il est prescrit à la préfète des Deux-Sèvres de mettre en œuvre les mesures de publicité de l'autorisation environnementale délivrée par le présent arrêt, prévues aux articles R. 181-44 et R. 181-50 du code de l'environnement.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société Les Pâtis Longs en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Pâtis longs, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la préfète des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Elie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

La rapporteure,

Héloïse Pruche-Maurin

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01433
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ENERGIE - CRISTALLISATION DES RÈGLES D'URBANISME (ART - L - 600-2 DU CODE DE L'URBANISME) - APPLICATION À UNE DEMANDE D'AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE UNIQUE VALANT PERMIS DE CONSTRUIRE (ORDONNANCE DU 20 MARS 2014) - ABSENCE.

29-035 Si les autorisations environnementales uniques délivrées sur le fondement de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 valaient permis de construire, ces autorisations étaient néanmoins soumises à une liste limitative de dispositions du code de l'urbanisme énumérées à l'article 4 de l'ordonnance, parmi lesquelles ne figurait pas l'article L. 600-2 prévoyant que les dispositions en vigueur à la date d'une décision annulée de refus demeurent applicables à la demande. Dès lors, en cas d'annulation d'un refus d'autorisation unique, le pétitionnaire ne peut se prévaloir des règles d'urbanisme en vigueur à la date de ce refus pour contester un nouveau refus opposé par l'administration sur le fondement de règles d'urbanisme entrées en vigueur postérieurement.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - DIVERS RÉGIMES PROTECTEURS DE L`ENVIRONNEMENT - AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE UNIQUE (ORDONNANCE DU 20 MARS 2014) - APPLICATION À UNE DEMANDE D'AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE UNIQUE VALANT PERMIS DE CONSTRUIRE DE LA CRISTALLISATION DES RÈGLES D'URBANISME (ART - L - 600-2 DU CODE DE L'URBANISME) - ABSENCE.

44-05 Si les autorisations environnementales uniques délivrées sur le fondement de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 valaient permis de construire, ces autorisations étaient néanmoins soumises à une liste limitative de dispositions du code de l'urbanisme énumérées à l'article 4 de l'ordonnance, parmi lesquelles ne figurait pas l'article L. 600-2 prévoyant que les dispositions en vigueur à la date d'une décision annulée de refus demeurent applicables à la demande. Dès lors, en cas d'annulation d'un refus d'autorisation unique, le pétitionnaire ne peut se prévaloir des règles d'urbanisme en vigueur à la date de ce refus pour contester un nouveau refus opposé par l'administration sur le fondement de règles d'urbanisme entrées en vigueur postérieurement.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - CRISTALLISATION DES RÈGLES D'URBANISME (ART - L - 600-2 DU CODE DE L'URBANISME) - APPLICATION À UNE DEMANDE D'AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE UNIQUE VALANT PERMIS DE CONSTRUIRE (ORDONNANCE DU 20 MARS 2014) - ABSENCE.

68-03 Si les autorisations environnementales uniques délivrées sur le fondement de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 valaient permis de construire, ces autorisations étaient néanmoins soumises à une liste limitative de dispositions du code de l'urbanisme énumérées à l'article 4 de l'ordonnance, parmi lesquelles ne figurait pas l'article L. 600-2 prévoyant que les dispositions en vigueur à la date d'une décision annulée de refus demeurent applicables à la demande. Dès lors, en cas d'annulation d'un refus d'autorisation unique, le pétitionnaire ne peut se prévaloir des règles d'urbanisme en vigueur à la date de ce refus pour contester un nouveau refus opposé par l'administration sur le fondement de règles d'urbanisme entrées en vigueur postérieurement.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;22bx01433 ?
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