La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2024 | FRANCE | N°22BX00483

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 26 mars 2024, 22BX00483


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les deux titres exécutoires émis à son encontre le 26 novembre 2019 pour des montants de 2 152,80 et 3 692,94 euros et de prononcer la décharge de l'obligation de payer ces sommes, et de condamner l'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de l'Etang des Faures à l'indemniser d'une somme de 26 094,51 euros, assortie des intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du paie

ment des redevances mises à sa charge par les titres exécutoires émis au titre des an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les deux titres exécutoires émis à son encontre le 26 novembre 2019 pour des montants de 2 152,80 et 3 692,94 euros et de prononcer la décharge de l'obligation de payer ces sommes, et de condamner l'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de l'Etang des Faures à l'indemniser d'une somme de 26 094,51 euros, assortie des intérêts, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du paiement des redevances mises à sa charge par les titres exécutoires émis au titre des années 2015 à 2018.

Par un jugement n° 2000486 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 février 2022, 28 février 2023, 27 avril 2023 et 28 juin 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B... représenté par Me Morlon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2021 ;

2°) d'annuler les deux titres exécutoires émis à son encontre le 26 novembre 2019 pour des montants de 2 152,80 et 3 692,94 euros ;

3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer ces sommes ;

4°) de condamner l'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de l'Etang des Faures à l'indemniser d'une somme de 26 094,51 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du paiement des redevances mises à sa charge par les titres exécutoires émis au titre des années 2015 à 2018, et d'assortir cette somme des intérêts à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) d'annuler la saisie administrative à tiers détenteur mise en œuvre pas l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures à son encontre pour un montant de 5 845,74 euros et de condamner l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures à lui restituer toutes les sommes payées par la Banque Populaire en application de cette saisie administrative, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2020 et la somme correspondant aux frais bancaires auxquels il sera exposé dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures le paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que les règles de redevances issues des statuts et du règlement intérieur de l'ASA ne lui sont pas applicables dès lors qu'il n'a pas adhéré ni aux statuts ni au règlement intérieur de l'ASA ;

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées contre l'ASA et est entaché d'une contradiction de motifs ;

- le tribunal a omis de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la saisie administrative à tiers détenteur ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant des conclusions à fin d'annulation des titres exécutoires :

- il résulte des actes authentiques des 30 décembre 1982 et 2 mars 1994 que l'ASA est tenue de pourvoir M. B... en irrigation de ses parcelles pour un débit horaire limité à 100 m3 par heure ; sa redevance de frais de consommation d'eau doit par ailleurs être établie selon sa quote-part contributive et proportionnelle dans la consommation d'eau totale des membres de l'ASA, uniquement en ce qu'il s'agit des frais de pompage et d'entretien des installations, à l'exclusion de tous frais fixes ;

- l'ASA ne pouvait, sans méconnaitre ses obligations contractuelles, appliquer des quotas de volume d'eau par hectare et des redevances annuelles de frais fixes de fonctionnement ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Bordeaux, il a formé des contestations contre les titres exécutoires émis par l'ASA depuis 2004 ;

- les règles de redevances issues des statuts et du règlement intérieur de l'ASA ne lui sont pas applicables dès lors qu'il n'a pas adhéré ni aux statuts ni au règlement intérieur ; il y a bien lieu d'appliquer les règles contractuelles de redevances précitées à chacun des deux titres exécutoires contestés ;

- s'agissant du titre exécutoire n°33000-2019-35 ayant pour objet " Redevance irrigation 2019 ", d'un montant de 3 692,94 euros : en vertu de l'acte du 30 décembre 1982, il était redevable des " frais de pompage et de l'entretien des installations " alors limités à " la quote-part de la redevance " du volume d'eau à son débit, et " seulement la quote-part " sans autre forme de calcul ; c'est à tort que l'ASA a estimé pouvoir établir sa redevance selon un coefficient de majoration au-delà d'un certain volume d'eau débité alors qu'il a le droit de pomper de l'eau " sans limitation de volume " d'après les actes des 30 décembre 1982 et 2 mars 1994 ; elle ne peut justifier ces méthodes de calcul au regard de quotas de consommation d'eau institués par arrêté préfectoral du 14 mai 2018, lequel ne réglemente ni ne remet en cause les règles contractuelles de calcul des redevances qui lui sont applicables ;

- il n'a jamais été rappelé à l'ordre concernant le dépassement du volume fixé ;

- ayant saisi la juridiction administrative, il est par ailleurs fondé à s'abstenir de payer la redevance due au titre des frais de consommation d'eau jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne ;

- l'ASA ne peut utilement se prévaloir du bulletin d'adhésion à l'ASA daté du 1er janvier 1994 auquel il aurait souscrit, dès lors que ce bulletin a été édité par une tierce personne, et qu'en outre, ce document révèle que leur rapport est régi par les dispositions de l'acte authentique du 30 décembre 1982 ;

- S'agissant du titre exécutoire n° 33000-2019-17 ayant pour objet " Frais fixes de fonctionnement 2019 ", pour un montant de 2 152,80 euros : il ne peut être tenu à des frais de fonctionnement dans la mesure où il n'a pas à acquitter la quote-part de redevance relative à l'amortissement des travaux d'infrastructures supportés par l'ASA mais seulement les frais de pompage et d'entretien des installations ;

S'agissant des conclusions indemnitaires :

- l'ASA a engagé sa responsabilité à raison des fautes commises du fait de la violation des règles contractuelles de fixation de ses redevances annuelles ; le syndicat de l'ASA et son président ont continué à mettre à sa charge des redevances mal fondées en violation desdites règles depuis plusieurs années ; il a ainsi été destinataire de huit autres titres exécutoires au titre des années 2015 à 2018 ; ces différents titres exécutoires ont entraîné un préjudice financier qui doit être ainsi évalué à 26 094,51 euros ; il est dès lors fondé à demander la condamnation de l'ASA à l'indemniser à hauteur de ce préjudice ;

- le tribunal ne pouvait rejeter ses conclusions indemnitaires comme étant irrecevables sur le fondement de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, qui s'applique aux recours en annulation de titres exécutoires, alors qu'il n'en demande pas la condamnation mais l'indemnisation du préjudice en résultant ; le tribunal ne précise par ailleurs pas en quoi ses demandes indemnitaires seraient excessivement tardives et méconnaitraient le principe de sécurité juridique ; enfin, les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ne prévoient pas de réclamation préalable obligatoire ; le tribunal ne pouvait donc lui opposer les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative pour rejeter ses conclusions ;

- son préjudice financier est réel et certain ;

S'agissant des conclusions tendant à l'annulation de la saisie administrative à tiers détenteur :

- l'ASA a poursuivi à tort le recouvrement forcé à l'effet d'une saisie administrative à tiers détenteur auprès de la Banque Populaire sur ses avoirs bancaires, à hauteur de 5 845,74 euros ; cette saisie doit être annulée dès lors que les titres exécutoires en vertu desquels elle est pratiquée doivent au préalable être annulés ;

- cette saisie est irrégulière, dès lors que n'ont pas été respectées les conditions imposées par l'article L. 262 du livre des procédures fiscales, l'avis de saisie ne lui ayant pas été adressé en sa qualité de présumé redevable ;

- il est fondé à demander la condamnation de l'ASA à lui restituer toutes sommes qui auront été payées par la Banque Populaire en application de cette saisie administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 janvier 2023 et 29 mars 2023, l'association syndicale autorisée d'irrigation de l'Etang des Faures, représentée par Me Rivière, conclut au rejet de la requête et en tout état de cause à ce que soit mis à la charge de M. B... le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en application de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

- ces conclusions indemnitaires sont prescrites ;

- la demande tendant à l'annulation de la saisie administrative et du remboursement du principal et des frais, est irrecevable, dès lors qu'elle est nouvelle en appel et que la juridiction administrative est incompétente pour en connaître ; cette demande est en outre prescrite ;

- la demande d'annulation des titres exécutoires doit être rejetée, ou à défaut juger que l'appréciation des clauses contenues dans l'acte notarié du 2 mars 1994 qui renvoie à celui du 30 décembre 1982 relève de la compétence de la juridiction judiciaire et transmettre en conséquence une question préjudicielle au tribunal judiciaire de Périgueux ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2023 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;

- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Morlon, représentant M. B..., et de Me Vignes, représentant l'association syndicale autorisée d'irrigation de l'Etang des Faures.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 juin 1982, l'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de l'Etang des Faures a conclu avec la compagnie d'aménagement rural d'aquitaine une convention ayant pour objet de lui confier la réalisation d'une réserve d'eau au lieu-dit l'Etang des Faures avec une station de pompage et un réseau de canalisations, l'obligeant à procéder à l'acquisition de terrains auprès de ses adhérents en vue de sa construction. Par acte notarié du 30 décembre 1982, les époux A... ont vendu à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) trois parcelles, n° 52, 49 et 47, et des conventions particulières ont été intégrées à l'acte de vente, précisant les engagements réciproques de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures et des époux A.... Par un acte notarié du 2 mars 1994, la SAFER a vendu à M. B... les parcelles n° 10, 11, 12, 13, 14, 17, ,18, 19, 20, 21, 38, 50 et 51, situées sur le territoire de la commune de Gouts-Rossignols, anciennement la propriété des époux A.... La seconde partie de cet acte de vente reprend, au titre des " conventions spéciales " les éléments compris dans l'acte notarié du 30 décembre 1982 et indique que : " L'acquéreur déclare être parfaitement au courant de l'existence de ladite convention pour en avoir pris connaissance avant ce jour et vouloir en faire son affaire personnelle ". L'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures a adressé à M. B..., adhérent de l'association, deux titres exécutoires, émis le 26 novembre 2019, correspondant aux redevances syndicales pour l'année 2019, d'une part, au titre des frais fixes de fonctionnement pour un montant de 2 152,80 euros et d'autre part, au titre des frais de consommation d'eau, pour un montant de 3 692,94 euros. M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler ces deux titres exécutoires, de prononcer la décharge de l'obligation de payer ces sommes ainsi que la condamnation de l'ASA à l'indemniser du préjudice résultant du paiement des redevances mises à sa charge par les titres exécutoires émis pour les années 2015 à 2018. Par un jugement n° 2000486 du 20 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement et demande en outre l'annulation de la saisie administrative à tiers détenteur mise en œuvre par l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures.

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne les omissions à statuer :

2. En premier lieu, il résulte du point 17 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont répondu au moyen tiré de ce que les règles des redevances issues des statuts et du règlement intérieur de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures n'auraient pas été applicables à M. B.... Les premiers juges précisent à cet égard que le titre exécutoire en litige est exclusivement fondé sur les principes consacrés par le règlement intérieur de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures, qui définit les modalités de calcul des redevances de ses adhérents. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Bordeaux aurait omis de statuer sur ce moyen.

3. En second lieu, M. B... soutient que le tribunal a omis de statuer sur les conclusions présentées tendant à l'annulation de la saisie administrative à tiers détenteur mise en œuvre par l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures. Il ne résulte toutefois pas du dossier de première instance que le mémoire en réponse n°2 dont se prévaut M. B..., édité le 16 décembre 2020, ait été présenté et enregistré auprès du greffe du tribunal administratif de Bordeaux dans le cadre de l'instance. Dans ces conditions, ces conclusions ne peuvent être regardées comme ayant été présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'une irrégularité sur ce point.

En ce qui concerne la contradiction de motifs :

4. Le moyen tiré de ce qu'il existerait une contradiction de motifs entre les points 4 et 5 du jugement doit être écarté dès lors que ce moyen a trait au bien-fondé de la décision juridictionnelle et non à sa régularité.

En ce qui concerne les conclusions relatives aux titres exécutoires émis au titre des années 2015 à 2017 :

5. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " (...) Les associations syndicales autorisées ou constituées d'office ainsi que leurs unions sont des établissements publics à caractère administratif ". L'article 34 de cette ordonnance prévoit que : " Le recouvrement des créances de l'association syndicale s'effectue comme en matière de contributions directes. / L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances selon les modalités prévues par l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes ". Enfin, selon l'article 54 du décret n°2006-504 portant application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " L'ordonnateur émet le titre de recettes dont une ampliation est adressée aux redevables de l'association syndicale autorisée et vaut avis des sommes à payer (...) L'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé de la redevance liquidée par l'association suspend la force exécutoire du titre. L'exercice de ce recours par le débiteur se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuites. (...)".

6. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et délais de recours, prévue par l'article R. 421-5 du code de justice administrative, ou l'absence de preuve d'une telle information, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion de deux mois, prévu par l'article 54 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 soit opposable.

7. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. Dans cette hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

8. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient, dès lors, au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

9. Par ailleurs, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.

10. M. B... demande la condamnation de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures à l'indemniser d'une somme de 26 094,51 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi résultant du paiement des redevances mises à sa charge par les divers titres exécutoires émis au titre des années 2015 à 2018. M. B... doit être regardé comme ayant eu connaissance des titres exécutoires émis au titre des années 2015, 2016 et 2017 par l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures au plus tard le 22 novembre 2018, date à laquelle l'intéressé a adressé un courrier à l'ASA aux termes duquel il a contesté les titres émis à son encontre depuis 2015 et indiqué avoir sollicité un relevé de situation l'informant qu'il devait encore la somme de 9 714.07 euros, à la date du 12 juillet 2018. Il est par ailleurs constant que l'appelant n'a pas formé de recours juridictionnel à l'encontre de ces titres, et qu'il a réglé les sommes alors mises à sa charge. Dans ces conditions, à la date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Bordeaux, le 27 janvier 2020, ces titres exécutoires, dont l'objet est exclusivement pécuniaire, étaient devenus définitifs. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que l'expiration du délai de recours en annulation des titres exécutoires en litige, dont l'objet est purement pécuniaire, faisait obstacle à ce que M. B... présente des conclusions indemnitaires ayant la même portée. M. B... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'il n'a pas formé de recours en annulation contre les titres exécutoires émis entre 2015 et 2017 pour soutenir que les premiers juges ne pouvaient lui opposer les dispositions précitées. Par suite, en l'absence de circonstances particulières, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux, qui a suffisamment motivé son jugement sur ce point, a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures à l'indemniser du préjudice résultant du paiement des redevances mises à sa charge par les divers titres exécutoires émis pour les années 2015 à 2017 comme étant irrecevables.

En ce qui concerne les conclusions relatives au titre exécutoire émis au titre de l'année 2018 :

11. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

12. Il résulte de l'instruction que les conclusions indemnitaires présentées par M. B..., à raison du préjudice subi par le paiement des titres exécutoires émis à son encontre pour l'année 2018, n'ont pas été précédées d'une réclamation préalable. Contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance que les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales prévoient un recours juridictionnel direct pour contester un titre exécutoire ne le dispensait pas d'adresser une telle réclamation à l'administration pour sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant des fautes liées à l'émission de ce titre exécutoire, qui constitue un litige distinct des conclusions à fin d'annulation ou de décharge. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté ces conclusions comme irrecevables.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la saisie administrative à tiers détenteur :

13. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les conclusions à fin d'annulation de la saisie administrative à tiers détenteur, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel. Par suite, elles sont irrecevables et doivent être rejetées comme telles.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation des titres exécutoires et de décharge :

14. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " Peuvent faire l'objet d'une association syndicale de propriétaires la construction, l'entretien ou la gestion d'ouvrages ou la réalisation de travaux, ainsi que les actions d'intérêt commun, en vue : / a) De prévenir les risques naturels ou sanitaires, les pollutions et les nuisances ; / b) De préserver, de restaurer ou d'exploiter des ressources naturelles ; / c) D'aménager ou d'entretenir des cours d'eau, lacs ou plans d'eau, voies et réseaux divers ; / d) De mettre en valeur des propriétés. ". Aux termes de l'article 4 des statuts de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures : " l'association a pour objet : - la réalisation de travaux pour la mobilisation de la ressource en eau et la construction de réseaux de distribution d'eau brute ; - l'entretien, la gestion et la mise en valeur des ouvrages réalisé ; -l'exécution de travaux complémentaires, de grosses réparation, d'amélioration ou d'extension qui pourrait ultérieurement être reconnu utile (...) ".

15. L'article 31 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 précitée prévoit que : " I. Les ressources d'une association syndicale autorisée comprennent : / 1° Les redevances dues par ses membres ; (...) / II. Les redevances syndicales sont établies annuellement et réparties entre les membres en fonction des bases de répartition des dépenses déterminées par le syndicat. Ces bases tiennent compte de l'intérêt de chaque propriété à l'exécution des missions de l'association (...) ". Aux termes de l'article 26 du décret du 3 mai 2006 pris pour l'application de cette ordonnance : " Le syndicat délibère notamment sur : / (...) d) Le rôle des redevances syndicales et les bases de répartition des dépenses entre les membres de l'association prévues au II de l'article 31 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 susvisée ". Aux termes de l'article 51 du même décret : " Lors de sa première réunion et de toute modification ultérieure, le syndicat élabore un projet de bases de répartition des dépenses entre les membres de l'association, accompagné d'un tableau faisant état pour chaque membre de la proportion suivant laquelle il contribue et d'un mémoire explicatif indiquant les éléments de ses calculs et assorti le cas échéant d'un plan de classement des propriétés en fonction de leur intérêt à l'exécution des missions de l'association et d'un tableau faisant connaître la valeur attribuée à chaque classe ".

16. L'article 13 " Voies et moyens nécessaires pour subvenir à la dépense " des statuts de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures, prévoit que " Les recettes comprennent : / - les redevances dues par ses membres (...). / Les redevances syndicales sont établies annuellement et sont dues par les membres appartenant à l'association au 1er janvier de l'année de leur liquidation (...) ". Et aux termes du point 3-3 " Volumes " du règlement intérieur de l'ASA prévoit que : " Pour les adhérents desservis par le réseau l'Etang des Faures, l'ASA affecte un volume utilisable (quota) par souscription et par quinzaine. Ce quota peut être amené à évoluer d'une quinzaine à l'autre en fonction de la ressource disponible. / Au-delà de ce quota, le prix au m3 sera majoré de la façon suivante : / - pour les dépassement inférieurs ou égaux à 150 m3/ha souscrits, le prix du m3 sera multiplié par 3 ; / - pour tous dépassements supérieurs à 150 m3/ha souscrits ; le prix du m3 sera multiplié par 5 (...) ". Par ailleurs, le point 7-1 " Redevance " de ce règlement intérieur prévoit que : " La redevance pour le service rendu par l'association se compose de 3 termes : / -une redevance d'investissement perçue lors de la réalisation de travaux initiaux (...) ou annuellement pour le remboursement des emprunts correspondants ; / - une redevance annuelle permettant de couvrir les charges fixes de fonctionnement (...). Elle sera appelée au prorata des souscriptions de chaque adhérent ; / - une redevance proportionnelle au volume d'eau utilisé permettant de couvrir les charges variables de fonctionnement (...). Elle sera appelée en fin de saison d'irrigation en fonction de la consommation réelle ".

17. Enfin, aux termes du point 1-4 " Nouvelles adhésions " du règlement intérieur précité : " La signature d'un bulletin d'adhésion ou d'un acte d'engagement est la condition préalable à toute nouvelle adhésion / L'acte d'engagement est signé par le propriétaire du fonds concerné et porte indications des biens à souscrire. Il implique sans réserve l'acceptation du présent règlement, des statuts et des décisions du Syndicat, existants ou à venir (...) ".

18. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'association syndicale est seule compétente pour fixer les bases de la répartition des dépenses entre les membres de l'association, en tenant compte de l'intérêt de chaque propriété à l'exécution des missions de l'association. Aucun autre mode de fixation des dépenses n'est prévu par aucune disposition législative ou réglementaire. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. B... a signé un bulletin d'adhésion à l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures le 1er janvier 1994. L'appelant n'établit pas ne pas en être le signataire, alors en tout état de cause qu'il ne précise pas quelle personne aurait pu apposer sa signature sur ce bulletin. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient M. B..., ce dernier a bien accepté le règlement et les statuts de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures, qui lui sont dès lors applicables.

19. Pour contester le titre exécutoire d'un montant de 3 692,94 euros correspondant à la redevance syndicale due au titre de sa consommation d'eau pour l'année 2019, M. B... se prévaut des stipulations de la convention de vente conclue le 30 décembre 1982 entre les époux A..., anciens propriétaires de ses parcelles, et la SAFER, lesquelles ont été reprises dans le contrat de vente du 2 mars 1994 par lequel l'appelant a acquis ces parcelles. Le requérant soutient à cet égard que les modalités de calcul de la redevance d'irrigation ont été fixées arbitrairement pas l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures, en méconnaissance des règles fixées par la convention du 30 décembre 1982. Toutefois, cette convention, qui précise seulement que " le débit total utilisable simultanément étant limité à 100 M3/H sur la totalité de cette surface, sans limitation de volume sauf cas de force majeure ", ne définit pas de modalités particulières de calcul du montant de la redevance d'irrigation due par l'appelant. Le règlement de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures définit quant à lui ces modalités avec suffisamment de précision. A cet égard, il résulte de l'instruction que l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures divise le montant des dépenses affectées à l'eau par le volume d'eau consommé par l'ensemble de ses adhérents, afin de déterminer un prix au m3, qu'elle répercute alors sur ses membres en fonction des volumes réellement consommés par chacun. Le règlement intérieur prévoit également que l'ASA affecte un volume utilisable (quota) par souscription et par quinzaine, au-delà duquel est appliqué un coefficient multiplicateur par m3 supplémentaire consommé. La circonstance que M. B... n'aurait jamais fait l'objet d'avertissements relatifs à un dépassement des quotas fixés est par ailleurs sans incidence sur la réalité des volumes d'eau consommés par l'intéressé, et des dépassements de quotas, retranscrits dans les relevés de bornes produits par le requérant lui-même. Enfin, si M. B... conteste les méthodes de calcul de la redevance d'irrigation, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elles auraient été arbitrairement fixées par l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures.

20. Pour contester le titre exécutoire émis à son encontre au titre des frais de fonctionnement de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures pour l'année 2019 d'un montant de 2 152,80 euros, M. B... se prévaut de la convention du 30 décembre 1982, reprise dans l'acte de vente du 2 mars 1994, laquelle prévoit que " Monsieur et Madame A... ou leurs ayants droit n'auront pas à acquitter la quote-part de redevance relative à l'amortissement des travaux d'infrastructure supportés par l'association ; ils acquitteront seulement la quote-part de la redevance concernant les frais de pompages et l'entretien des installations ". Ces dispositions se bornent toutefois à exempter les époux A... et leurs ayants-droits du paiement de la quote-part de redevance relative à l'amortissement des travaux d'infrastructures supportés dans le cadre de la construction de la réserve d'eau ayant justifié l'achat des terrains en litige en 1982. Elles n'ont ainsi pas pour effet d'exonérer M. B... du paiement de la redevance annuelle permettant de couvrir les charges fixes de fonctionnement, appelée au prorata des souscriptions de chaque adhérent, prévue au point 7.1 du règlement intérieur de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'est pas tenu de participer aux frais fixes de fonctionnement de l'ASA d'irrigation de l'Etang des Faures.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L, 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association syndicale autorisée d'irrigation de l'Etang des Faures, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à l'association syndicale autorisée d'irrigation de l'Etang des Faures.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00483


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00483
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22bx00483 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award