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26/03/2024 | FRANCE | N°22BX00247

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 26 mars 2024, 22BX00247


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une réclamation adressée le 5 mars 2019 à la direction régionale des finances publiques de La Réunion, transmise au tribunal par application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, M. C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 pour des montants de 146 417 euros en droits et de 25 5

02 euros en pénalités.



Par un jugement n° 1901195 du 19 octobre 2021, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une réclamation adressée le 5 mars 2019 à la direction régionale des finances publiques de La Réunion, transmise au tribunal par application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, M. C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 pour des montants de 146 417 euros en droits et de 25 502 euros en pénalités.

Par un jugement n° 1901195 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Ratinaud, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 19 octobre 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 pour des montants de 146 417 euros en droits et 25 502 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le droit de reprise de l'administration fiscale était prescrit lorsqu'elle a adressé sa proposition de rectification en application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ; en l'absence d'engagement initial de location, joint aux déclarations de revenus, ils ne peuvent être soumis à la prescription spéciale de l'article 199 undecies A ; la demande de l'inspectrice formée le 6 octobre 2016 et la communication de l'engagement de location par leurs soins, n'ont pu avoir pour effet de rouvrir des périodes dont la prescription était déjà acquise ;

- la condition de la location effective pendant six ans a été respectée ;

- la majoration de 10 % de l'article 1758 A n'est pas motivée et n'est pas justifiée ; lors de la souscription des déclarations des années 2009 à 2013, une inexactitude ou une omission ne peut leur être reprochée puisqu'à la date de chacune de ces souscriptions, le manquement considéré n'était pas encore intervenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2022, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le litige porte sur une somme de 171 919 euros au titre de l'année 2014 ;

- le moyen relatif à l'application de pénalités est soulevé pour la première fois devant la cour ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 septembre 2023 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont acquis le 31 décembre 2009 un appartement à La Possession, qu'ils ont donné en location par deux baux successifs du 1er janvier 2010 au 9 décembre 2014 et à compter du 1er mars 2016. Ils ont sollicité le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 undecies A du code général des impôts. Ces réductions d'impôt ont été imputées sur les montants d'impôt sur le revenu qu'ils ont acquittés au titre des années 2009 à 2013. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a toutefois remis en cause, par une proposition de rectification du 11 janvier 2017, cet avantage fiscal au motif que les intéressés n'avaient pas respecté l'engagement de location continue pendant la période de six ans mentionnée au 2 de l'article 199 undecies A. Les cotisations supplémentaires correspondantes d'impôt sur le revenu, assorties de l'intérêt de retard et de la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts, ont été mises à la charge des contribuables au titre de l'année 2014. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 19 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 pour un montant total de 171 919 euros.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 199 undecies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui investissent dans les départements d'outre-mer, (...), entre la date de promulgation de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer et le 31 décembre 2017./ 2. La réduction d'impôt s'applique : (...) / b) Au prix de revient de l'acquisition ou de la construction régulièrement autorisée par un permis de construire d'un immeuble neuf situé dans les départements (...) visés au 1, que le propriétaire prend l'engagement de louer nu dans les six mois de l'achèvement ou de l'acquisition si elle est postérieure pendant cinq ans au moins à des personnes, autres que son conjoint ou un membre de son foyer fiscal, qui en font leur habitation principale ; (...) / 2. Le loyer et les ressources du locataire n'excèdent pas des plafonds fixés par décret. (...) / 6. (...) Pour les investissements visés aux b, c, d, f, g et h du 2, elle est effectuée pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure, (...) Chaque année, la base de la réduction est égale, (...) pour les investissements visés aux b, c, d, e, f, g et h du 2, à 20 % des sommes effectivement payées au 31 décembre de l'année au cours de laquelle le droit à réduction d'impôt est né. /(...) La réduction d'impôt est égale (...) à 40 % de la même base pour les investissements mentionnés aux b, c et d du 2. / (...)/ Pour les investissements mentionnés aux b, c et d du 2, la réduction d'impôt est portée à 50 % si les conditions suivantes sont réunies : /1° Le contribuable ou la société s'engage à louer nu l'immeuble dans les six mois de son achèvement ou de son acquisition si elle est postérieure et pendant six ans au moins à des personnes qui en font leur habitation principale. En cas de souscription au capital de sociétés visées aux c et d du 2, le contribuable s'engage à conserver ses parts ou actions pendant au moins six ans à compter de la date d'achèvement des logements ou de leur acquisition si elle est postérieure ; (...) /7. En cas de non-respect des engagements mentionnés aux 2 et 6, ou de cession ou de démembrement du droit de propriété, dans des situations autres que celle prévue au 3, de l'immeuble ou des parts et titres, ou de non-respect de leur objet exclusif par les sociétés concernées, ou de dissolution de ces sociétés, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités. (...) " et aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

3. Il résulte des termes mêmes du b du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts que le bénéfice de la réduction d'impôt sur le revenu qu'il prévoit est subordonné à la condition que le propriétaire de l'immeuble prenne l'engagement de le louer nu dans les six mois de son achèvement, ou de son acquisition si elle est postérieure, pendant cinq ans au moins à des personnes qui en font leur habitation principale. Dès lors, le bénéfice de cette réduction d'impôt est subordonné, non seulement à l'affectation du bien à une location non meublée à usage de résidence principale dans un délai de six mois à compter de l'achèvement ou de l'acquisition de l'immeuble neuf concerné, mais aussi à la souscription préalable d'un engagement dont l'absence entraîne la reprise annuelle des réductions d'impôt jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant chacune de celles au titre de laquelle le contribuable a bénéficié de cet avantage fiscal.

4. Aux termes de l'article 46 AG quaterdecies de l'annexe III au code général des impôts : " Le contribuable doit joindre à sa déclaration de revenus de l'année au titre de laquelle il demande le bénéfice de la réduction d'impôt les documents suivants : (...) / II. Lorsque le logement neuf est destiné à la location :/ 1. L'engagement prévu au b du 2 ou au 1° du 6 de l'article 199 undecies A du code général des impôts qui comporte les éléments définis aux a, b, c et d du I (...) ". Il résulte de l'article 46 AG quaterdecies de l'annexe III au code général des impôts que, dès lors qu'un contribuable revendique, pour une année déterminée, le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies A du code général des impôts, il doit, en principe, joindre à la déclaration de revenus souscrite une copie de l'engagement de location mentionné par cet article. Toutefois, ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire au contribuable qui aurait omis de joindre la copie de cet engagement à sa déclaration de revenus de régulariser sa situation dans l'un ou l'autre des délais de réclamation prévus aux articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales.

5. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification en date du 11 janvier 2017 que les requérants ont mentionné sur leurs déclarations de revenus des années 2009 à 2013 des réductions d'impôt liées à la réalisation d'un investissement outre-mer dans le secteur du logement intermédiaire suite à l'acquisition, le 31 décembre 2009, d'un appartement situé rue Raymond Barre-résidence Grand Domaine des Vavangues II à La Possession. L'administration fiscale a remis en cause les réductions d'impôt ainsi accordées au motif du défaut de respect de l'engagement de location du bien immobilier, resté vacant du 9 décembre 2014 au 1er janvier 2016.

6. En premier lieu, les requérants soutiennent, qu'en l'absence d'engagement initial de location, joint aux déclarations de revenus, l'administration ne pouvait leur opposer le délai de prescription spécial prévu au 7° de l'article 199 undecies A du code général des impôts. Il est toutefois constant que M. B... a, en réponse à une demande de renseignements du 6 octobre 2016, fourni lui-même l'engagement de location exigé de l'article 199 undecies A du code général des impôts établi le 1er janvier 2010, alors que le logement qu'il avait acquis le 31 décembre 2009 et qui était achevé depuis cette même date était loué depuis le 1er janvier 2010. Dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant entendu bénéficier du dispositif de réduction d'impôt sur le revenu prévu par les dispositions précitées de l'article 199 undecies A du code général des impôts.

7. Dans l'hypothèse d'une rupture de l'engagement avant l'échéance légale, les réductions d'impôt sur le revenu dont a bénéficié le contribuable l'année au cours de laquelle l'engagement a été rompu et, le cas échéant, les années antérieures, font l'objet d'une reprise globale au titre de l'année de rupture. Celles pratiquées au titre des années postérieures font l'objet d'une reprise annuelle au titre de chacune des années concernées.

8. Il résulte des dispositions précitées du 7 de l'article 199 undecies A du code général des impôts que la méconnaissance des engagements initialement contractés par les contribuables en application du 2 de ce même article constitue le fait générateur de l'imposition résultant de la remise en cause du droit à réduction d'impôt, à hauteur des déductions d'ores et déjà pratiquées sur l'impôt brut dû par celui-ci. Par suite, le délai de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales court à compter de l'année où survient la méconnaissance de ces engagements et non de celle au titre de laquelle a déjà été utilisée, pour le calcul de l'impôt dû, une fraction de la réduction d'impôt.

9. Par suite et alors que l'expiration du délai de six mois de mise en location prévu à l'article 199 undecies A est intervenue en 2014, l'administration pouvait, par la voie d'une notification adressée avant le 31 décembre 2017, reprendre, au titre des années 2009 à 2013, la fraction des réductions d'impôt utilisée pour le calcul de l'impôt dû en 2014 par les appelants. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'imposition en litige serait, en tant qu'elle procède à cette reprise, atteinte par la prescription doit être écarté.

10. En second lieu, M. et Mme B... soutiennent avoir respecté la condition tenant à la location effective de leur appartement pendant une durée continue de six ans au moins. Ils produisent ainsi pour la première fois en appel des pièces justifiant de sa mise à disposition à titre gratuit, en vertu d'un bail précaire, conclu avec M. A..., qui atteste, le 26 janvier 2017, avoir occupé le bien du 9 janvier au 15 octobre 2015. Toutefois, un logement mis à la disposition gratuite d'un tiers ne saurait être regardé comme loué au sens de l'article 199 undecies A du code général des impôts. Au surplus, l'administration fiscale fait valoir sans être contestée que M. A... ne remplissait pas les conditions de ressources prévues au 6° de l'article 199 undecies A du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé à M. et Mme B... les réductions d'impôt demandées.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits mis à la charge du contribuable ou de la créance indue. (...) ".

12. La proposition de rectification mentionne, dans un paragraphe spécifiquement consacré aux pénalités, les circonstances de fait et de droit ayant conduit à appliquer celles-ci, en indiquant qu'elles découlent des droits supplémentaires dus au titre de l'année 2014, qu'elles sont fondées sur les dispositions précitées de l'article 1758 A du code général des impôts, et en précisant sont montant. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation des pénalités appliquées sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts manque en fait.

13. L'application erronée par M. et Mme B... de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies A du code général des impôts constitue une inexactitude de déclaration qui a eu pour effet de minorer l'impôt. C'est, dès lors, à bon droit qu'une majoration de 10 % de la cotisation supplémentaire mise à la charge des contribuables au titre de l'année 2014 a été appliquée par l'administration fiscale sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts, en dépit du respect par les requérants de leurs obligations déclaratives.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander la décharge des suppléments d'imposition litigieux.

Sur les frais de l'instance :

15. L'Etat n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. et Mme B... relatives aux frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mars 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00247


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00247
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : RATINAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22bx00247 ?
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