Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour pour une durée de deux ans, et d'enjoindre sous astreinte au préfet de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2302587 du 4 juillet 2023, le tribunal a annulé l'interdiction
de retour et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 août 2023, Mme A..., représentée par Me Aymard, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation des décisions du 18 avril 2023 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français
du 18 avril 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt
à intervenir, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- le tribunal a commis une erreur de droit en lui opposant qu'elle ne disposerait pas des qualifications requises pour les emplois ayant donné lieu à des demandes d'autorisation de travail, alors que cette condition ne s'applique pas aux demandes présentées sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; au demeurant, elle dispose d'une expérience professionnelle en qualité d'employée de restauration et d'agent des services hospitaliers, emplois qui ne nécessitent aucun diplôme ou qualification ;
- le tribunal a commis une seconde erreur de droit en retenant qu'elle ne démontrait pas que les employeurs ne seraient pas parvenus à recruter un candidat présent sur le marché du travail, alors que la situation de l'emploi n'est pas opposable dans le cadre des demandes d'admission exceptionnelle au séjour ; au surplus, l'emploi proposé par la société OTM figure sur la liste des métiers ouverts aux ressortissants sénégalais sans que soit opposable la situation de l'emploi ;
- elle réside en France depuis plus de onze ans, elle a quitté le Sénégal afin d'échapper à un mariage forcé avec le frère de son époux décédé, ses deux enfants dont l'un réside au Maroc sont majeurs, ses parents sont décédés, et elle entretient une relation amoureuse avec un ressortissant français, de sorte qu'elle a en France le centre de ses intérêts privés et familiaux ; sa promesse d'embauche en qualité d'employée de restauration par la société OTM a été réitérée à plusieurs reprises, elle a travaillé en qualité d'agente hospitalière, et le GIE Loghos a présenté une demande d'autorisation de travail à son bénéfice ; elle justifie d'une ancienneté de travail, et n'a utilisé une fausse carte d'identité que dans le but de travailler ; dans ces circonstances, le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- dès lors qu'elle a le centre de ses intérêts privés en France où elle réside depuis plus de dix ans, la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à son mémoire présenté en première instance, qu'il produit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Aymard, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité sénégalaise, a déclaré être entrée en France
le 7 décembre 2010. Elle a fait l'objet d'un premier refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français par un arrêté du préfet de la Gironde du 11 juin 2014,
à l'encontre duquel elle a présenté un recours contentieux rejeté en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 14BX03354 du 16 avril 2015. Par un arrêté
du 20 avril 2021, la préfète de la Gironde a rejeté sa seconde demande de titre de
séjour présentée à titre exceptionnel sur le fondement des dispositions alors applicables
de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. Par un arrêt n° 22BX00131 du 11 octobre 2022, la cour a annulé cet arrêté pour irrégularité de la procédure d'instruction de la demande de titre de séjour en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, et a enjoint à l'administration de prendre une nouvelle décision. Après réexamen, le préfet de la Gironde a pris un arrêté du 18 avril 2023 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour pour une durée de deux ans, que Mme A... a attaqué devant le tribunal administratif de Bordeaux. Elle relève appel du jugement du 4 juillet 2023 par lequel le tribunal a seulement annulé l'interdiction de retour, en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...). "
3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " est envisageable. Un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ne saurait être regardé, par principe, comme attestant des " motifs exceptionnels " exigés par la loi.
4. Mme A..., qui résidait en France depuis plus de douze ans à la date de la décision attaquée, se prévaut d'une relation amoureuse depuis trois ans avec un ressortissant français, dont l'attestation peu circonstanciée indique qu'ils ne vivent pas ensemble et ne précise pas à quelle fréquence ils se rencontrent, de sorte que l'existence de liens stables et intenses n'est pas caractérisée. Quand bien même elle aurait conservé de mauvais souvenirs de son pays d'origine qu'elle aurait fui en 2006 pour échapper à un mariage forcé avec le frère de son époux décédé, elle n'établit ni même n'allègue qu'un tel risque serait encore d'actualité, et elle n'est pas totalement dépourvue d'attaches au Sénégal où réside l'un de ses deux fils désormais adultes, ainsi que ses parents, comme elle l'a indiqué dans le formulaire renseigné le 6 mars 2023 dans
le cadre du réexamen de sa situation. Si elle soutient en appel que ses parents seraient décédés,
elle n'en apporte aucun commencement de preuve. Il ressort des pièces du dossier
que lorsque Mme A... a travaillé en qualité d'agent de service entre le 23 décembre 2014 et
le 15 novembre 2018, elle faisait usage d'une fausse carte de résident, ce qui a conduit à son licenciement et à un premier signalement au procureur de la République, le 25 octobre 2019, par le référent fraude de la préfecture de la Gironde. Peu après, Mme A... a fait usage d'une fausse carte d'identité italienne pour tenter de s'inscrire auprès de Pôle Emploi, ce qui a conduit à un second signalement le 2 mars 2020, et elle a été condamnée à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis pour détention et usage de faux document administratif par un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 7 juin 2021. Dans ces circonstances, et alors même que Mme A... a travaillé régulièrement de janvier à avril 2023 en qualité d'employée de service hôtelier dans une clinique, qu'une demande d'autorisation de travail a été déposée à son bénéfice par son employeur, qu'elle a présenté des promesses d'embauche et que la commission du titre de séjour a émis le 8 mars 2023 un avis favorable à la régularisation de sa situation motivé par sa volonté et ses capacités d'insertion, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que son admission au séjour ne se justifiait pas au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels.
5. En second lieu, si les premiers juges ont relevé à titre superfétatoire qu'il ne ressortait des pièces du dossier ni que Mme A... disposerait des qualifications et diplômes requis pour les emplois correspondant aux promesses d'embauche, ni que les employeurs en cause ne seraient pas parvenus à recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail, la requérante ne peut utilement faire valoir qu'ils auraient ainsi commis des erreurs de droit, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, ils ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'admission au séjour ne se justifiait pas au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si Mme A... résidait en France depuis plus de douze ans à la date de l'obligation de quitter le territoire français, à la faveur de l'usage de faux documents d'identité, elle ne s'y prévaut d'aucune autre attache qu'une relation amoureuse dont elle ne démontre pas la stabilité et l'intensité, ainsi qu'il est exposé au point 4. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut être accueilli.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 27 février 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.
La rapporteure,
Anne B...
La présidente,
Catherine GiraultLe greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX02192