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21/03/2024 | FRANCE | N°22BX00193

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 21 mars 2024, 22BX00193


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... D... et Mme A... B..., agissant en leurs noms propres et en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, M. C... D..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier (CH) Charles Perrens à Bordeaux à leur verser une somme de 11 000 euros en réparation de leurs préjudices.



Dans une demande distincte, ils ont demandé au tribunal de condamner le département de la Gironde à leur verser la somme de 11 220

euros en réparation de leurs préjudices.



Par un jugement n° 2002908, 2002945 du 2 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... et Mme A... B..., agissant en leurs noms propres et en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, M. C... D..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier (CH) Charles Perrens à Bordeaux à leur verser une somme de 11 000 euros en réparation de leurs préjudices.

Dans une demande distincte, ils ont demandé au tribunal de condamner le département de la Gironde à leur verser la somme de 11 220 euros en réparation de leurs préjudices.

Par un jugement n° 2002908, 2002945 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint les deux affaires, a condamné, d'une part, le centre hospitalier Charles Perrens à verser à Mme B... une somme de 3 600 euros, à M. E... D... une somme de 600 euros et à M. C... D... une somme de 4 200 euros, et, d'autre part, le département de la Gironde à verser aux trois demandeurs, respectivement, les sommes de 900 euros, 900 euros et 1 800 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, le centre hospitalier Charles Perrens, représenté par la SELARL Racine, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux

du 2 novembre 2021 en tant qu'il l'a condamné à indemniser M. D..., Mme B...

et leur fils ;

2°) de rejeter les demandes de Mme B... et de M. D... ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions les sommes allouées ;

4°) de mettre à la charge solidaire de M. D... et de Mme B... la somme

de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'état de l'enfant C... justifiait son hospitalisation en pédiatrie au CHU Pellegrin, compte tenu de ses pleurs incessants qui pouvaient laisser craindre qu'il présente une pathologie non identifiée par sa mère ; cette admission au CHU a été faite sur le fondement de l'article R. 1112-13 du code de la santé publique, permettant de dispenser des soins urgents ; aucune contrainte n'a été exercée, l'accueil de la famille au sein de ce service ayant été accepté à compter du 30 octobre 2019 ; les termes du signalement effectué

le 31 octobre 2019 ne permettent pas d'établir le contraire, mais seulement le fait que Mme B... n'entendait pas les inquiétudes formulées par l'équipe médicale ; Mme B... a seulement refusé d'être hospitalisée avec son fils au sein du service de psychiatrie périnatale ; dès lors que cet accueil a été réalisé au CHU et non au sein du centre hospitalier

Charles Perrens, cette mesure ne peut en tout état de cause pas être regardée comme une mesure de contrainte ; si l'hospitalisation s'est poursuivie au-delà du 31 octobre, ce n'est pas de la responsabilité du centre hospitalier qui a seulement demandé à la cellule de recueil de traitement et d'évaluation (CRIP) du département de la Gironde une ordonnance de placement provisoire dans l'attente d'un retour de la commission technique paritaire

du 5 novembre suivant ; au vu de ce signalement, la décision finale relevait donc soit de la CRIP, soit du Procureur de la République ; c'est donc à tort que le tribunal a retenu une faute à son encontre ;

- la demande indemnitaire en tant qu'elle concerne les conditions de l'hospitalisation de Mme B... au CHU à compter du 30 octobre 2019 est mal dirigée, dès lors que le centre hospitalier Charles Perrens n'avait ni la garde de Mme B... et de son fils, ni la responsabilité de la prise en charge médicale ;

- à supposer que la famille soit regardée comme ayant été maintenue hospitalisée pendant une période de six jours, elle ne peut être indemnisée pour un préjudice moral à avoir subi une séparation, celle-ci n'ayant pas eu lieu ;

- l'indemnisation allouée en première instance est manifestement surévaluée, dès lors que les demandeurs n'établissent pas la réalité des préjudices allégués ; alors que l'enfant n'a jamais été séparé de sa mère, il n'est pas démontré qu'il lui aurait été infligé un sevrage brutal ; la dégradation de son état de santé et son lien avec le placement ne sont pas davantage établis ; en tout état de cause, cela n'est pas de nature à caractériser un préjudice moral ; s'agissant du préjudice allégué par les parents, l'existence d'un préjudice n'est pas démontrée, d'autant que la situation de stress ressentie peut aussi résulter de l'état de santé fluctuant et imprévisible de Mme B... ; la réparation ne pouvant porter sur les conséquences du maintien d'une hospitalisation dans un autre établissement, l'indemnisation allouée ne saurait dépasser 500 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2023, M. D... et Mme B..., agissant en leurs noms propres et en tant que représentants légaux de leur fils, représentés par Me Dufraisse, concluent au rejet de la requête et demandent, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes dirigées contre le centre hospitalier Charles Perrens, la condamnation de ce dernier à leur verser la somme de 11 000 euros et à ce que soit mise à sa charge la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils font valoir que :

- l'hospitalisation s'est faite sous contrainte, sans fondement légal ; les termes du signalement ne laissent aucun doute sur la contrainte exercée sur Mme B... qui ne souhaitait pas rester à l'hôpital, et sur le fait que son enfant était placé ; cette hospitalisation s'est faite à la demande du centre hospitalier, alors que l'enfant ne souffrait d'aucun problème de santé, comme le démontre le certificat médical du 6 novembre 2019 ;

- contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, l'article R. 1112-13 du code de la santé publique ne peut servir de fondement à des soins dont l'enfant n'avait pas besoin (et qui au demeurant n'ont pas eu lieu), dès lors que cette disposition permet seulement des soins en urgence sans connaître l'identité du patient ou sa protection sociale ;

- le signalement qui a été effectué revêt un caractère abusif, dès lors qu'aucun problème médical n'avait été constaté sur l'enfant et qu'aucun diagnostic psychiatrique n'avait été posé sur sa mère ; le seul fait que M. D... n'a pas répondu au téléphone ne peut justifier un placement ; cette séparation de l'enfant et de ses parents a occasionné des traumatismes ; d'ailleurs, l'assistante sociale auteure du signalement a demandé, dès le lendemain de l'ordonnance de placement provisoire, de revenir dessus ; l'expertise psychiatrique de Mme B..., demandée par la juge des enfants, n'a fait ressortir aucun problème comportemental avec son enfant et a seulement indiqué qu'un suivi psychologique pouvait être bénéfique ; l'absence de diagnostic avant le signalement est une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ; aucun mauvais traitement ni sévices n'a jamais été constaté ;

- compte tenu du sevrage brutal que l'enfant a subi, de son changement de comportement une fois qu'il a retrouvé ses parents, susceptible de révéler une dépression, de son état de santé détérioré à son retour, de la perte de confiance de la famille dans les institutions et de l'anxiété et du stress subis par la famille, l'indemnisation est justifiée à hauteur des sommes demandées.

Par une ordonnance du 25 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 25 octobre 2023.

Par une décision du 16 mars 2023, M. D... a obtenu le maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordée par décision du 19 août 2020.

Par une ordonnance du président de la cour du 3 avril 2023, Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par lettre du 6 février 2024, les parties ont été informées, en application de

l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires de Mme B... et de M. D... relatives au caractère non fondé du signalement, effectué le 31 octobre 2019 par la psychiatre et l'assistante sociale, à propos de la situation de l'enfant C..., non détachable de la procédure judiciaire de placement, dès lors qu'elles sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Des observations, présentées pour Mme B... et M. D..., ont été enregistrées le 12 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Caijeo, représentant le centre hospitalier Charles Perrens et celles de Me Dufraisse, représentant Mme B... et M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a accouché de son fils, C..., le 18 juillet 2019 à la maternité du CHU Pellegrin à Bordeaux. En raison d'une tristesse de l'humeur, de troubles du sommeil, d'idées suicidaires et d'une inquiétude envahissante pour l'avenir du fait notamment de la précarité de sa situation sociale, ainsi que de celle de son compagnon, M. D..., tous deux ressortissants guinéens demandeurs d'asile, anxiété se traduisant notamment par une importante perte de poids, Mme B... a bénéficié durant sa grossesse d'un suivi par l'équipe du Réseau de psychiatrie périnatale du centre hospitalier Charles Perrens à Bordeaux. Ce suivi s'est poursuivi après la naissance de l'enfant. Le 24 juillet 2019, la psychiatre de cet établissement hospitalier a informé la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être (CRIP) du département de la Gironde de la situation de l'enfant C.... A compter du 5 août 2019, Mme B... a également été prise en charge par l'hôpital de jour de l'unité mère-enfant du service de psychiatrie périnatale, dans le cadre de fluctuations thymiques importantes avec idées suicidaires et gestes auto-agressifs. Le 31 octobre 2019, la psychiatre et l'assistante sociale qui suivaient la famille ont rédigé un signalement à l'attention de la CRIP et du Procureur de la République afin d'obtenir le placement de l'enfant. Le procureur de la République a pris, le 5 novembre 2019, une ordonnance de placement provisoire pour confier l'enfant aux services du conseil départemental, et le juge des enfants a été saisi le même jour. D'abord hospitalisé au CHU de Bordeaux, l'enfant a ensuite été placé auprès d'une assistante familiale le 12 novembre. Par une ordonnance du 19 novembre 2019, le juge des enfants a ordonné la mainlevée du placement, l'enfant étant restitué à ses parents sous conditions, et une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert a été mise en place pour une durée d'un an, non renouvelée par la suite.

2. Par courrier reçu le 9 mars 2020, Mme B... et M. D... ont demandé au centre hospitalier Charles Perrens de réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du signalement effectué le 31 octobre 2019 et des conséquences qui s'en sont suivies, notamment la séparation de l'enfant d'avec ses parents. Ils ont formulé la même demande auprès du département de la Gironde. Par un jugement n° 2002908, 2002945, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné, d'une part, le centre hospitalier Charles Perrens à verser à Mme B... une somme de 3 600 euros, à M. E... D... une somme de 600 euros et à M. C... D... une somme de 4 200 euros, et, d'autre part, le département de la Gironde à verser aux trois demandeurs, respectivement, les sommes de 900 euros, 900 euros et 1 800 euros. Le centre hospitalier Charles Perrens relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à indemniser les demandeurs. Mme B... et M. D... demandent, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions dirigées contre l'hôpital.

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

En ce qui concerne le signalement :

3. Aux termes de l'article R. 4127-44 du code de la santé publique : " Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. / Lorsqu'il s'agit d'un mineur ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience. "

4. Sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'État ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative. En revanche, celle-ci ne saurait connaître de demandes tendant à la réparation d'éventuelles conséquences dommageables des actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci, lesquels ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire.

5. Aux termes de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles : " Le président du conseil départemental est chargé du recueil, du traitement et de l'évaluation, à tout moment et quelle qu'en soit l'origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être. Le représentant de l'Etat et l'autorité judiciaire lui apportent leur concours. / Des protocoles sont établis à cette fin entre le président du conseil départemental, le représentant de l'Etat dans le département, les partenaires institutionnels concernés et l'autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein d'une cellule de recueil, de traitement et d'évaluation de ces informations. (...) ". Aux termes de l'article R. 226-2-2 de ce code : " L'information préoccupante est une information transmise à la cellule départementale mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 226-3 pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d'un mineur, bénéficiant ou non d'un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l'être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l'être. / La finalité de cette transmission est d'évaluer la situation d'un mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. "

6. Aux termes du I de l'article L. 226-4 du même code : " Le président du conseil départemental avise sans délai le procureur de la République aux fins de saisine du juge des enfants lorsqu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du code civil et : / 1° Qu'il a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs actions mentionnées aux articles L. 222-3 et L. 222-4-2 et au 1° de l'article L. 222-5, et que celles-ci n'ont pas permis de remédier à la situation ; / 2° Que, bien que n'ayant fait l'objet d'aucune des actions mentionnées au 1°, celles-ci ne peuvent être mises en place en raison du refus de la famille d'accepter l'intervention du service de l'aide sociale à l'enfance ou de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de collaborer avec ce service ; / 3° Que ce danger est grave et immédiat, notamment dans les situations de maltraitance./ Il avise également sans délai le procureur de la République lorsqu'un mineur est présumé être en situation de danger au sens de l'article 375 du code civil mais qu'il est impossible d'évaluer cette situation (...) ". Aux termes de l'article 375 du code civil : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête (...) du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles. (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que lors du rendez-vous de Mme B... dans le service de psychiatrie du centre hospitalier Charles Perrens le 30 octobre 2019, dans le cadre du suivi de la famille organisé en raison de la fragilité psychologique de la mère, l'équipe soignante a constaté que l'enfant C... était très tendu, qu'il pleurait beaucoup sans être consolable et que sa mère paraissait en difficulté pour répondre à ses besoins, notamment avec des gestes brusques et un discours selon lequel elle ne comprenait pas son bébé. Les soignants ont essayé de joindre en vain M. D..., père de l'enfant. Le lendemain, après que Mme B... a accepté une hospitalisation dans le service de pédiatrie du CHU, l'équipe de psychiatrie périnatale du centre hospitalier Charles Perrens a rencontré l'équipe de pédiatrie qui lui a fait part d'une irritabilité de Mme B... et de propos agressifs de cette dernière à l'encontre de son enfant lorsqu'il se mettait à pleurer. Lors de leur entrevue avec Mme B..., les soignants ont constaté des comportements pouvant s'apparenter à une mise en danger de l'enfant lors de son bain. M. D... n'était toujours pas joignable au téléphone ce jour-là. Au vu de ces circonstances, les services du centre hospitalier Charles Perrens ont pu estimer nécessaire d'adresser un signalement à la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être (CRIP) du département de la Gironde, à propos de la situation de l'enfant C.... Par suite, en procédant à ce signalement, qui a conduit ensuite le président du conseil départemental à saisir le procureur de la République, le centre hospitalier n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne l'hospitalisation dans un service pédiatrique :

8. Ainsi qu'il a été dit, le 30 octobre 2019, lors de son hospitalisation de jour à l'unité Mère-Enfant du réseau de psychiatrie périnatale de l'hôpital Charles Perrens, Mme B... a été regardée par l'équipe soignante comme faisant preuve d'agitation et d'agressivité envers son fils. Les soignants ont essayé de joindre en vain M. D.... Ne souhaitant pas laisser repartir Mme B... dans cet état, ils lui ont proposé une hospitalisation dans le service de psychiatrie périnatale, qu'elle a refusée. Il résulte de l'instruction qu'elle a en revanche accepté une hospitalisation en urgence dans le service de pédiatrie du CHU Pellegrin, où elle a passé la nuit. Mme B... ayant réitéré le lendemain son refus d'être hospitalisée à l'hôpital

Charles Perrens, son fils et elle sont demeurés au CHU jusqu'au 5 novembre 2019, date à laquelle a été prise l'ordonnance de placement provisoire. Si les pièces produites font état de l'incompréhension qu'a pu exprimer M. D... s'agissant de l'hospitalisation de son fils et de sa compagne alors que, selon les équipes soignantes du service de pédiatrie du CHU, l'état de santé de C... ne nécessitait pas de soins particuliers, il n'est en revanche pas établi que Mme B... et son fils, qui au demeurant durant cette période n'ont jamais été séparés, auraient été retenus contre leur gré à la demande du centre hospitalier Charles Perrens dans ce service ouvert. Dans ces conditions, ce maintien dans le service pédiatrique du CHU ne saurait être regardé comme constitutif d'une voie de fait qu'aurait commise l'hôpital Charles Perrens en l'absence de tout titre autorisant légalement une telle pratique.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le centre hospitalier Charles Perrens à indemniser Mme B... et M. D..., au demeurant sur une prétendue hospitalisation d'office qu'il était incompétent pour indemniser au regard de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Charles Perrens, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... et M. D... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ces derniers la somme que le centre hospitalier demande au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 novembre 2021

est annulé en tant qu'il a condamné le centre hospitalier Charles Perrens à indemniser M. D... et Mme B... pour l'hospitalisation dont cette dernière a fait l'objet avec son fils.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... et M. D... devant le tribunal à l'encontre du centre hospitalier Charles Perrens et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Charles Perrens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Charles Perrens, à

M. E... D... et à Mme A... B.... Copie en sera adressée au département de

la Gironde.

Délibéré après l'audience du 27 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX00193


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00193
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : DUFRAISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;22bx00193 ?
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