Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Quadra Architectures a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 21 mai 2019 rejetant implicitement sa demande de résiliation du marché de maîtrise d'œuvre relatif à la réhabilitation de l'ancien tribunal de Saint-Pierre en centre d'arts plastiques et visuels, de constater l'existence d'une résiliation tacite de ce marché aux torts exclusifs du maitre d'ouvrage et de regarder en conséquence comme infondée la résiliation prononcée le 19 octobre 2020 par la commune de Saint-Pierre, de condamner solidairement la commune de Saint-Pierre et la société publique locale d'aménagement (SPL) Grand Sud à lui verser une somme de 164 142,16 euros hors taxe (HT) au titre des rémunérations complémentaires et une somme de 73 673,39 euros au titre des préjudices subis, de la décharger des réfactions et pénalités appliquées par le maître d'ouvrage, d'arrêter le solde du décompte de résiliation à la somme de 361 346 euros HT et de condamner la commune de Saint-Pierre et la SPL Grand Sud à lui verser une somme de 84 682,27 euros en règlement du marché.
Par un jugement n°s 1801163, 1901096, 1901348, 2100603 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a fixé le solde du marché à la somme de 37 679,71 euros HT au crédit de la commune de Saint-Pierre et de la SPL Grand Sud, a condamné la société Quadra Architectures à leur verser cette somme et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 26 février 2022, 4 octobre 2023 et 30 novembre 2023, la société Quadra Architectures, représentée Me Bourié, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 26 novembre 2021 ;
2°) de condamner solidairement la commune de Saint-Pierre et la SPL Grand Sud à lui verser une somme de 349 968,90 euros HT au titre du solde du marché, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2019 et capitalisation des intérêts ;
3°) de condamner solidairement la commune de Saint-Pierre et la SPL Grand Sud à lui verser une somme de 55 000 HT en réparation de ses préjudice moral et d'image, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2019 et capitalisation des intérêts ;
4°) de rejeter les conclusions reconventionnelles de la commune de Saint-Pierre et de la SPL Grand Sud ;
5°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Saint-Pierre et de la SPL Grand Sud une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la rédaction d'un nouveau document de consultation des entreprises (DCE) pour le lot n° 10 du marché n'était pas incluse dans son forfait de rémunération, l'article 2.7 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) limitant ses obligations à la réalisation d'un constat contradictoire, à la consultation des entreprises et au choix d'une nouvelle entreprise ; en confiant cette mission à la société Inset, le maître d'ouvrage a retiré au groupement de maîtrise d'œuvre une partie significative de sa mission en dépit du principe d'insécabilité des missions de maîtrise d'œuvre rappelé à l'article 7 de la loi " MOP " ; ce retrait caractérise une volonté non équivoque de mettre fin aux relations contractuelles et constitue ainsi une résiliation tacite intervenue en mars 2020 ;
- elle conteste la décision de résiliation prononcée à ses torts exclusifs par le maître d'ouvrage le 19 octobre 2020 ; cette décision est infondée ; elle n'a pas abandonné le chantier, mais s'est au contraire livrée à un suivi minutieux du chantier malgré l'absence de réévaluation de ses honoraires ; elle a en outre assisté le maître d'ouvrage lors des opérations de réception ;
- elle peut prétendre à une rémunération complémentaire au titre de la modification de programme ; les modifications apportées au projet s'agissant de la charpente l'ont conduite à réaliser une reprise des études, à déposer une demande de permis de construire modificatif et, plus généralement, ont allongé sa mission au-delà des échéances fixées contractuellement ; l'avenant n° 4 au marché la rémunère pour le dépôt du permis de construire modificatif et l'allongement de la durée du chantier à compter du 20 janvier 2018 ; or, l'indemnisation aurait dû porter sur 11 mois entre le 20 janvier 2018 et le 11 décembre 2018 ; elle aurait dû percevoir une rémunération complémentaire de 11 724,44 euros HT par mois, soit une somme totale de 128 968, 84 euros HT ;
- elle a droit à l'indemnisation des préjudices subis à raisons des fautes commises par la maîtrise d'ouvrage dans la gestion des contrats de travaux conclus pour le lot plomberie et le lot gros-œuvre et pour le suivi du chantier ; ces fautes sont la cause exclusive des retards dans la réalisation du chantier ;
- après prise en compte de la rémunération due par le marché et ses avenants, au titre de la prolongation de sa mission et au titre des modifications de programme, au titre des intérêts moratoires dus en raison de retards de paiement de factures et du coût de rédaction du mémoire en réclamation, et déduction faite des paiements effectués, le solde du marché doit être établi à 349 968, 90 euros HT à son crédit ; la commune de Saint Pierre et la SPL Grand Sud doivent être condamnées solidairement à lui verser cette somme ;
- elles doivent également être condamnées à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices moral et d'image ainsi qu'une somme de 25 000 euros au titre des préjudices de toute nature subis par les autres membres du groupement de maîtrise d'œuvre ;
- les réfactions opérées par la maîtrise d'ouvrage n'étaient pas justifiées ;
- aucune réfaction ne pouvait être opérée s'agissant de la mise à jour du DCE du lot n°10, qui ne relevait pas de sa mission ;
- s'agissant des réfactions sur la mission d'assistance aux opérations de réception (AOR), elle n'est pas responsable de l'avance de réception des différents lots et justifie avoir accompli sa mission par la diffusion de rapports de suivi des réserves au cours des opérations préalables à la réception (OPR) ; le marché imposait une réception unique de sorte que la réception des seuls lots achevés n'était pas possible ;
- ses conclusions sont identiques aux demandes formulées dans son mémoire en réclamation du 4 janvier 2021, correspondant aux chefs de préjudice invoqués devant le tribunal administratif et reposent sur les mêmes causes juridiques, à savoir l'existence d'une modification de programme et la responsabilité pour faute du maître d'ouvrage ;
- à la date de résiliation du marché, les opérations ACT, VISA et DET, phases préalables aux OPR, étaient entièrement achevées ; le maître d'ouvrage ne conteste d'ailleurs pas qu'à la date de la résiliation du marché, les OPR étaient en cours ;
- s'agissant de la mission SSI, les prestations ont été spontanément payées à hauteur de 90 % au bureau d'études Green en mars 2017 ; ce paiement vaut reconnaissance des prestations accomplies et acceptation du pourcentage facturé ; elle n'était pas en charge de cette mission ;
- le jugement sera confirmé s'agissant des réfactions appliquées au titre du lot n° 14 espaces verts et de l'éclairage des cimaises, au titre de la mission DET et s'agissant des pénalités de retard.
Par des mémoires enregistrés les 5 juillet 2022 et 14 novembre 2023, la commune de Saint-Pierre et de la SPL Grand Sud, représentées par Me Wally Issop, concluent au rejet de la requête de la société Quadra et demandent à la cour, par la voie de l'appel incident, de porter le solde du marché à la somme de 119 074,83 euros HT, soit 129 196,19 euros TTC à leur crédit, de porter à ce montant la somme que la société Quadra Architectures a été condamnée à leur verser et de réformer dans cette mesure le jugement attaqué, et de mettre à la charge de la société Quadra Architectures une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les conclusions présentées par la société Quadra Architectures dans son mémoire en réplique et qui, soit ne figuraient pas dans son mémoire en réclamation, soit n'étaient pas présentées en première instance, soit avaient été abandonnées dans sa requête d'appel, sont irrecevables ;
- la demande de la société appelante de constater l'existence d'une résiliation tacite est infondée ; la société Quadra Architectures a refusé de mettre à jour le DCE du lot n° 10, consistant simplement à enlever du DCE d'origine les travaux déjà réalisés par la société mise en liquidation ; ce refus a eu pour effet de bloquer le chantier alors que cette mise à jour entrait dans les missions du maître d'œuvre ; il n'a été fait appel à une entreprise tierce que pour la réalisation de cette tâche, afin de faire avancer le chantier ;
- il ne saurait y avoir résiliation tacite alors qu'une décision expresse de résiliation a été prise, de sorte que la demande de la société est dépourvue d'objet ;
- les modifications de programme ont été prises en compte et ont donné lieu à la conclusion de quatre avenants au marché ; la demande tendant à l'indemnisation de l'allongement de la durée du chantier au-delà de celui prévu par l'avenant n° 4 est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable ;
- à supposer que l'obtention du permis modificatif le 12 juin 2018 serait à l'origine d'un préjudice spécifique, un mémoire en réclamation aurait dû être présenté avant le 12 août 2018 en application de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Prestations intellectuelles (PI) ; cette demande d'indemnisation est infondée dès lors que toutes les conséquences liées au permis modificatif ont été prises en compte dans le cadre de l'avenant n° 4 ; au demeurant, l'obtention d'un permis modificatif le 12 juin 2018 permettait de respecter le délai prévu à l'avenant n° 4 ; le retard allégué n'est pas lié aux délais d'instruction de la demande de permis modificatif mais au retard pris par le maître d'œuvre pour préparer le dossier de demande ;
- le seul allongement de la durée du chantier n'ouvre pas droit à une indemnisation supplémentaire, la rémunération forfaitaire n'étant pas proportionnelle à la durée du chantier ; la société Quadra Architectures ne justifie pas de prestations non prévues au marché et indispensables à la réalisation de l'ouvrage ; la prolongation au titre de laquelle la société sollicite une indemnisation est liée à son choix fautif de ne plus assurer sa mission ; la société ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre les prétendues fautes de la maîtrise d'ouvrage et les préjudices invoqués ;
- la société Quadra a commis une faute en refusant d'assurer les tâches qui lui étaient demandées ; cette faute justifiait la résiliation du contrat sans indemnisation ;
- le décompte de résiliation intègre à juste titre une réfaction au titre des pénalités afférentes aux retards de vérification des décomptes mensuels des entreprises ; elle produit les pièces justifiant de la réalité de ces retards ;
- ainsi que l'a jugé le tribunal, c'est à juste titre qu'elle a appliqué une réfaction sur le forfait de rémunération à raison du préjudice subi du fait du refus fautif du maître d'œuvre de procéder à la mise à jour du DCE du lot n°10 ;
- en dépit des mises en demeure répétées, la société a refusé d'accomplir sa mission AOR ; cette mission n'ayant été réalisée qu'à hauteur de 10 %, la réfaction pratiquée est justifiée ;
- les réfactions pratiquées pour tenir compte de l'importance des prestations non exécutées s'agissant des missions ACT, VISA, DET, OPC et SSI sont justifiées ;
- la commune a subi des préjudices en raison des prestations mal exécutées par la société dans le cadre de ses missions ACT et DET.
Par ordonnance du 1er décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 décembre 2023.
Une note en délibérée a été présentée pour la commune de Saint-Pierre et de la SPL Grand Sud le 13 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions d'Isabelle Le Bris,
- les observations de Me Le Pennec, représentant la société Quadra Architectures et de Me Wally Issop, représentant la commune de Saint-Pierre et la SPL Grand Sud
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 29 novembre 2013, la société publique locale d'aménagement (SPL) Grand Sud, mandataire de la commune de Saint-Pierre (La Réunion), a confié la maîtrise d'œuvre d'une opération de réhabilitation de l'ancien tribunal de Saint-Pierre en centre d'arts plastiques et visuels à un groupement solidaire dont la société Quadra Architectures était le mandataire. Ce marché, initialement conclu pour un prix forfaitaire de 692 780 euros hors taxes (HT), a fait l'objet de quatre avenants prévoyant au bénéfice du groupement des rémunérations complémentaires liées aux modifications de programme qui ont porté le montant du marché au prix de 884 278,22 euros HT. La société Quadra Architectures a vainement sollicité, les 7 septembre, 4 octobre 2018 et 18 juillet 2019, le versement d'une rémunération complémentaire au titre de l'allongement de la durée du chantier. Cette même société a, par courrier du 19 mars 2019, sollicité la résiliation du marché de maîtrise d'œuvre aux torts du maître d'ouvrage, puis, par courrier du 6 mars 2020, a pris acte de la résiliation tacite du contrat. La commune de Saint-Pierre, par une décision du 19 octobre 2020, a prononcé la résiliation de ce marché aux torts du groupement de maîtrise d'œuvre, puis a communiqué le 17 décembre suivant à la société Quadra Architectures un décompte de résiliation arrêté au solde négatif de 119 074,83 euros HT. La société Quadra Architectures a présenté le 11 janvier 2021 un mémoire en réclamation contestant ce décompte de résiliation.
2. La société Quadra Architectures, agissant en son nom et en qualité de mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, a, par quatre requêtes, demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 21 mai 2019 rejetant implicitement sa demande de résiliation du marché de maîtrise d'œuvre, de constater l'existence d'une résiliation tacite de ce marché aux torts exclusifs du maitre d'ouvrage et de regarder en conséquence comme infondée la résiliation prononcée le 19 octobre 2020 par la commune de Saint-Pierre, de condamner solidairement la commune de Saint-Pierre et la SPL Grand Sud à lui verser une somme de 164 142,16 euros HT au titre des rémunérations complémentaires et une somme de 73 673,39 euros au titre des préjudices subis, de la décharger des réfactions et pénalités appliquées par le maître d'ouvrage, d'arrêter le solde du décompte de résiliation à la somme de 361 346 euros HT et de condamner la commune de Saint-Pierre et la SPL Grand Sud à lui verser une somme de 84 682,27 euros en règlement du marché. La commune de Saint-Pierre et la SPL Grand Sud ont, par voie reconventionnelle, demandé au tribunal d'arrêter le solde du marché à la somme de 129 196,19 euros HT au crédit du maître d'ouvrage.
3. Par un jugement n°s 1801163, 1901096, 1901348, 2100603 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a fixé le solde du marché à la somme de 37 679,71 euros HT au crédit de la commune de Saint-Pierre et de la SPL Grand Sud, a condamné la société Quadra Architectures à leur verser cette somme et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La société Quadra Architectures relève appel de ce jugement et demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de condamner solidairement la commune de Saint-Pierre et la SPL Grand Sud à lui verser une somme de 349 968,90 euros au titre du solde du marché, ainsi qu'une somme de 55 000 en réparation de ses préjudice moral et d'image, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2019 et capitalisation des intérêts. Par la voie de l'appel incident, la commune de Saint-Pierre et de la SPL Grand Sud demandent à la cour de porter le solde du marché à la somme de 119 074,83 euros HT à leur crédit et de fixer à ce montant la somme que la société Quadra Architectures doit être condamnée à verser au maître d'ouvrage.
Sur la résiliation du marché :
En ce qui concerne la décision expresse de résiliation du 19 octobre 2020 :
4. La société Quadra Architectures, qui a présenté devant le tribunal administratif des conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 octobre 2020 portant résiliation du marché, persiste à contester le bien-fondé de cette mesure devant la cour. Toutefois, et ainsi que l'a relevé le tribunal, les conclusions de la société, qui tendent seulement à l'annulation d'une mesure d'exécution du contrat et qui ne peuvent être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme visant à la reprise des relations contractuelles, sont irrecevables.
En ce qui concerne la résiliation tacite :
5. En dehors du cas où elle est prononcée par le juge, la résiliation d'un contrat administratif résulte, en principe, d'une décision expresse de la personne publique cocontractante. Cependant, en l'absence de décision formelle de résiliation du contrat prise par la personne publique cocontractante, un contrat doit être regardé comme tacitement résilié lorsque, par son comportement, la personne publique doit être regardée comme ayant mis fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelles. Les juges du fond apprécient souverainement, sous le seul contrôle d'une erreur de droit et d'une dénaturation des pièces du dossier par le juge de cassation, l'existence d'une résiliation tacite du contrat au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des démarches engagées par la personne publique pour satisfaire les besoins concernés par d'autres moyens, de la période durant laquelle la personne publique a cessé d'exécuter le contrat, compte tenu de sa durée et de son terme, ou encore de l'adoption d'une décision de la personne publique qui a pour effet de rendre impossible la poursuite de l'exécution du contrat ou de faire obstacle à l'exécution, par le cocontractant, de ses obligations contractuelles.
6. Il résulte de l'instruction que la société Vitruve, titulaire du lot n° 10 " ventilation-climatisation ", a été liquidée le 3 octobre 2018 alors qu'elle avait accompli environ 90 % de ses prestations. Face au refus persistant de la société Quadra Architectures de procéder, sans rémunération complémentaire, à la mise à jour du document de consultation des entreprises (DCE) du lot n° 10 en vue de confier à une nouvelle entreprise la mise en œuvre des prestations de ce lot restant à réaliser, le maître d'ouvrage a décidé, en mai 2020, de confier à une entreprise tierce une mission de maîtrise d'œuvre limitée à la mise à jour du DCE. En procédant ainsi, le maître d'ouvrage ne peut être regardé comme ayant mis fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelles avec le groupement de maîtrise d'œuvre dont la société Quadra Architectures était le mandataire. Cette dernière n'est ainsi pas fondée à soutenir que le marché de maitrise d'œuvre aurait été tacitement résilié dès mai 2020.
Sur le décompte de résiliation du marché :
En ce qui concerne les sommes réclamées par la société Quadra Architectures :
S'agissant de la demande de rémunération complémentaire au titre des modifications de programme :
7. Aux termes de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 : " La mission de maîtrise d'œuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux ". Selon l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 : " Le contrat de maîtrise d'œuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'œuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'œuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'œuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel ".
8. Il résulte des dispositions citées au point précédent, applicables au marché en litige, que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seule une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peut donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. Ainsi, la prolongation de sa mission n'est de nature à justifier une rémunération supplémentaire du maître d'œuvre que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage. En outre, le maître d'œuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'œuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché, si elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si le maître d'œuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.
9. Il résulte de l'instruction que le marché initial prévoyait le remplacement de la charpente en bois par une structure métallique. Toutefois, à la suite de l'avis de l'architecte des bâtiments de France et sur demande de la Direction des affaires culturelles de l'Océan Indien (DAC OI), le programme des travaux a été modifié dans le sens d'un remplacement à l'identique de la charpente en bois. Par un avenant n° 1 au marché, une rémunération complémentaire a été prévue au bénéfice du maitre d'œuvre aux fins de prendre en compte la réalisation, qu'impliquait cette modification de programme, de nouvelles études puis l'élaboration d'un nouveau document de consultation des entreprises. Un avenant n° 4 au marché, conclu le 9 avril 2018, a prévu le versement à la société Quadra Architectures d'une nouvelle rémunération complémentaire au titre du dépôt d'un permis de construire modificatif et de l'allongement de la mission de maîtrise d'œuvre en résultant. Cet allongement de la mission de maîtrise d'œuvre a été estimé à 7 mois à partir du 20 janvier 2018, à raison d'un mois pour le dépôt du permis de construire modificatif, quatre mois pour l'instruction de cette demande et deux mois pour la réalisation des travaux de charpente, et a donné lieu à une rémunération forfaitaire complémentaire de 11 724,44 euros HT par mois, soit 82 071,11 euros HT. La société Quadra Architectures fait valoir que les travaux de charpente s'étant achevés le 15 décembre 2018, la modification de programme tenant au dépôt d'un permis de construire modificatif a en réalité prolongé sa mission pour une durée, non pas de 7 mois, mais de 11 mois. Se basant sur la rémunération mensuelle prévue par ledit avenant, elle estime que sa rémunération complémentaire à raison de cet allongement de sa mission doit être portée à 128 968,84 euros HT.
10. Il résulte toutefois de l'instruction que la société Quadra Architectures, à laquelle il a été demandé dès le mois de novembre 2017 de déposer un permis modificatif, n'a procédé à ce dépôt qu'en mars 2018, soit quatre mois plus tard. De plus, le permis sollicité a été délivré dès le 12 juin 2018, soit à l'issue d'un délai d'instruction inférieur à celui estimé par l'avenant précité. Enfin, si les travaux se sont achevés en décembre 2018, il n'est ni établi ni soutenu que ledit avenant reposerait sur une estimation insuffisante de leur durée prévisible. Il s'ensuit que l'allongement de la durée de la mission d'œuvre à raison de laquelle la société Quadra Architectures sollicite une rémunération complémentaire n'est pas imputable à la modification de programme relative à la charpente, à raison de laquelle elle a bénéficié d'une rémunération complémentaire forfaitaire.
S'agissant de la demande d'indemnisation à raison de fautes du maître d'ouvrage dans la direction du chantier :
11. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
12. En l'occurrence, la société Quadra Architectures sollicite une indemnisation des surcoûts subis à raison de l'allongement de la durée initialement prévue d'exécution du chantier, imputant ce retard aux fautes contractuelles commises par la SPL Grand Sud dans l'exercice de ses pouvoirs de direction du marché de travaux.
13. La société Quadra Architectures reproche en premier lieu à la SPL Grand Sud d'avoir tardé à remplacer la société Pro 2 Air, titulaire du lot " Plomberie ", définitivement liquidée le 17 avril 2019. Si elle fait valoir qu'elle aurait, dès le mois de mai 2019, adressé au maître d'ouvrage délégué la liste de réserves sur les prestations de plomberie réalisées par la société Pro 2 air, elle ne l'établit pas et n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à démontrer qu'elle aurait effectivement accompli l'ensemble des diligences permettant au maître d'ouvrage de désigner une nouvelle entreprise dans un délai plus restreint.
14. La société Quadra Architectures fait ensuite valoir que le maître d'ouvrage, informé dès le mois de mai 2019 de l'existence de fuites d'eau sur les réseaux, n'a mandaté une entreprise aux fins de remédier à ce désordre qu'en mars 2020. Toutefois, d'une part, il n'est pas établi que ces fuites, dont l'ampleur n'est pas précisée, auraient eu pour effet de ralentir le chantier et, par suite, d'allonger la mission de maîtrise d'œuvre. D'autre part, il résulte des termes du courrier adressé le 7 février 2020 par la société Quadra Architectures à la SPL Grand Sud qu'une entreprise avait bien été mandatée aux fins de réparer ces fuites, entreprise dont la défaillance a été constatée lors d'une réunion de chantier du 6 février 2020. Dans ces conditions, en désignant une nouvelle entreprise le 2 mars 2020, le maître d'ouvrage délégué a réagi dans un délai raisonnable, sans commettre aucune faute contractuelle.
15. La société Quadra Architectures soutient ensuite que l'abandon du chantier, en novembre 2018, par la société Rieffel, titulaire du lot " Gros-œuvre ", est imputable au refus du maitre d'ouvrage d'accorder une rémunération complémentaire à cette société. Elle ne produit toutefois aucun élément de nature à établir qu'une telle rémunération aurait été indûment refusée à cette société. Par ailleurs, la seule circonstance que le remplacement de cette société n'est intervenu qu'en janvier 2020 ne suffit pas, faute de précisions, à caractériser une faute contractuelle du maître d'ouvrage délégué dans la direction du marché de travaux.
16. La société Quadra Architectures reproche enfin au maître d'ouvrage délégué d'avoir refusé de signer plusieurs devis portant sur la réalisation des travaux de remplacement de la charpente en bois puis sur les travaux destinés à alimenter le chantier en électricité. Toutefois, la seule circonstance que la société SPL Grand Sud ait refusé de signer des devis ne suffit pas à caractériser une faute contractuelle, et il n'est nullement établi que ces refus seraient mal-fondés ou résulteraient d'une inertie du maître d'ouvrage délégué.
17. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, et alors en outre que, comme déjà indiqué, l'allongement de la durée du chantier a donné lieu à la conclusion d'un avenant n° 4 au marché prévoyant une majoration de la rémunération du groupement de maîtrise d'œuvre à raison de l'allongement de la durée de sa mission de maîtrise d'œuvre, la société Quadra Architectures n'est pas fondée à prétendre à une indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute du maître d'ouvrage.
S'agissant de la demande d'indemnisation du préjudice moral et du préjudice d'image :
18. La société Quadra Architectures persiste à solliciter le versement d'une somme totale de 55 000 euros en réparation du préjudice moral et du préjudice d'image personnellement subis par elle et subis par les autres entreprises du groupement de maîtrise d'œuvre. Elle n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir la réalité des préjudices invoqués. Ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées.
S'agissant de la demande de versement d'intérêts moratoires au titre de retards de paiement de factures :
19. En vertu de l'article 5.4 du CCAP du marché, les demandes d'acompte " se feront conformément aux dispositions de l'article 11.8 du CCAG-PI (arrêté du 16 septembre 2009) ". Aux termes de l'article 7 du CCAP : " Le délai de paiement des acomptes est de 30 jours à compter de la demande d'acompte. En cas de retard de paiement, les intérêts moratoires seront calculés sur la base du taux de financement de la BCE à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de huit points ". Aux termes de l'article 11.8.3 CCAG-PI dans sa version issue de l'arrêté du 16 septembre 2009 : " En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le pouvoir adjudicateur règle les sommes qu'il a admises. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d'un complément, majoré, s'il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire. "
20. La société Quadra Architectures fait valoir que plusieurs de ses factures d'acompte sont demeurées impayées et sollicite le versement des intérêts moratoires prévus par les dispositions précitées à raison du dépassement du délai de paiement de ces factures. Toutefois, il résulte du tableau versé par la société elle-même à l'appui de sa note en délibéré produite le 13 octobre 2021 devant le tribunal que les factures d'acomptes afférentes à ses prestations ont été réglées par le maître d'ouvrage à hauteur de 450 803,68 euros. Ce tableau mentionne notamment que les factures n° 28 et n° 40 ont, contrairement à ce que soutient la société, été réglées. S'agissant des autres factures litigieuses n°s 41, 42 et 43, le tableau produit par la société, qui s'arrête au 4 octobre 2018, ne permet de déterminer ni si elles ont été réglées ni, le cas échéant, à quelle date. Le décompte de résiliation établi par le maître d'ouvrage indique quant à lui que les factures d'acompte de la société Quadra ont été réglées à hauteur de 448 928,97 euros. Par ailleurs, le maître d'ouvrage a expressément admis avoir refusé de régler les factures n°s 42 et 43 dans sa note en délibéré produite le 17 octobre 2021 devant le tribunal. Il résulte de ces éléments que seules les notes d'honoraires n°s 42 et 43, émises par la société Quadra Architectures les 31 août 2019 et 30 novembre 2019, sont demeurées impayées.
21. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Quadra n'aurait plus accompli aucune prestation de maitrise d'œuvre après l'émission, le 17 septembre 2018, de sa facture d'acompte n° 41. Elle est ainsi fondée à solliciter le versement d'intérêts moratoires à raison du dépassement du délai de 30 jours de paiement des factures n°s 42 et 43. S'agissant de la facture n° 42 d'un montant de 9 244,19 euros TTC, les intérêts moratoires, qui courent du 30 septembre 2019 au 17 décembre 2020, date d'établissement du décompte de résiliation par le maître d'ouvrage, s'élèvent à 899,60 euros. S'agissant de la facture n° 43 d'un montant de 6 255,46 euros, les intérêts, qui courent du 30 décembre 2019 au 17 décembre 2020, s'élèvent à 483,98 euros. La société Quadra Architectures est par suite fondée à revendiquer une somme totale de 1 383,58 euros au titre des intérêts moratoires dus à raison des retards de paiement de ses factures.
S'agissant de la demande relative au coût d'établissement d'un mémoire en réclamation :
22. La société requérante ne produit pas plus en appel qu'en première instance d'élément de nature à justifier le préjudice financier lié au coût d'établissement de son mémoire en réclamation du 21 janvier 2021. Sur ce point, ses conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées.
En ce qui concerne les réfactions opérées par le maître d'ouvrage :
S'agissant de la réfaction opérée au titre des missions ACT, VISA et OPC à raison de l'absence de relance du lot n° 10 " Climatisation " :
23. Ainsi qu'il a été dit, à la suite de la liquidation de l'entreprise titulaire du lot n° 10 " ventilation-climatisation ", la société Quadra Architectures a opposé un refus aux demandes répétées de la société SPL Grand Sud de procéder, en vue du remplacement de l'entreprise défaillante, à la mise à jour du DCE relatif à ce lot. La société Quadra Architectures fait valoir que cette prestation, qui s'ajoutait à celles déjà réalisées dans le cadre de sa mission ACT telle que définie à l'article 2.4 du CCTP du marché, constituait une prestation supplémentaire devant donner lieu à une rémunération complémentaire. Il résulte toutefois de l'article 2.7 du CCTP que la mission confiée au maître d'œuvre comprenait " les prestations nécessaires au remplacement d'une entreprise défaillante ", en particulier la réalisation d'un constat contradictoire, la consultation des entreprises et le choix d'une autre entreprise. Ainsi que l'a relevé le tribunal, la mise à jour du DCE du lot n° 10 " Climatisation ", qui impliquait uniquement de recenser les travaux déjà réalisés par l'entreprise défaillante en vue de confier les seules prestations restantes à une nouvelle entreprise, relevait ainsi des obligations contractuelles du maître d'œuvre telles que définies par le CCTP. Par suite, les réfactions de 10 % opérées par la commune de Saint-Pierre sur les missions ACT, VISA et OPC à raison du refus injustifié du maître d'œuvre d'assurer les prestations nécessaires au remplacement de la société titulaire du lot n° 10 " Climatisation ", d'un montant total 14 856 euros HT, sont justifiées.
S'agissant des autres réfactions opérées au titre de la mission ACT :
Quant à la réfaction opérée à raison de l'erreur d'estimation du lot n° 14 " Démolition/désamiantage " :
24. Il résulte de l'instruction que le marché relatif au lot n° 14 " Démolition/désamiantage ", initialement évalué par la maîtrise d'œuvre à 26 240 euros HT, a finalement été conclu pour un montant de 55 750 euros HT. Le maître d'ouvrage estime que cette erreur d'estimation lui a causé un préjudice de 29 510 euros HT, soit la différence entre l'estimation initiale et le coût des travaux, et revendique l'application d'une réfaction de 4 190, 42 euros, correspondant à l'application du taux de rémunération de maître d'œuvre de 14,2 % à la somme de 29 510 euros HT. Toutefois, il n'est pas établi que l'erreur d'estimation résulterait d'une faute contractuelle du maître d'œuvre. De plus, en admettant même l'existence d'une telle faute, la réfaction revendiquée ne correspond pas à la réparation du préjudice invoqué mais s'apparente à l'application d'une pénalité forfaitaire, non prévue au marché. Dans ces conditions, la réfaction de 4 190 euros HT revendiquée à raison de l'erreur d'estimation du lot n° 14 n'est pas justifiée.
Quant à aux réfactions opérées à raison de l'omission d'estimation du lot " espaces verts " et de l'éclairage des cimaises :
25. Le maître d'ouvrage a appliqué des réfactions, calculées selon la même méthode que celle décrite au point précédent, à raison de l'omission d'estimation, au stade de la mission " ACT ", du lot " espaces verts " et de la prestation d'éclairage des cimaises. Toutefois, d'une part, il n'est pas davantage établi en appel qu'en première instance que la prestation d'éclairage des cimaises était initialement prévue par le maître d'ouvrage. D'autre part, en se bornant à revendiquer une réfaction déterminée de manière forfaitaire et s'apparentant en réalité à une pénalité, le maître d'ouvrage ne justifie pas du préjudice que lui aurait causé l'erreur du maître d'œuvre tenant à l'absence d'estimation du lot " espaces verts ". Dans ces conditions, les réfactions opérées ne sont pas justifiées.
Quant à la réfaction opérée à raison de la relance du lot n° 13 " Ascenseur " :
26. Le maître d'ouvrage a appliqué une réfaction afin de tenir compte du préjudice subi à raison de la faute contractuelle du maître d'œuvre tenant à l'absence de prise en compte, lors de l'élaboration du DCE du lot n° 13 " ascenseur ", d'une modification de la réglementation des ascenseurs. Toutefois, la société Quadra Architectures soutient en appel, sans être contredite sur ce point, que cette modification de la réglementation est issue du décret n° 2016-550 du 3 mai 2016 relatif à la mise sur le marché des ascenseurs et des composants de sécurité pour ascenseurs transposant la directive européenne 2014/33/UE du parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, postérieur à l'établissement du DCE du lot en cause. Cette réfaction n'est, dès lors, pas davantage justifiée.
S'agissant de la réfaction opérée au titre de la mission Système de sécurité incendie (SSI) :
27. Il résulte de l'article 3.2 du CCTP du marché que la mission SSI, confiée au maître d'œuvre comprenait, en phase de conception, la réalisation d'un cahier des charges fonctionnel du SSI, puis, en phase de réalisation, le suivi de la cohérence entre les différents équipements du SSI, le contrôle du respect du cahier des charges et du contrôle fonctionnel, la création et la mise à jour du dossier SSI et l'établissement du procès-verbal de réception technique.
28. En l'occurrence, il est constant que le marché de maîtrise d'œuvre a été résilié alors que le chantier n'était pas achevé, de sorte le maître d'œuvre n'a pas entièrement exécuté les missions qui lui étaient confiées au titre de sa mission SSI, d'un montant de 15 000 euros, en phase réalisation. La société Quadra Architectures indique en outre qu'elle n'a pas remis le dossier SSI prévu par les stipulations ci-dessus analysées du CCTP du marché. Dans ces conditions, il y a lieu d'appliquer une réfaction de 50 %, soit 7 500 euros avant prise en compte des paiements déjà réalisés.
S'agissant des réfactions opérées au titre de la mission de direction de l'exécution et des travaux (DET) :
29. En premier lieu, la société Quadra Architectures ne conteste pas qu'une fois le lot n° 10 relancé, elle n'a pas assuré sa mission de direction de l'exécution des travaux restants de ce lot. Il résulte par ailleurs des écritures du maître d'ouvrage qu'à la date de la résiliation du marché de maîtrise d'œuvre, les travaux d'autres lots, en particulier des lots " menuiseries bois " et " peinture - revêtements de sols " n'étaient pas achevés, de sorte que, s'agissant de ces travaux, le maître d'œuvre n'a pas entièrement assuré sa mission DET. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le maître d'ouvrage a appliqué une réfaction globale de 20 %, soit 31 808 euros HT, sur le montant de la mission DET confiée au maître d'œuvre.
30. En deuxième lieu, le maître d'ouvrage revendique des réfactions correspondant, selon lui, à la réparation des préjudices liés aux surcoûts engendrés par l'abandon du chantier, en novembre 2018, par la société titulaire du lot " gros-œuvre ", et par la défaillance de l'entreprise du lot " plomberie ". Il sollicite à ce titre des réfactions correspondant à 14,2 % des coûts d'installation d'une benne à déchets et d'un groupe électrogène, de consommation, d'eau, de gardiennage du chantier et de reprise des travaux de gros-œuvre et de plomberie. Il n'établit cependant pas plus en appel qu'en première instance que ces coûts supplémentaires trouveraient leur origine dans une faute contractuelle du maître d'œuvre, dont il se borne à rappeler les missions. En outre, ces réfactions ne correspondent pas à la réparation du préjudice invoqué mais s'apparentent à l'application d'une pénalité forfaitaire de 14,2 %, non prévue au marché.
31. En troisième lieu, il n'est pas démontré que l'allongement de la durée du chantier serait imputable à une faute contractuelle du maître d'œuvre. Les réfactions revendiquées à raison de la conclusion d'avenants aux contrats conclus avec le contrôleur technique, le coordonnateur SPS et le maître d'ouvrage délégué ne sont, par suite, pas davantage justifiées.
32. En dernier lieu, et ainsi que l'a relevé le tribunal, il n'est pas établi que des entreprises de travaux auraient adressé des réclamations au maître d'ouvrage à raison de l'allongement de la durée de chantier. La réfaction revendiquée à ce titre, qui se base au demeurant sur une estimation aucunement justifiée des sommes qui pourraient être réclamées, n'est dès lors pas justifiée.
S'agissant de la réfaction opérée au titre de la mission d'assistance aux opérations de réception (AOR) :
33. En vertu de l'article 2.8 du CCTP du marché, la mission AOR confiée au maître d'œuvre comprend l'organisation des opérations préalables à la réception, le suivi des réserves formulées lors de la réception des travaux jusqu'à leur levée, l'examen des désordres signalés par le maître d'ouvrage et la constitution du dossier des ouvrages exécutés nécessaires à l'exploitation de l'ouvrage.
34. En l'espèce, la société Quadra Architectures fait valoir que, dans le cadre des opérations préalables à la réception, elle a remis au maître d'ouvrage des rapports, en particulier celui établi le 15 mars 2019, recensant les prestations restant à réaliser par les différents lots de travaux. Toutefois, et contrairement à ce que la société appelante persiste à soutenir devant la cour, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait indiqué au maître d'ouvrage la possibilité de réceptionner certains lots, le cas échéant avec des réserves. Il est en outre constant qu'à la date de la résiliation du marché de maîtrise d'œuvre, les travaux n'étaient pas achevés, de sorte que les opérations de réception ne pouvaient pas être réalisées. Enfin, le marché de maîtrise d'œuvre ayant été résilié avant son terme, le groupement de maîtrise d'œuvre n'a pas réalisé les prestations prévues à l'article 2.8 précité du CCTP du marché. Dans ces conditions, le maître d'ouvrage est fondé à soutenir que la mission AOR avait été exécutée à hauteur de 10 % et à revendiquer en conséquence l'application, avant prise en compte des sommes déjà réglées au titre de cette mission, d'une réfaction de 25 560 euros HT.
En ce qui concerne les pénalités de retard appliquées par le maître d'ouvrage :
35. Aux termes de l'article 4.4.2.1 du CCAP du marché : " Le délai de vérification par le maître d'œuvre du projet de décompte mensuel de l'entrepreneur est fixé à 7 jours calendaires à compter de la date de l'accusé de réception du document ou du récépissé de remise ". Aux termes de l'article 4.4.2.2 du CCAP : " Si ce délai n'est pas respecté, le maître d'œuvre encourt sur ses créances des pénalités dont le taux, par jour de retard, y compris les dimanches et jours fériés, est fixé à 1/5000ème du montant de l'acompte des travaux correspondants ".
36. La commune de Saint-Pierre a produit, pour la première fois en appel, les projets de décompte mensuels des entrepreneurs assortis des tampons datés du maître d'œuvre, qui attestent de la date de réception par ce dernier des projets de décompte mensuels, et des tampons datés de la SPL Grand Sud, qui établissent la date à laquelle le maître d'œuvre a achevé sa tâche de vérification de chacun de ces projets de décomptes. Les pièces versées, dont les tampons sont parfois illisibles, ne permettent pas d'établir que le maître d'œuvre aurait accompli sa tâche de vérification dans un délai excédant 7 jours s'agissant des situations n° 1 et 22 du lot n° 2 " Gros œuvre ", des situations n°s 3, 5 et 6 du lot n° 2b " revêtements durs ", de la situation n° 5 du lot n° 3 " Etanchéité ", de la situation n° 10 du lot n° 6 " Menuiseries alu ", de la situation n° 8 du lot n° 7 " Plâtrerie, de la situation n° 3 du lot n° 11 " Electricité/équipements électriques " et de la situation n° 2 du lot n° 13 " Ascenseur ". Ces pièces permettent en revanche de démontrer que le maître d'œuvre a dépassé le délai de 7 jours qui lui était imparti s'agissant des autres situations de travaux. En se basant, par jour de retard, sur une pénalité de 1/5000ème du montant des acomptes, et non de 1/500ème comme effectué erreur par le maître d'ouvrage, le montant des pénalités de retard dues par la société Quadra Architectures au titre des dispositions précitées du CCAP du marché doit être ramené à 2 333 euros.
En ce qui concerne le solde du décompte de résiliation :
37. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le marché litigieux, initialement conclu pour un prix forfaitaire de 692 780 euros HT, a fait l'objet de quatre avenants portant le montant du marché au prix du 884 278,22 euros HT, auquel s'ajoute la somme, figurant au projet de décompte de résiliation établi par le maître d'ouvrage, de 16 662,36 HT correspondant à révision des prix. Le montant total du marché s'établit ainsi à la somme de 900 940,58 euros. Il résulte de ce qui a été ci-dessus qu'il y a lieu de déduire de ce montant des réfactions et pénalités pour un montant total 82 057 euros HT, et d'y ajouter la somme de 1 383,58 euros correspondant aux intérêts moratoires dus à raison de retards de paiement des factures émises par la société Quadra Architectures. Le projet de décompte de résiliation mentionne enfin que le groupement de maîtrise d'œuvre a perçu, en paiement du marché, une somme totale de 846 652,82 euros. La société Quadra Architectures, qui varie dans ses écritures s'agissant du montant des paiements reçus et ne produit aucun détail sur ce point, ne conteste pas utilement cette indication. Dans ces conditions, le solde du décompte de résiliation du marché doit être fixé à 26 385,66 euros HT au crédit de la commune de Saint-Pierre, maître d'ouvrage.
38. Il résulte de tout de ce qui précède que la somme de 37 679, 71 euros que la société Quadra Architectures a été condamnée à verser au maître d'ouvrage par le tribunal doit être ramenée à 26 385,66 euros. La société Quadra Architectures est fondée à demander, dans cette seule mesure, la réformation du jugement attaqué.
Sur les frais liés au litige :
39. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le solde du marché de maîtrise d'œuvre relatif à la réhabilitation de l'ancien tribunal de Saint-Pierre en centre d'arts plastiques et visuels est arrêté à la somme de 26 385,66 euros HT au crédit du maître d'ouvrage.
Article 2 : La somme de 37 679, 71 euros que la société Quadra Architectures a été condamnée à verser à la commune de Saint-Pierre est ramenée à 26 385,66 euros.
Article 3 : Le jugement n°s 1801163, 1901096, 1901348, 2100603 du 26 novembre 2021 du tribunal administratif de La Réunion est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Quadra Architectures, à la commune de Saint-Pierre et à la société publique locale d'aménagement Grand Sud.
Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve-Dupuy
Le président,
Laurent Pouget Le greffier,
Anthony Fernandez
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00722