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05/03/2024 | FRANCE | N°23BX02450

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 mars 2024, 23BX02450


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler d'une part, l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a retiré les titres de séjours qu'elle lui avait délivrés pour les périodes du 21 janvier 2019 au 20 janvier 2020 et du 21 janvier 2020 au 20 janvier 2021, d'autre part, la décision du 13 août 2021 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 21016

04, 2102502 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.



Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler d'une part, l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a retiré les titres de séjours qu'elle lui avait délivrés pour les périodes du 21 janvier 2019 au 20 janvier 2020 et du 21 janvier 2020 au 20 janvier 2021, d'autre part, la décision du 13 août 2021 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2101604, 2102502 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Ménard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101604, 2102502 du 18 juillet 2023 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler d'une part, l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a retiré les titres de séjours qu'elle lui avait délivrés pour les périodes du 21 janvier 2019 au 20 janvier 2020 et du 21 janvier 2020 au 20 janvier 2021, d'autre part, la décision du 13 août 2021 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du présent arrêt, sous astreinte fixée à 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sous astreinte fixée à 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de l'arrêté du 26 avril 2021 :

- l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen ; ses observations n'ont pas été prises en considération ; aucune appréciation n'a été portée quant à l'atteinte éventuelle à sa vie privée et familiale ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit ; l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n'étant pas définitif, la préfète de la Vienne ne pouvait se fonder sur cet élément pour estimer que les cartes de séjour valables du 21 janvier 2019 au 20 janvier 2021 étaient illégales ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- l'arrêté méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; le retrait de titre porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale ;

- sa situation administrative en France la prive de la possibilité de travailler, de sorte que cela ne peut lui être reproché ;

- ses deux filles, de nationalité nigériane, risquent l'excision en cas de renvoi dans un pays où elles n'ont jamais vécu ; elles sont toutes les deux nées en France et ont la qualité de réfugiées ;

S'agissant de la décision du 13 août 2021 :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'erreurs de droit et méconnait l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le casier judiciaire ne saurait suffire à caractériser la menace à l'ordre public ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- sa situation administrative en France la prive du droit de travailler, de sorte que cela ne peut lui être reproché ;

- ses deux filles, de nationalité nigériane, risquent l'excision en cas de renvoi dans un pays où elles n'ont jamais vécu ; elles sont toutes les deux nées en France et ont la qualité de réfugiées.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2024, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par courrier du 5 février 2024, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen soulevé d'office tiré de ce que l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel la préfète de la Vienne a retiré les titres de séjours qu'elle avait délivrés à Mme B... pour les périodes du 21 janvier 2019 au 20 janvier 2020 et du 21 janvier 2020 au 20 janvier 2021 ne revêt pas le caractère d'une décision faisant grief, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport C... Bénédicte Martin.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane, née le 26 mai 1984, est entrée en France, selon ses dires en 2004. Elle a donné naissance, en 2012, à une enfant de nationalité française, puis à deux filles de nationalité nigériane en 2015 et 2018. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français à compter de février 2013 qui a été renouvelé jusqu'en juillet 2017. Par un arrêté du 21 janvier 2019, la préfète de la Vienne a refusé de lui renouveler son titre de séjour. Par un jugement du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de la Vienne de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt du 16 février 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 23 juillet 2020. Par un arrêté du 26 avril 2021, la préfète de la Vienne a retiré, à compter du même jour, les titres de séjour qui avaient été délivrés à Mme B... en exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 juillet 2020. Par une décision du 13 août 2021, la préfète de la Vienne a rejeté la demande de délivrance de titre de séjour en qualité de " parent d'enfant français " présentée le 21 janvier 2021 par Mme B.... Cette dernière interjette appel du jugement du 18 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2021 et de la décision du 13 août 2021.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier que les filles mineures C... Mme B... se sont vues reconnaître la qualité de réfugiées par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) des 5 mai et 14 décembre 2022, qui a estimé que la réalité des risques de persécutions ou d'atteintes graves encourus en cas de retour dans leur pays d'origine, le Nigéria, était établie, en raison de leur appartenance au groupe social des enfants et des femmes non mutilées entendant se soustraire aux mutilations génitales pratiquées au sein de la communauté bini du Nigéria. Si ces décisions de la CNDA sont postérieures à la décision attaquée, elles révèlent toutefois des faits antérieurs, dès lors que la décision de reconnaissance de la qualité de réfugié rétroagit à la date de la demande d'asile de l'enfant. Dans ces conditions, la cellule familiale ne pouvant se reconstituer au Nigéria, compte tenu de la reconnaissance de la qualité de réfugiées de Nelly et de Miracle Imasuen, la décision attaquée aurait pour effet de séparer les filles de leur mère, laquelle doit être admise au séjour en France avec elles. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir qu'en prenant les décisions attaquées, la préfète de la Vienne a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2021 et de la décision du 13 août 2021. Dès lors ce jugement doit être annulé ainsi que l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel la préfète de la Vienne a retiré, à compter du même jour, les titres de séjour, et la décision du 13 août 2021 portant refus de titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, en l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait intervenu depuis l'édiction des décisions contestées, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme B... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Vienne, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un tel titre dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ménard, avocate C... B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Menard de la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101604-2102502 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 26 avril 2021 et la décision du 13 août 2021 de la préfète de la Vienne sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir.

Article 4 : L'Etat versera à Me Ménard, avocate C... B..., une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus de la requête C... B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Malika Ménard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera communiquée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX02450


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02450
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : MENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;23bx02450 ?
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