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05/03/2024 | FRANCE | N°22BX00380

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 mars 2024, 22BX00380


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Kapa Santé a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la restitution d'une somme de 696 298 euros correspondant aux cotisations primitives d'impôt sur les sociétés payées au titre de sa participation dans la société civile de moyens Centre d'imagerie médicale des eaux claires (SCM Cimec) au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, assortie des intérêts moratoires d'un montant de 218 377 euros en application de l'article L. 208

du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1900179 du 8 décembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Kapa Santé a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la restitution d'une somme de 696 298 euros correspondant aux cotisations primitives d'impôt sur les sociétés payées au titre de sa participation dans la société civile de moyens Centre d'imagerie médicale des eaux claires (SCM Cimec) au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, assortie des intérêts moratoires d'un montant de 218 377 euros en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1900179 du 8 décembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 février et 30 septembre 2022, la société Kapa Santé, représentée par Me Alexander, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1900179 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 8 décembre 2021 ;

2°) de prononcer la restitution d'une somme de 591 638 euros correspondant aux cotisations primitives d'impôt sur les sociétés payées au titre de sa participation dans la SCM Cimec au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, assortie des intérêts moratoires d'un montant de 236 481,45 euros en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle a apporté l'ensemble des documents fiscaux et comptables de nature à établir qu'elle s'est acquittée des sommes dont elle sollicite la restitution au titre des années 2011 à 2013 ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- les bénéfices de la SCM Cimec ont fait l'objet, à son endroit, d'une double imposition au titre des années 2011 à 2013 dès lors qu'ils ont été assujettis, une première fois, à l'impôt sur les sociétés entre les mains de ses associés, dont elle fait partie, à raison de leurs participations dans la société, puis, une seconde fois, après la procédure de taxation d'office engagée à son encontre, ayant pour effet de la rendre passible à l'impôt sur les sociétés ; en sa qualité de société mère d'un groupe fiscalement intégré, elle est redevable de l'imposition établie à l'impôt sur les sociétés après la procédure de taxation d'office engagée à l'encontre de la société Cimec ;

- le montant de l'imposition relative à sa participation directe dans la SCM Cimec, qu'elle estimait transparente entre les années 2011 et 2013, dont elle s'est effectivement acquittée, s'établit à 591 638 euros ;

- elle est fondée à invoquer l'attribution d'intérêts moratoires dès lors qu'elle demande la condamnation de l'Etat à lui payer la somme trop perçue au titre de la double imposition.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 août 2022 et 14 novembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête en faisant valoir que la requête n'est recevable qu'à hauteur de la somme demandée dans la réclamation préalable, soit 591 638 euros, que les conclusions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires sont irrecevables, faute d'un litige né et actuel entre le comptable et la société Kapa Santé concernant ces intérêts et que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2022 à 12h00.

Un mémoire, présenté pour la société Kapa Santé, a été enregistré le 9 février 2024, soit après la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'annexe III au code général des impôts ;

- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Liccioni, représentant la société Kapa Santé.

Considérant ce qui suit :

1. La société Kapa Santé, qui exerce ses activités dans le secteur des soins et services hospitaliers, détient des participations majoritaires dans plusieurs sociétés, dont la SCM Cimec, devenue, à compter du 30 octobre 2017, la SAS Société d'exploitation de la clinique des eaux claires. La SCM Cimec a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2011 à 2013. Estimant qu'elle était assujettie à l'impôt sur les sociétés, le service lui a adressé, les 11 septembre et 9 octobre 2014, des mises en demeure de souscrire ses déclarations d'impôt sur les sociétés pour chacune des années contrôlées. En l'absence de dépôt de ces déclarations dans le délai prescrit par les mises en demeure, le service lui a notifié, selon la procédure de taxation d'office, des cotisations en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 2011 à 2013, pour un montant total, en droits et pénalités, de 1 209 248 euros. Par un arrêt n° 19BX00145 du 17 décembre 2020, devenu définitif, la cour de céans a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. Par une réclamation du 12 juin 2017, la société Kapa Santé a sollicité la restitution de l'impôt sur les sociétés qu'elle avait elle-même acquitté au titre de sa participation dans la société Cimec pour les revenus des années 2011 à 2013 au motif d'une double imposition. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. La société Kapa Santé relève appel du jugement du 8 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à la restitution d'une somme de 696 298 euros correspondant aux cotisations primitives d'impôt sur les sociétés payées au titre de sa participation dans la société Cimec au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, assortie des intérêts moratoires.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du point 8 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la demande, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de ce que les bénéfices de la SCM Cimec ont fait l'objet d'une double imposition entre les mains de la société Kapa Santé au titre des années 2011 à 2013. En outre, si l'appelante soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle a apporté l'ensemble des documents fiscaux et comptables de nature à établir qu'elle s'est acquittée des sommes dont elle sollicite la restitution au titre de ces années, cette erreur, à la supposer établie, n'affecte que le bien-fondé du jugement et non sa régularité. La société Kapa n'est donc pas fondée à critiquer, pour ces motifs, la régularité du jugement en litige.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. D'une part, aux termes de l'article 239 quater A du code général des impôts : " Les sociétés civiles de moyens définies à l'article 36 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 n'entrent pas dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés, même lorsque ces sociétés ont adopté le statut de coopérative ; chacun de leurs membres est personnellement passible, pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans la société, soit de l'impôt sur le revenu, soit de l'impôt sur les sociétés s'il s'agit d'une entreprise relevant de cet impôt. (...) ". Aux termes de l'article 36 de ladite loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles : " (...) les personnes physiques exerçant des professions libérales peuvent constituer entre elles des sociétés civiles ayant pour objet exclusif de faciliter à chacun de leurs membres l'exercice de son activité. À cet effet, les associés mettent en commun les moyens utiles à l'exercice de leurs professions, sans que la société puisse exercer celle-ci. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition litigieuse : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les termes : sociétés du groupe, ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les termes : sociétés intermédiaires, détenus à 95 % au moins par la société mère, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires (...) / (...) / Les options mentionnées aux premier, deuxième ou troisième alinéas sont notifiées au plus tard à l'expiration du délai prévu au deuxième alinéa du 1 de l'article 223 pour le dépôt de la déclaration de résultat de l'exercice précédant celui au titre duquel le régime défini au présent article s'applique. (...) ". Aux termes de l'article 223 B du même code : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 214. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 46 quater-0 ZD de l'annexe III à ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les options mentionnées aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 223 A du code général des impôts sont notifiées au service des impôts auprès duquel est souscrite la déclaration du résultat d'ensemble. / La société mère adresse à ce même service : / 1. Lors de la notification de l'option : / a) la liste des personnes morales et des établissements stables qui seront membres du groupe. (...) / a bis) La liste des personnes morales et des établissements stables qui seront qualifiés de sociétés intermédiaires. (...) / b) Des attestations par lesquelles les sociétés filiales font connaître leur accord pour que la société mère retienne leurs propres résultats pour la détermination du résultat d'ensemble ; / b bis) Des attestations par lesquelles les sociétés filiales font connaître leur accord pour qu'elles soient qualifiées de sociétés intermédiaires ; (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que, pour soumettre la société Cimec à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2011 à 2013, l'administration a estimé que cette société, dont les associés sont des personnes morales et qui n'a pas pour objet de faciliter l'exercice de leur activité, ne pouvait être regardée comme une société civile de moyens au sens de l'article 36 de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles. La société Kapa Santé soutient que, ce faisant, elle a elle-même fait l'objet, à tort, d'une double imposition, la première fois, pour un montant de 591 638 euros, lorsqu'elle s'est acquittée de l'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices correspondant à ses droits dans la société Cimec, qu'elle considérait alors comme soumise au régime d'imposition des sociétés de personnes, la seconde fois, pour un montant de 1 209 248 euros, à l'occasion de la mise en recouvrement, le 30 avril 2015, de l'impôt sur les sociétés auquel la société Cimec a été assujettie au titre des mêmes années et qui aurait été réglé par l'appelante en sa qualité de société mère d'un groupe fiscalement intégré. Toutefois, il résulte des termes mêmes de l'avis de mise en recouvrement du 30 avril 2015 que celui-ci n'a pas été établi au nom de la société mère mais au nom de la société Cimec, qui est une personne morale distincte et se trouve ainsi, seule, redevable de l'impôt sur les sociétés. De même, la mise en demeure de payer le reliquat de cette imposition, établie par l'administration fiscale le 11 janvier 2021, l'a été au nom de la société Cimec et non à celui de la société Kapa Santé. Par suite, cette dernière n'établit pas qu'ainsi qu'elle le prétend, elle aurait été, en tant que société mère et conformément aux dispositions précitées des articles 223 A et 223 B du code général des impôts, redevable, sur option, du montant de 1 209 248 euros mis en recouvrement au nom de la société Cimec postérieurement à la procédure de taxation d'office engagée à son encontre et, partant, l'existence à son égard d'une double imposition. Dès lors, le moyen doit être écarté en toutes ses branches.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Kapa Santé n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi, en tout état de cause, qu'au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Kapa Santé est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Kapa Santé et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme B... A..., président-assesseure.

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00380

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00380
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : CABINET JURICADJI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;22bx00380 ?
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