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17/12/2020 | FRANCE | N°19BX00145

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 17 décembre 2020, 19BX00145


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de moyens Centre d'imagerie médicale des eaux claires a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1700592 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 janvier et

17 juin 2019, la société d'exploitation de la Clinique des eaux claires, venant aux droits de la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de moyens Centre d'imagerie médicale des eaux claires a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1700592 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 janvier et 17 juin 2019, la société d'exploitation de la Clinique des eaux claires, venant aux droits de la société civile de moyens Centre d'imagerie médicale des eaux claires, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 8 novembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de taxation d'office est irrégulière, dès lors que, jusqu'à preuve du contraire, elle n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés ; or, les mises en demeure de déposer ses déclarations de résultat n° 2065 ne précisaient pas les motifs qui justifient un tel assujettissement, elles lui ont été adressées antérieurement à la fin des opérations de contrôle et postérieurement à l'avis de vérification, alors qu'elle avait déposé des déclarations n° 2035 dans les délais et que la doctrine précise que la procédure de taxation d'office doit être limitée à des situation de fraude avérée ; les mises en demeures ont été envoyées pour déclencher la procédure de taxation d'office ;

- elle n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés, dès lors qu'elle exerce une activité médicale et non commerciale ; elle ne réalise pas de prestations de services, ne perçoit aucune rémunération directe par les patients et les médecins et son activité ne peut dès lors être qualifiée de commerciale ;

- la qualité des associés et sa non-conformité avec la finalité des sociétés civiles de moyens sont sans incidence sur le régime fiscal ;

- l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés entraîne une double imposition, dès lors que les associés ont payé l'impôt sur le revenu sur les résultats de la société ;

- en tout état de cause, s'agissant du montant des redressements, l'administration fiscale s'est basée sur la comptabilité de la société tout en opérant des retraitements sans lui fournir de justifications ;

- l'administration n'a pas précisé procéder à une évaluation d'office du résultat et elle se devait d'indiquer les modalités de détermination du résultat utilisées ;

- l'application des pénalités de 40 % pour absence de dépôt de la déclaration dans le délai de trente jours suivant réception d'une mise en demeure et des intérêts de retard est injuste dès lors que les associés ont déposé leur déclaration de revenu mentionnant leur quote-part des résultats dans les délais.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 19 avril et 6 septembre 2019, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 septembre 2019.

La société d'exploitation de la Clinique des eaux claires a produit une note en délibéré, enregistrée le 24 novembre 2011.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme A... B...,

- et les observations de Me C..., substituant Me D..., représentant la société d'exploitation de la Clinique des eaux claires.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile de moyens Centre d'imagerie médicale des eaux claires (société CIMEC) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2011 à 2013. Estimant qu'elle était assujettie à l'impôt sur les sociétés, le service lui a adressé, les 11 septembre et 9 octobre 2014, des mises en demeure de souscrire ses déclarations d'impôt sur les sociétés pour chacune des années contrôlées. En l'absence de dépôt de ces déclarations dans le délai prescrit par les mises en demeure, le service lui a notifié, selon la procédure de taxation d'office, des cotisations en matières d'impôt sur les sociétés au titre des années 2011 à 2013. La société Clinique des eaux claires, venant aux droits de la société CIMEC, relève appel du jugement du 8 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

2. D'une part, il résulte des dispositions combinées de l'article 34 et du 2 de l'article 206 du code général des impôts que les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés si elles se livrent à des activités commerciales.

3. D'autre part, aux termes de l'article 239 quater A du code général des impôts : " Les sociétés civiles de moyens définies à l'article 36 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 n'entrent pas dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés ... ". Aux termes de l'article 36 de ladite loi : " ... les personnes physiques exerçant des professions libérales peuvent constituer entre elles des sociétés civiles ayant pour objet exclusif de faciliter à chacun de leurs membres l'exercice de son activité. À cet effet, les associés mettent en commun les moyens utiles à l'exercice de leurs professions, sans que la société puisse exercer celle-ci ... ".

4. En premier lieu, il est constant que la société CIMEC, dont les associés sont des personnes morales et qui n'a pas pour objet de faciliter l'exercice de leur activité, ne peut être regardée comme une société civile de moyens au sens de l'article 36 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966. Par suite, elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 239 quater A du code général des impôts qui exonèrent les sociétés civiles de moyens d'impôt sur les sociétés.

5. En second lieu, l'activité de la société CIMEC, qui met à la disposition de médecins radiologues des locaux équipés de matériel d'imagerie médicale, n'est pas de nature médicale mais commerciale, alors même qu'elle n'est rémunérée ni par les médecins, ni par les patients, mais par les remboursements de la caisse générale de sécurité sociale correspondant au forfait technique. C'est, dès lors, à bon droit que le service l'a assujettie à l'impôt sur les sociétés.

Sur la procédure :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. (...) ".

7. Il est constant que le service a adressé à la société CIMEC, les 11 septembre et 9 octobre 2014, des mises en demeure de souscrire ses déclarations d'impôt sur les sociétés au titre des années 2011 à 2013 et que la société n'a pas déféré à ces mises en demeure. Si la société fait valoir qu'elle avait souscrit, pour chacune de ces trois années, une déclaration de résultats n° 2065, une telle déclaration ne correspondait pas, comme il a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt, à la nature de ses activités et n'interdisait dès lors pas l'administration de la mettre en demeure de déposer ses déclarations d'impôt sur les sociétés. Aucune disposition du livre des procédures fiscales n'impose que les mises en demeure adressées en application de l'article L. 68 exposent les raisons de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Enfin, la circonstance que ces mises en demeure ont été adressées postérieurement à l'envoi de l'avis de vérification et antérieurement à la fin des opérations de contrôle est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la taxation d'office est irrégulière, et qu'elle a été indûment privée des garanties offertes par la procédure de rectification contradictoire.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions ".

9. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée le 18 novembre 2014 à la société CIMEC mentionne que la société fait l'objet d'une procédure de taxation d'office sur le fondement des articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales. Elle précise de plus retenir, s'agissant de la détermination des résultats soumis à impôt sur les sociétés, pour les années 2011 et 2012, les éléments figurant sur les déclarations n° 2035 et 2033 remises au vérificateur durant le contrôle et, pour l'année 2013, la déclaration n° 2036 remise le 7 octobre 2014. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

Sur le bien-fondé des impositions :

10. En premier lieu, la société CIMEC soutient que les sommes assujetties à l'impôt sur les sociétés auraient déjà été imposées entre les mains de ses associés. Toutefois, ce moyen, s'il est susceptible, le cas échéant, d'ouvrir droit à ces derniers à la décharge des impositions ainsi acquittées, est sans influence sur le bien-fondé des impositions en litige.

11. En second lieu, si la société CIMEC soutient que l'administration s'est fondée sur les documents comptables et les justificatifs de la société, en opérant " certains retraitements sans fournir de justifications ", ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

Sur les majorations et intérêts de retard :

12. En premier lieu, la société CIMEC reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que la majoration pour défaut de déclaration dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure ne serait pas justifiée, dès lors que, s'estimant non assujettie à l'impôt sur les sociétés, elle n'avait pas à souscrire de telles déclarations. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

13. En second lieu, aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. "

14. Si la société CIMEC soutient que l'intérêt de retard ne pouvait être appliqué dès lors que ses associés ont intégré leur quote-part des résultats dans leur propre déclaration de revenus, il est toutefois constant qu'elle n'a pas acquitté l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable dans le délai légal. Par suite, le moyen doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société d'exploitation de la Clinique des eaux claires, venant aux droits de la société CIMEC, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société d'exploitation de la Clinique des eaux claires est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation de la Clinique des eaux claires et ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 19BX00145


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX00145
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CABINET JURICADJI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-17;19bx00145 ?
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