Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, sous
le n° 1801923 d'annuler la décision du 6 mars 2018 par laquelle la maire de la commune d'Artigues-près-Bordeaux a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et de condamner la commune à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un harcèlement moral, et sous le n° 1900915 d'annuler l'arrêté
du 8 janvier 2019 par lequel la présidente du centre communal d'action sociale (CCAS) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, et d'enjoindre sous astreinte à la maire de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 18 juin 2014.
Par un jugement nos 1801923, 1900915 du 22 septembre 2020, le tribunal a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 4 août 2021, Mme B..., représentée par Me Noël, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté
du 8 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2019 ;
3°) d'enjoindre à la maire d'Artigues-près-Bordeaux de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 18 juin 2014 dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Artigues-près-Bordeaux le versement
au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées
des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- les différents médecins qui l'ont examinée, ainsi que l'expert missionné par la commune, ont tous conclu que son syndrome dépressif était imputable au service ; le refus d'imputabilité méconnaît les dispositions des articles 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
et 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- alors qu'elle n'avait jamais présenté d'état dépressif, ses symptômes sont apparus lors du changement de municipalité, lorsqu'elle est " devenue la cible principale " de la maire de et son adjointe chargée du CCAS ; l'expert a retenu un lien direct entre sa pathologie et la maltraitance morale subie dans son travail ; dès le 6 août 2014, la psychologue du service de médecine au travail a indiqué que ses ressources psychologiques ne lui permettaient pas " de faire face au contexte professionnel rapporté et vécu de manière éprouvante " ; le psychiatre consulté le 14 octobre 2014 l'a déclarée inapte à la reprise du travail au poste actuel suite à des conflits professionnels qui entraînent des troubles psychologiques ; le psychiatre qui l'a suivie de février 2015 à juin 2019 a confirmé le caractère professionnel de la maladie par deux certificats du 28 mars 2017 et du 13 octobre 2020, et la commission de réforme a également conclu à l'imputabilité au service ; ainsi, l'arrêté du 8 janvier 2019 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2021, la commune
d'Artigues-près-Bordeaux, représentée par le cabinet FCA, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de reconnaissance d'imputabilité au service a été présentée le 7 mai 2018, près de quatre ans après les prétendus faits de harcèlement moral qui seraient à l'origine de la maladie ; le tribunal, qui a joint les deux demandes dont Mme B... l'avait saisi, n'a pas retenu de harcèlement moral, ce que la requérante ne conteste pas ;
-la décision est suffisamment motivée ;
- en vertu de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, il appartient à Mme B..., dont le syndrome dépressif n'est pas inscrit dans les tableaux mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, d'apporter la preuve que sa pathologie aurait été " essentiellement et directement " causée par l'exercice de ses fonctions ; tel n'est pas le cas dès lors que les conditions de travail n'étaient pas de nature à susciter le développement de l'affection durant la période invoquée de deux mois en 2014, du 15 avril au 17 juin, interrompue par un arrêt de maladie du 21 mars au 14 avril 2017 ;
- les certificats médicaux et l'avis de la commission de réforme sont fondés sur les seules déclarations de Mme B....
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Noël représentant Mme B..., et de Me Cadro, représentant la commune d'Artigues-près-Bordeaux.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., recrutée en septembre 2011 par la commune d'Artigues-près-Bordeaux en qualité de conseillère en action sociale contractuelle et affectée au centre communal d'action sociale, a été titularisée le 1er avril 2013 dans le cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux. Elle a été placée en congé de maladie à compter du 18 juin 2014, requalifié ultérieurement en congé de longue durée et prolongé jusqu'au 17 juin 2018. Par lettre du 4 janvier 2018, elle a sollicité la protection fonctionnelle et la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un harcèlement moral, et elle a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision de rejet du 6 mars 2018 et de condamner la commune à lui verser une indemnité de 50 000 euros. Par ailleurs, sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie anxiodépressive, présentée par lettre du 7 mai 2018 en invoquant un " management agressif " par la nouvelle équipe municipale élue en mars 2014,
a été rejetée par un arrêté du 8 janvier 2019, dont elle a sollicité l'annulation devant le tribunal administratif de Bordeaux. Le tribunal a joint les demandes et les a rejetées par un jugement
du 22 septembre 2020, dont Mme B... relève appel en tant seulement qu'il n'a pas annulé l'arrêté du 8 janvier 2019 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie.
2. En premier lieu, l'arrêté du 8 janvier 2019 vise les textes applicables, indique que
la maladie ne figurant pas aux tableaux des maladies professionnelles mentionnés aux
articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, elle ne relève pas de la présomption d'imputabilité, de sorte qu'il appartient à la collectivité d'apprécier si la pathologie anxiodépressive est essentiellement et directement liée au service, et conclut que ce lien n'est pas avéré dès lors que la matérialité des faits (reproches, retraits de la gestion de dossiers, exclusion de réunions, dénigrement) avancés par Mme B... n'est pas établie. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait exigées par les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance que l'expert et la commission de réforme se sont prononcés en faveur d'une reconnaissance de l'imputabilité au service est sans incidence sur la régularité de cette motivation.
3. En deuxième lieu, les droits des agents publics en matière d'accident de service
et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Mme B... a été placée en congé de maladie à compter
du 18 juin 2014. Par suite, les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 créé par l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, sur lesquelles l'administration et les premiers juges se sont fondés, ne sont pas applicables à sa situation, et ne peuvent être utilement invoquées.
4. En troisième lieu, l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable au litige prévoit que " si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. " Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été placée en arrêt de travail
à compter du 18 juin 2014 pour un état anxiodépressif progressivement devenu
invalidant. Le 6 août 2014, la psychologue du service de médecine du travail qui l'a reçue a rapporté ses plaintes relatives à une dégradation des conditions de travail depuis un changement de direction, à des propos décrédibilisants tenus par une collègue auprès de la hiérarchie, au retrait de dossiers, à une mise à l'écart des instances décisionnaires et à une perte de transmission d'informations. Mme B... a invoqué les mêmes faits devant son psychiatre traitant et devant l'expert psychiatre qui l'a examinée le 25 juillet 2018, après qu'une mise en retraite pour invalidité ait été envisagée. Dans sa demande d'imputabilité au service du 7 mai 2018, elle a affirmé présenter une " lourde dépression réactionnelle " imputable à trois mois de " management agressif " et de " privations " au sein de son emploi par la nouvelle équipe municipale d'Artigues-près-Bordeaux élue en mars 2014. Toutefois, il ressort du rapport hiérarchique établi sur cette demande, illustré par de nombreux échanges de courriels, que
Mme B... a été placée en congé de maladie deux mois et demi après la prise de fonctions de la nouvelle équipe municipale, alors que ses relations avec sa hiérarchie étaient restées courtoises, qu'aucun dossier ne lui a été retiré, et que la seule réunion de travail à laquelle elle n'a pas été invitée ne la concernait pas. Si la requérante réitère les mêmes allégations de harcèlement moral en introduction de ses écritures d'appel, elle ne conteste pas le jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes d'annulation du refus de protection fonctionnelle et d'indemnisation au motif que la réalité des faits invoqués n'était pas établie. Enfin, alors que son psychiatre précise l'avoir déjà prise en charge " en 2012-2013 pour un tableau identique lors d'une séparation difficile ", ce qui contredit l'expertise selon laquelle elle n'aurait présenté aucun problème sur le plan psychiatrique avant l'épisode en cours, tant l'expertise que les certificats médicaux produits se bornent à rapporter ses doléances quant au contexte professionnel et à une " maltraitance morale ". Dans ces circonstances, la maladie de
Mme B... ne peut être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice
des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à en susciter le développement, et l'arrêté du 8 janvier 2019 n'est pas entaché d'erreur d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre
de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des
articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative
à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de Mme B... au titre des frais exposés par la commune d'Artigues-près-Bordeaux
à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Artigues-près-Bordeaux au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune
d'Artigues-près-Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
La rapporteure,
Anne A...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX00129