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20/02/2024 | FRANCE | N°23BX01478

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 20 février 2024, 23BX01478


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle la préfète de la Gironde a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour et d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Par un jugement n° 2204527 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Bo

rdeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle la préfète de la Gironde a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour et d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 2204527 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2023 et 1er septembre 2023, M. A..., représenté par Me Astié, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la décision par laquelle la préfète de la Gironde a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande, et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 20 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 24 août 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- et les observations de Me Kecha, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 20 septembre 1982, déclare être entré en France le 19 juillet 2015. L'intéressé a sollicité le 5 mars 2021 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de la Gironde a implicitement refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité. M. A... relève appel du jugement n° 2204527 du 30 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la légalité de la décision implicite de rejet :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

3. Il résulte de ces dispositions que le silence gardé sur une demande de communication des motifs d'une décision implicite de rejet est susceptible d'entacher cette décision d'illégalité, lorsqu'elle est intervenue dans un cas où une décision expresse aurait dû être motivée.

4. Il ressort des pièces du dossier que par courrier du 29 juin 2021, M. A... a apporté des précisions relatives à sa demande de titre de séjour et a demandé au préfet de la Gironde d'user de son pouvoir discrétionnaire afin de lui accorder ce titre. Toutefois, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des termes de ce courrier que celui-ci aurait demandé la communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 232-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. La préfète de la Gironde n'a pas davantage entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A....

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

6. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

7. S'agissant de sa vie privée et familiale, M. A... soutient résider en France depuis 2015 et se prévaut de son intégration sur le territoire et des liens personnels et amicaux tissés depuis plus de huit ans. Les différents éléments produits ne permettent toutefois pas de justifier de l'intensité des liens personnels de l'intéressé sur le territoire, alors que la circonstance que son frère de nationalité française réside sur le territoire ne lui confère pas un droit au séjour. Par ailleurs, M. A... ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier de considérations humanitaires ou de motif exceptionnel justifiant une admission exceptionnelle au séjour de M. A... au titre de sa vie privée et familiale.

8. M. A... soutient également travailler depuis plus de trois ans à la date de la décision attaquée, et produit à cet égard différents bulletins de salaires, un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en tant que plongeur et employé polyvalent de restauration à compter du 1er avril 2021, signé avec la société Compass group France, ainsi qu'un avenant à ce contrat datant du 18 mars 2022, aux termes duquel M. A... est employé à temps complet. Ces éléments, s'ils témoignent de la volonté du requérant de s'intégrer professionnellement, ne sauraient toutefois suffire à caractériser un motif exceptionnel justifiant la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Enfin, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, M. A... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, la préfète n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant à M. A... son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

10. Compte tenu des circonstances exposées aux points 7 et 8, la préfète de la Gironde n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté au droit au respect de sa vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la préfète de la Gironde a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

La rapporteure,

Pauline Reynaud La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX1478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01478
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;23bx01478 ?
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