Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2201167 du 18 septembre 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 1er août 2022 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à M. C... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2023, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du
18 septembre 2023 et de rejeter la demande de M. C....
Il soutient que :
- la demande présentée par M. C... devant le tribunal était irrecevable car tardive ; M. C..., à qui l'arrêté en litige a été notifié le 6 août 2022, a introduit son recours le
25 octobre 2022, soit au-delà du délai de deux mois qui lui était imparti pour le faire ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision portant refus de séjour ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé ne justifie pas suffisamment de sa communauté de vie avec sa conjointe, avec laquelle il a conclu un PACS six mois après la décision, qu'il se maintient sur le territoire français en dépit de deux mesures d'éloignement prononcées à son encontre et qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a indiqué que résident sa fille et sa mère.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, M. C..., représenté par Me Ghettas, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- sa requête est recevable puisqu'il a déposé une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de recours contentieux ;
- l'arrêté a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisque toute sa famille se trouve en Guadeloupe, qu'il réside depuis 2013 dans ce département où il est parfaitement intégré ; il est le seul soutien de son oncle malade et a conclu un PACS avec une ressortissante française en juillet 2021.
Par une décision du 16 janvier 2024, M. C... a obtenu le maintien de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordé par décision du 15 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant haïtien né le 24 décembre 1988, est entré sur le territoire français le 11 mars 2013 selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour avec obligation de quitter le territoire français le 11 juin 2020. Le 10 juin 2022, il a sollicité auprès du préfet de la Guadeloupe son admission au séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 1er août 2022, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Guadeloupe relève appel du jugement du 18 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 1er août 2022 et lui a enjoint de délivrer à M. C... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. M. C... a déclaré être entré en France le 11 mars 2013 et s'y être maintenu depuis lors malgré une mesure d'éloignement prise à son encontre le 11 juin 2020. Toutefois, les éléments produits par l'intéressé sont seulement de nature à établir sa présence sur le territoire national à compter de l'année 2019. Ainsi, le requérant ne justifiait que de trois années de présence au jour de la décision contestée. S'il a conclu un pacte civil de solidarité (PACS) avec une ressortissante française, Mme E... D..., le 27 janvier 2021, et résidait depuis le mois de juillet de la même année avec cette dernière et le fils de celle-ci issu d'une précédente relation, ces éléments ne permettent pas d'établir la stabilité et l'intensité de sa vie familiale en France à la date de la décision attaquée. De même, s'il n'est pas contesté que son oncle présent sur le territoire français souffre d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... lui apporterait une aide régulière dans son quotidien et que sa présence lui serait indispensable. M. C... n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine puisqu'il a déclaré, lors de sa demande de titre de séjour, que sa fille et sa mère y résidaient toujours. En outre, alors que l'intéressé ne justifie d'aucune insertion professionnelle, son inscription dans une association de voile traditionnelle en Guadeloupe depuis mai 2019 ne suffit pas à démontrer une insertion particulière dans la société française. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu, pour annuler son arrêté, que celui-ci aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale, et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. C... à l'encontre des décisions contestées.
Sur les autres moyens :
6. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait présenté une demande de titre de séjour sur ce fondement. En outre, il ne ressort pas de l'arrêté contesté que le préfet de la Guadeloupe aurait examiné d'office si l'intéressé pouvait bénéficier d'une régularisation exceptionnelle sur le fondement de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté comme inopérant.
8. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions litigieuses méconnaîtraient les dispositions précitées de l'article
L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C....
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté préfectoral du 1er août 2022 et lui a enjoint de délivrer à M. C... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2201167 du tribunal administratif de la Guadeloupe du
18 septembre 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à
M. B... C.... Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.
Le rapporteur,
Olivier A...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX02807