Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite par laquelle le maire d'Angliers a refusé de retirer à sa demande le permis de construire délivré le 14 décembre 2016 à la commune en vue de la restructuration de la mairie et de la création d'une salle de réunion et de mariages.
Par un jugement n° 1900987 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2020 et un mémoire, enregistré le 4 septembre 2023, M. A... représenté par Me Barthélémy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 octobre 2020 ainsi que la décision implicite de rejet du maire de la commune d'Angliers ;
2°) de mettre à la charge de la commune d'Angliers, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2000 euros au titre des frais exposés en première instance et la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés en appel.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car la minute n'a pas été signée ;
- le jugement est irrégulier car il est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'existence d'une fraude de la commune ;
- le permis a été délivré frauduleusement car le pétitionnaire et l'auteur du permis de construire étant la même personne, le maire ne pouvait remplir l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme malgré l'opposition des co-indivisaires du terrain d'assiette du projet ni délivrer le permis de construire à la commune dès lors qu'il connaissait cette opposition sans avoir à procéder à la moindre mesure d'instruction ;
- contrairement à ce que soutient la commune en défense, celle-ci devait obtenir l'accord de l'indivision A... dès lors qu'elle ne détient pas les deux tiers des droits indivis, qu'en tout état de cause les travaux autorisés par le permis de construire ne relèvent pas d'un simple acte d'administration ni de l'exploitation normale des biens indivis au sens de l'article 815-3 du code civil et qu'elle ne disposait d'aucun mandat tacite qui ne pourrait en tout état de cause que l'autoriser à faire des actes d'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2023, la commune d'Angliers, représentée par la société d'avocats Ten France, conclut au rejet de la requête de M. A... et à ce que soit mis à sa charge le versement à son profit de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- l'article 815-3 du code civil relatif au mandat tacite est applicable, M. A... ayant clairement consenti à la gestion par la commune, depuis de nombreuses années, de la cour d'honneur du château, propriété indivise, ce qui autorisait le maire à déposer une demande de permis de construire.
Par ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 septembre 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evelyne Balzamo, présidente,
- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,
- et les observations de Me Brugière, représentant la commune d'Angliers.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que la commune d'Angliers est propriétaire de deux bâtiments composant le château d'Angliers, donnant tous deux sur la cour d'honneur du château et abritant la mairie. Elle est également propriétaire de cette cour en indivision avec M. A... qui possède le troisième bâtiment composant ce château. En 2016, la commune a déposé une demande de permis de construire en vue de la rénovation et de la restructuration des bâtiments lui appartenant et de la modification de la cour d'honneur. Par arrêté du 14 décembre 2016, le maire d'Angliers a délivré l'autorisation sollicitée à la commune. Le 17 décembre 2018, M. A... a demandé au maire d'Angliers de retirer ce permis de construire. Par jugement du 8 octobre 2020, le tribunal administratif a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation du refus implicite du maire d'Angliers de faire droit à sa demande de retrait de ce permis de construire. Par la présente requête, M. A... demande l'annulation de ce jugement et de la décision implicite de rejet du maire d'Angliers.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il ressort de l'examen de la minute du jugement qu'elle a été signée par le président de la formation de jugement, le magistrat rapporteur et le greffier d'audience conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative.
3. En second lieu, il ressort de la lecture du point 4 du jugement que le tribunal a suffisamment répondu au moyen tiré de l'existence d'une fraude de la commune invoqué par le requérant, dès lors qu'il a estimé que la qualité de co-indivisaire d'un bien suffisait pour se voir délivrer un permis de construire et que l'absence de recueil de l'accord de l'indivision A... n'était, de ce fait, pas de nature à constituer une fraude du pétitionnaire lorsqu'il fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; /(...)". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ". En vertu de l'article R. 431-4 du même code, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations et pièces limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33-1, aucune autre information ou pièce ne pouvant être exigée par l'autorité compétente. Par ailleurs, le permis est délivré sous réserve du droit des tiers, il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme, il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme.
5. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées par l'article R. 423-1 du même code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte également de ces dispositions qu'une demande d'autorisation d'urbanisme concernant un terrain soumis au régime juridique de l'indivision peut être régulièrement présentée par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l'autorisation du reste de l'indivision, une contestation sur ce point ne pouvant être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire. Une contestation relative au défaut d'autorisation des travaux par les autres co-indivisaires ne saurait caractériser une fraude du pétitionnaire visant à tromper l'administration sur la qualité qu'il invoque à l'appui de sa demande d'autorisation d'urbanisme, l'absence d'une telle autorisation comme un refus d'autorisation des travaux envisagés par le reste de l'indivision étant, par eux-mêmes, dépourvus d'incidence sur la qualité d'un indivisaire à déposer une demande d'autorisation d'urbanisme et ne pouvant être utilement invoqués pour contester l'autorisation délivrée.
6. Il ressort des pièces du dossier que la commune d'Angliers est co-indivisaire avec M. A... la cour d'honneur du château d'Angliers. Or, aux termes des dispositions précitées de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, une telle qualité suffit pour présenter régulièrement une demande de permis de construire. Il en va ainsi alors même que la réalisation des travaux serait subordonnée à l'autorisation du reste de l'indivision, toute contestation sur ce point relevant du seul juge judiciaire. Par suite, même si le maire d'Angliers savait que la commune était co-indivisaire de la cour d'honneur avec M. A... et que la réalisation des travaux nécessitait l'accord des co-indivisaires qui n'était pas intervenu, il avait qualité pour déposer une demande de permis de construire pour le compte de la commune, une telle circonstance n'étant pas davantage de nature à caractériser l'existence d'une fraude lors de la délivrance du permis de construire. En effet, l'absence d'une telle autorisation comme un refus d'autorisation des travaux envisagés par le reste de l'indivision sont, par eux-mêmes, dépourvus d'incidence sur la qualité d'un indivisaire à déposer une demande d'autorisation d'urbanisme et ne peuvent être utilement invoqués pour contester l'autorisation délivrée. Par suite, le permis de construire délivré à la commune le 14 décembre 2016 n'étant pas entaché de fraude, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le maire était tenu de le retirer.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espère, il y a lieu de rejeter tant les conclusions de M. A... que celles de la commune d'Angliers présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Angliers présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune d'Angliers.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.
La présidente-assesseure,
Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,
Evelyne Balzamo La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 20BX03982