Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... G... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 12 février 2018 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France a refusé de lui délivrer une autorisation d'usage du titre de chiropracteur en France, et d'enjoindre au directeur général de l'ARS d'Ile-de-France de lui délivrer cette autorisation ainsi qu'une carte ADELI.
Par un jugement n° 1900836 du 26 avril 2021, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juillet 2021 et le 17 avril 2023, M. G..., représenté par la SELARL Chicaud, Prévost, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du directeur général de l'ARS d'Ile-de-France du
12 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au directeur de l'ARS d'Ile-de-France de lui délivrer une carte ADELI et de l'autoriser à user du titre de chiropracteur ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de
l'article L.761-1 du code de justice administrative, dont 2 000 euros au titre de la première instance et 2 000 euros au titre de l'appel.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité, le tribunal ayant omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le 3° de l'article 6 du décret du 7 janvier 2011 ne pose pas la condition que le diplôme soit reconnu dans un Etat " autre que la France " ;
- le signataire de l'acte était incompétent, seul le directeur général de l'ARS pouvant signer une telle décision de refus ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article 23 du décret du 7 janvier 2011 car la commission prévue à l'article 17 de ce décret n'a pas été consultée ;
- les motifs contradictoires ou incompréhensibles de la décision doivent être assimilés à un défaut de motivation ;
- le directeur de l'ARS a commis des erreurs de droit en estimant qu'il ne pouvait plus délivrer l'autorisation à un praticien exerçant en France, ayant présenté sa demande plus de six mois après l'entrée en vigueur du décret du 7 janvier 2011, et en interprétant le 3° de l'article 6 du décret du 7 janvier 2011 comme imposant la reconnaissance de son diplôme dans un Etat autre que la France ;
- les articles 23 et 24 du décret du 7 janvier 2011 sont contraires à l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 en ce qu'ils empêchent d'autoriser l'usage du titre du titre de chiropracteur à un praticien en exercice, et empiètent sur le domaine de la loi, laquelle fixe les règles concernant les droits civiques et l'exercice des libertés publiques (article 34 de la Constitution) ;
- d'autres chiropracteurs de La Réunion, diplômés comme lui du Sherman College, ont obtenu l'autorisation qui lui a été refusée ;
- l'attitude de blocage de l'ARS, qui fait obstacle à la régularisation décidée par le législateur, méconnaît les principes de liberté de travailler et de droit au recours effectif des articles 15 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il doit pouvoir bénéficier des mesures transitoires prévues par l'article 23 du décret du 7 janvier 2011.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2023, le directeur de l'ARS
d'Ile-de-France conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement de première instance est inopérant ;
- les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- le décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Meyer,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., qui avait fait l'objet d'un refus d'user du titre professionnel de chiropracteur par une décision du directeur général de l'ARS d'Ile-de-France du 16 janvier 2013, au motif que sa demande présentée au titre des dispositions transitoires du décret du
7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie avait été déposée hors délai, a adressé à l'ARS une nouvelle demande reçue le 6 octobre 2016. Par un courriel du 16 novembre 2016, l'administration lui a demandé, dans la perspective d'un examen sur le fondement des dispositions du 3° de l'article 6 du décret du 7 janvier 2011, de justifier de ce que son diplôme délivré aux Etats-Unis était reconnu et pouvait permettre d'exercer légalement la profession de chiropracteur dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, par exemple au Royaume-Uni. Par lettre du 9 novembre 2017, M. G... a indiqué qu'il n'était pas parvenu à obtenir un justificatif au Royaume-Uni, mais qu'il ressortait d'une étude de la Haute autorité de santé (HAS) que son diplôme était reconnu par les autorités suédoises, et a sollicité le réexamen de sa demande en faisant valoir que trois confrères exerçant à La Réunion, diplômés du même établissement que lui, avaient été autorisés à user du titre de chiropracteur. Par une décision du 12 février 2018, le directeur général de l'ARS a rejeté sa demande au motif que l'étude de la HAS ne suffisait pas à établir sa capacité à exercer la chiropraxie en Suède. M. G... relève appel du jugement du 26 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. M. G... a fait valoir devant le tribunal que le 3° de l'article 6 du décret du 7 janvier 2011 ne posait pas la condition que le diplôme soit reconnu dans un Etat autre que la France. Ces dispositions, qui posent cette condition, sont citées au point 10 du jugement, ce qui suffit à écarter l'erreur de droit invoquée. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. En premier lieu, par un arrêté du 8 janvier 2018 publié le 12 janvier 2018 au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la région Ile-de-France, le directeur général de l'ARS d'Ile-de-France a donné délégation de signature à Mme C... B..., responsable du département de la démographie et usage des titres professionnels, dans la limite de son champ de compétence, en cas d'absence ou d'empêchement de M. D... E..., directeur de l'offre de soins et de Mme A... F..., directrice du pôle ressources humaines en santé par intérim. Le requérant n'établit ni même n'allègue que M. E... et Mme F... n'auraient été ni absents, ni empêchés le 12 février 2018. Ainsi, Mme B... avait compétence pour refuser la délivrance de l'autorisation d'usage du titre de chiropracteur.
4. En deuxième lieu, l'article 23 du décret du 7 janvier 2011 relève des mesures transitoires, lesquelles sont inapplicables à la demande rejetée par la décision contestée. Par suite, la méconnaissance de la procédure consultative qu'il prévoit ne peut être utilement invoquée.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / (...). " Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "
6. La décision du 12 février 2018 rappelle que la première demande présentée par M. G... au titre des mesures transitoires ne pouvait plus être examinée, ayant été déposée en dehors des délais réglementaires, et que le dossier communiqué le 10 octobre 2016 se rapportait à une demande d'usage du titre de chiropracteur en tant que titulaire d'un diplôme reconnu par un Etat membre de l'Union européenne. Elle précise que l'obligation de justifier de la reconnaissance préalable du diplôme par un Etat autre que la France, membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ainsi que de la possibilité d'exercer légalement la chiropraxie dans cet Etat, résulte du 3° de l'article 6 du décret du 7 janvier 2011. Elle indique enfin que l'étude de la HAS invoquée comme mentionnant que la Suède reconnaît le diplôme du Sherman College of Straight Chiropractic ne suffit pas à établir la capacité de M. G... à exercer la chiropraxie en Suède, l'intéressé n'établissant pas remplir les conditions supplémentaires de formation et de stage prescrites dans cet Etat. Cette motivation comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et contrairement à ce que soutient M. G..., elle n'est pas entachée de contradictions, ni incompréhensible. Elle est ainsi régulière.
En ce qui concerne la légalité interne :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. / S'il s'agit d'un diplôme délivré à l'étranger, il doit conférer à son titulaire une qualification reconnue analogue, selon des modalités fixées par décret. / Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. / (...). " Aux termes de l'article 4 du décret du 7 janvier 2011, pris pour l'application de ces dispositions : " L'usage professionnel du titre de chiropracteur est réservé : / 1° Aux titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à la chiropraxie délivré par un établissement de formation agréé en application de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 susvisée ; / 2° Aux titulaires d'une autorisation d'exercice de la chiropraxie ou d'user du titre de chiropracteur délivrée par l'autorité administrative compétente (...). " Aux termes de l'article 23 du même décret : " A titre transitoire et par dérogation aux dispositions de l'article 4, l'autorisation d'user du titre professionnel de chiropracteur est délivrée par le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France (...) : / 1° Aux praticiens exerçant la chiropraxie à la date de publication du présent décret justifiant de conditions de formation en chiropraxie équivalentes à celles prévues par les dispositions réglementaires relatives à la formation, ou attestant d'une expérience professionnelle dans le domaine de la chiropraxie, y compris une activité d'enseignement pratique, d'au moins cinq années consécutives et continues au cours des huit dernières années à compter de la date de publication du présent décret. (...). " Aux termes de l'article 24 de ce décret : " Les demandes d'autorisation mentionnée à l'article 23 doivent être présentées au directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France : 1° Dans les six mois suivant la date de publication du présent décret pour les personnes relevant des dispositions du 1° (...). "
8. M. G..., dont la situation de praticien en exercice à La Réunion à la date de publication du décret du 7 janvier 2011 relevait des mesures dérogatoires et transitoires prévues par ce décret, a déposé sa demande présentée sur ce fondement le 1er octobre 2012, après l'expiration du délai de six mois suivant la publication du décret, ce qui la rendait définitivement irrecevable. Si le requérant soutient que la fixation d'un délai a méconnu l'intention du législateur de régulariser les praticiens en exercice, une telle règlementation, qui entrait dans les conditions du renvoi par le législateur, se borne à prévoir les conditions permettant la transition entre deux régimes juridiques dans l'intérêt de la clarté des dispositions applicables. Par suite, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité du décret en ce qu'il ajouterait une condition non prévue par la loi doit être écarté. M. G... n'est ainsi fondé à se prévaloir d'aucun droit à un réexamen de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 23 du décret du
7 janvier 2011.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 du décret du 7 janvier 2011 : " Le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France peut, après avis de la commission mentionnée à l'article 17, autoriser individuellement à user du titre de chiropracteur les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui ont suivi avec succès un cycle d'études postsecondaires et qui, sans posséder le diplôme prévu au 1° de l'article 4, sont titulaires : (...) 3° Ou d'un titre de formation délivré par un Etat tiers et reconnu dans un Etat, membre ou partie, autre que la France, permettant d'y exercer légalement cette activité professionnelle ". Ces dispositions subordonnent expressément la délivrance d'une autorisation d'user du titre de chiropracteur aux titulaires d'un titre de formation délivré par un Etat tiers à l'Union européenne ou à l'accord sur l'Espace économique européen à la reconnaissance de ce diplôme dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à cet accord, autre que la France. Par suite, M. G... n'est pas fondé à soutenir que le directeur général de l'ARS aurait commis une erreur de droit en lui opposant cette condition de reconnaissance de son diplôme délivré aux Etats-Unis.
10. En troisième lieu, si M. G... fait valoir que d'autres praticiens en exercice à La Réunion, diplômés comme lui du Sherman College aux Etats-Unis, ont obtenu l'autorisation qui lui a été refusée, il n'établit ni même n'allègue que ces autorisations auraient été accordées sur la présentation de demandes déposées après l'expiration du délai de six mois suivant la publication du décret du 7 janvier 2011. Ainsi, la discrimination alléguée n'est, en tout état de cause, pas démontrée.
11. En quatrième lieu, M. G... ne dispose d'aucun droit à l'usage d'un titre réservé aux praticiens satisfaisant aux conditions d'exercice de la profession réglementée de chiropracteur, ne justifie d'aucune circonstance exceptionnelle l'ayant empêché de présenter sa demande au titre des dispositions transitoires dans le délai de six mois suivant la publication du décret du 7 janvier 2011, et n'est pas totalement empêché de travailler par l'absence de dispositif permettant le remboursement de ses prestations aux bénéficiaires de mutuelles de santé. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision du 12 février 2018 méconnaîtrait l'article 15 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne relatif au droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie.
12. En cinquième lieu, la circonstance que le jugement n'a pas fait droit à la demande n'est pas de nature à caractériser une atteinte à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne relatif au droit au recours effectif devant un tribunal impartial.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... G... et au ministre de la santé et de la prévention. Une copie en sera adressée à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.
La rapporteure,
A... Meyer
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03095