La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2023 | FRANCE | N°21BX03032

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 13 juillet 2023, 21BX03032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CNA Insurance a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 861,11 euros émis à son encontre par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Par un jugement n° 1903447 du 1er juin 2021, le tribunal a annulé ce titre exécutoire.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021 et des mémoires enregistrés les 8 juin et

23 novembre 2022, l'ONIAM, représenté par la SELARL Birot, Ravaut et Associés, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CNA Insurance a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 861,11 euros émis à son encontre par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Par un jugement n° 1903447 du 1er juin 2021, le tribunal a annulé ce titre exécutoire.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021 et des mémoires enregistrés les 8 juin et 23 novembre 2022, l'ONIAM, représenté par la SELARL Birot, Ravaut et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société CNA Insurance devant le tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société CNA Insurance à lui verser la somme de 861,11 euros en remboursement des frais d'expertise qu'il a avancés ;

4°) de mettre à la charge de la société CNA Insurance une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

A titre principal :

- la tardiveté d'un recours contentieux étant d'ordre public, elle peut être invoquée à tout moment ; la société CNA Insurance a reçu le 3 septembre 2018 le titre exécutoire sur lequel figuraient les voies et délais de recours, sans qu'il soit besoin de préciser la juridiction compétente à l'intérieur de la juridiction administrative ; la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montreuil le 9 novembre 2018 était ainsi irrecevable pour tardiveté ;

A titre subsidiaire :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur les moyens de légalité interne invoqués par la société CNA Insurance ;

- la compétence de l'ONIAM pour émettre des titres exécutoires a été reconnue par l'avis du Conseil d'Etat n° 426321 du 9 mai 2019 et par toutes les juridictions saisies de cette question ;

- dès lors que les frais d'expertise ne constituent pas un préjudice subi par la victime, la part de responsabilité retenue par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) ne leur est pas applicable, de sorte qu'ils doivent lui être remboursés en totalité par l'assureur du centre hospitalier responsable ;

- alors que le tribunal a reconnu que l'avis des sommes à payer adressé à la société CNA Insurance n'était qu'une ampliation de l'ordre à recouvrer, lequel était signé, c'est à tort qu'il a jugé que le titre exécutoire méconnaissait les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ; à supposer que les exigences de l'article L. 212-1 autres que la signature soient applicables, le directeur de l'ONIAM, dont le nom figure sur l'avis de sommes à payer, est bien l'auteur de l'acte, même s'il n'en est pas le signataire ; les dispositions de l'article L. 212-1, qui doivent être appliquées de manière pragmatique, n'ont pas été méconnues dès lors que Mme A... E..., directrice adjointe, disposait d'une délégation de signature de M. C..., et que l'absence d'identification de l'auteur du titre exécutoire n'a privé la société CNA Insurance d'aucune garantie ;

- le titre exécutoire, auquel l'avis de la CCI était joint, indique que les sommes à recouvrer portent sur les frais d'expertise amiable et mentionne le nom de l'expert dont les frais ont été réglés par l'ONIAM ; ainsi, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il est suffisamment motivé ;

A titre plus subsidiaire :

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur sa demande de condamnation de la société CNA Insurance à lui rembourser la somme de 861,11 euros ; le juge administratif reconnaît la possibilité pour l'administration, dans l'hypothèse où le titre exécutoire émis serait entaché d'un vice de forme, de présenter des conclusions reconventionnelles tendant au recouvrement de sa créance ; dans un objectif de bonne administration de la justice, il est opportun que le juge prononce une condamnation à hauteur de la somme dont il estime que l'assureur est redevable.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2021, la société CNA Insurance, représentée par le cabinet Abeille et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la tardiveté de son recours contentieux n'a pas été invoquée par l'ONIAM devant le tribunal, ni soulevée d'office par celui-ci ; en toute hypothèse, le titre exécutoire n'indique pas quel est le tribunal administratif territorialement compétent, ce qui a d'ailleurs été source d'erreur puisqu'elle a saisi le tribunal administratif de Montreuil qui a renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Bordeaux ; ainsi, le délai de recours contentieux de deux mois mentionné sur le titre exécutoire ne lui était pas opposable ;

- il résulte des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique que le remboursement des frais d'expertise est indissociable de l'action intentée par l'ONIAM devant le juge ; ces dispositions spéciales font obstacle à ce que l'ONIAM puisse émettre des titres exécutoires alors que des procédures judiciaires sont en cours ;

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu, d'une part, une méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que l'auteur du titre exécutoire, qui est l'agent délégataire, n'est pas identifié sur l'avis de recettes, et d'autre part, une insuffisance de motivation en l'absence d'indication des bases de liquidation, lesquelles n'avaient pas été préalablement portées à la connaissance du débiteur ;

- eu égard à la fracture à haut risque de complications infectieuses, à l'âge avancé du patient et à l'incidence de l'artériopathie qu'il présentait sur l'efficacité de l'antibiothérapie, la responsabilité du centre hospitalier de Libourne ne saurait excéder 25 %, de sorte que le titre exécutoire ne pouvait mettre la totalité des frais d'expertise à la charge de l'assureur de cet établissement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ravaut, représentant l'ONIAM et de Me Pommies représentant la société CNA Insurance.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 février 2014, M. D..., alors âgé de 88 ans, a été pris en charge au centre hospitalier de Libourne pour une fracture ouverte complexe de la cheville droite, traitée le 24 février par une ostéosynthèse. Dans les suites de cette intervention, il a présenté des signes infectieux, et un staphylocoque doré a été retrouvé dans un prélèvement du 31 juillet 2014. Un diagnostic d'ostéite chronique ayant été posé, le matériel d'ostéosynthèse a été retiré le

13 août 2014. L'évolution infectieuse a été défavorable malgré l'antibiothérapie et de nombreuses interventions. Le 14 juin 2016, date de consolidation de son état de santé, M. D... se déplaçait en fauteuil roulant du fait d'une ostéite chronique incurable. Il a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI), laquelle a ordonné une expertise dont le rapport, remis le 29 mars 2017, a conclu que des manquements du centre hospitalier de Libourne dans la prise en charge, tant de la fracture sur le plan infectieux que de l'infection elle-même, étaient à l'origine d'une perte de chance de 50 % d'éviter le dommage. La société CNA Insurance, assureur du centre hospitalier de Libourne, n'a pas donné suite à l'avis de la CCI du 14 juin 2017 selon lequel la réparation des préjudices de M. D... lui incombait dans la limite de cette perte de chance, et l'ONIAM a refusé de se substituer à cette société pour indemniser la victime. Le 24 août 2018, l'ONIAM a émis à l'encontre de la société CNA Insurance un titre exécutoire d'un montant de 861,11 euros correspondant aux frais de l'expertise organisée par la CCI, que l'assureur du centre hospitalier a contesté devant le tribunal administratif de Bordeaux. L'ONIAM relève appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal a annulé ce titre exécutoire.

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...). " Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Le titre exécutoire, reçu le 3 septembre 2018 par la société CNA Insurance, porte la mention : " Le présent titre peut être contesté devant le tribunal administratif compétent dans les 2 mois à compter de sa notification ". La circonstance que le tribunal territorialement compétent n'ait pas été précisé est sans incidence sur l'opposabilité du délai de recours, dès lors que le tribunal incompétemment saisi doit renvoyer l'affaire au tribunal compétent. S'agissant d'un délai franc, il courait jusqu'au 4 novembre 2018. La demande de première instance n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montreuil, qui l'a ultérieurement transmise au tribunal administratif de Bordeaux, que le 9 novembre 2018, postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux. Cette irrecevabilité de la demande de première instance étant d'ordre public, l'ONIAM est recevable à l'invoquer pour la première fois en appel. Par suite, le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er juin 2021 doit être annulé, et la demande présentée devant les premiers juges par la société CNA Insurance ne peut qu'être rejetée dans toutes ses conclusions.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1903447 du 1er juin 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société CNA Insurance devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la société CNA Insurance.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX03032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03032
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : ABEILLE ET ASSOCIES CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-13;21bx03032 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award