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08/12/2022 | FRANCE | N°22BX01341

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 08 décembre 2022, 22BX01341


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er décembre 2020 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et, d'autre part, l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Guadeloupe pour une durée de trente jours.

Par un jugement n° 2001140 du 22 mars 2022, le trib

unal administratif de

la Guadeloupe a annulé les arrêtés du 1er décembre 2020, enjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er décembre 2020 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et, d'autre part, l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Guadeloupe pour une durée de trente jours.

Par un jugement n° 2001140 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de

la Guadeloupe a annulé les arrêtés du 1er décembre 2020, enjoint au préfet de la Guadeloupe de réexaminer la situation de M. B... et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mai 2022, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 22 mars 2022.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait l'article 8 de la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : si la fille de M. B... souffre d'une pathologie neurologique, les certificats médicaux produits par l'intéressé ne démontrent pas que le défaut de prise en charge médicale de cette pathologie entraînerait pour sa fille des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; au surplus, M. B... n'allègue ni ne démontre qu'un traitement approprié à cette pathologie ne serait pas disponible en Dominique ; la fille de l'intéressé est dominiquaise et n'a pas vocation à rester sur le territoire français ; en outre, la circonstance que l'intéressé soit conjoint d'une compatriote irrégulièrement présente sur le territoire français ne lui confère aucun droit au séjour ; leurs enfants sont dominiquais et il n'est pas démontré leur impossibilité de poursuivre leur scolarité en Dominique ; M. B... représente une menace à l'ordre public dès lors qu'il a été condamné à plusieurs reprises pour des faits de violence ayant entraîné une incapacité de travail, de violation de domicile et de violence volontaire ; eu égard à la gravité de ces faits, à leur réitération sur une longue période et au caractère récent de la dernière condamnation, la décision en litige était légale.

Par un courrier enregistré le 19 août 2022, M. B... demande l'exécution du jugement n° 2001140 du 22 mars 2022.

Par une ordonnance du 13 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée

au 15 septembre 2022 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant dominiquais, déclare être entré sur le territoire français pour la première fois en 1993. Il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière en 2010 et d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour pour une durée de trois ans en 2013. Par un jugement du 26 mars 2013, le tribunal correctionnel

de Pointe-à-Pitre a condamné M. B... à six mois de prison ferme et à une interdiction

de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans pour des faits de violation

de domicile à l'aide de manœuvres, menace, voies de fait, ou contrainte et de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours, commis

le 24 mars 2013. Le 1er décembre 2020, il a été interpellé et placé en retenue pour vérification de son droit au séjour par les services de police de Pointe-à-Pitre. Par un arrêté

du 1er décembre 2020, le préfet de la Guadeloupe a fait obligation à M. B... de quitter

le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Guadeloupe a assigné

M. B... à résidence dans le département de la Guadeloupe pour une durée de trente jours. Par un jugement n° 2001140 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe

a annulé les arrêtés du 1er décembre 2020, enjoint au préfet de la Guadeloupe de réexaminer la situation de M. B... et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet de la Guadeloupe relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Pour reconnaître une atteinte excessive au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale, le tribunal a retenu, malgré les deux mesures d'éloignement dont l'intéressé a fait l'objet en 2010 et 2013, qu'au regard de l'ancienneté de son séjour, discontinu depuis au moins l'année 2005, de la présence en Guadeloupe de sa mère, son frère et sa sœur tous de nationalité française, de son concubinage avec une compatriote en situation irrégulière avec laquelle il a deux filles alors âgées respectivement de trois ans et dix mois, M. B... devait être regardé comme ayant transféré en Guadeloupe le centre de ses intérêts. Il a également pris en compte le fait que sa fille cadette était atteinte depuis sa naissance " d'une pathologie neurologique grave nécessitant des soins importants " selon le certificat versé au dossier.

4.Toutefois, il ressort des pièces médicales produites devant le tribunal par l'intéressé que l'enfant Leeanna, née le 23 janvier 2020, souffre d'épilepsie et a notamment été hospitalisée du 2 au 5 janvier 2021 pour une crise convulsive. Si le médecin qui l'a suivie depuis sa naissance indique que sa pathologie neurologique grave nécessite " des soins hospitaliers importants en Guadeloupe et notamment au CHBT de Basse-Terre et ce pour une durée indéfinie ", ce certificat n'est pas de nature à établir que le traitement de l'épilepsie ne pourrait être assuré à la Dominique. Il en va de même pour le certificat du pédiatre du même hôpital qui se borne à indiquer que la pathologie épileptique sévère " nécessite des soins et une surveillance médicale régulière en Guadeloupe. " Ces documents ne suffisent donc pas à caractériser un obstacle à ce que la vie familiale puisse se poursuivre dans le pays d'origine des parents, tous deux en situation irrégulière en Guadeloupe. M. B..., qui a reconnu n'avoir pas eu de nouvelles de sa demande de titre de séjour présentée en 2017 parce qu'il avait déménagé et omis ensuite de régulariser sa situation, ne saurait se borner à affirmer qu'il serait trop difficile d'obtenir un rendez-vous à la préfecture de la Guadeloupe.

5. En outre, il ressort du jugement correctionnel produit pour la première fois en appel par le préfet que l'intéressé a été condamné le 26 mars 2013, pour des faits de violation de domicile à l'aide de manœuvres, menace, voies de fait, ou contrainte et de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours. M. B... a aussi reconnu dans une précédente audition qu'il avait exécuté une peine de prison pour vol, sous l'identité empruntée de son frère. Par suite, c'est à bon droit que le préfet a pu retenir qu'il représentait une menace pour l'ordre public.

6. Dans ces conditions, et alors même que M. B... n'aurait plus de famille à la Dominique et qu'il travaillerait sans autorisation comme soudeur, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel elle a été prise. Par suite, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler les arrêtés du 1er décembre 2020.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance.

Sur la légalité des arrêtés en litige :

8. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date des arrêtés en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

9. M. B..., qui n'a pas demandé de titre de séjour, ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code précité dès lors que les arrêtés en litige n'ont ni pour objet ni pour effet de lui refuser un titre de séjour. Il n'établit au demeurant nullement que la situation de sa fille répondrait aux conditions posées par cet article, pour les motifs exposés au point 4.

10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé les arrêtés portant obligation de quitter le territoire français et assignation à résidence à l'encontre de M. B....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 22 mars 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2022.

La présidente-assesseure,

Anne Meyer

La présidente, rapporteure,

Catherine C...

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01341
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : ELBA SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-08;22bx01341 ?
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