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03/11/2022 | FRANCE | N°20BX04099

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 03 novembre 2022, 20BX04099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Clover a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2018 par lequel le maire de Sanilhac a accordé un permis à la société Garage B... pour la construction d'un garage automobile, ainsi que la décision du 22 novembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1900258 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décemb

re 2020 et le 18 mai 2022, la SCI Clover, représentée par Me Aljoubahi, demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Clover a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2018 par lequel le maire de Sanilhac a accordé un permis à la société Garage B... pour la construction d'un garage automobile, ainsi que la décision du 22 novembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1900258 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2020 et le 18 mai 2022, la SCI Clover, représentée par Me Aljoubahi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2018 ainsi que la décision du 22 novembre 2018 rejetant son recours gracieux ;

3°) de rejeter les demandes de la commune et de M. B... ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Sanilhac et de M. B... une somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa requête et la demande initiale sont recevables ;

- le dossier est incomplet car il ne comporte aucune indication quant aux risques de nuisances alors qu'il s'agit d'un établissement classé soumis au droit de l'environnement ;

- cet arrêté est dépourvu de base légale dès lors qu'il vise le plan local d'urbanisme adopté le 31 mai 2018 alors que le plan local d'urbanisme approuvé le 30 mai 2008 a fait l'objet d'une annulation contentieuse le 11 juillet 2013 ; c'est donc l'ancien plan d'occupation des sols qui doit s'appliquer ;

- ce plan d'occupation des sols interdit dans son article UB2 la construction d'installations classées et de dépôts de véhicules ;

- le règlement du lotissement du Val d'Atur Le Perrier du 21 septembre 2005 devenu obsolète ne peut servir de fondement légal à l'arrêté en litige ;

- le plan d'occupation des sols est devenu illégal en tant qu'il autorise sous conditions les installations classées en raison de changements dans les circonstances de fait dès lors que la zone UB est devenue une zone quasi exclusivement à destination d'habitation ;

- le tribunal a écarté à tort comme irrecevable le moyen tiré de l'illégalité du règlement de la zone UB du plan local d'urbanisme ; ce règlement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il autorise en zone UB les activités économiques et commerciales en raison de changements dans les circonstances de fait dès lors que cette zone est devenue une zone quasi exclusivement à destination d'habitation ;

- le projet méconnait les articles L. 421-6, R. 111-21, R. 111-2 et R. 111-27 du code de l'urbanisme en raison d'une mauvaise insertion dans l'environnement avoisinant ;

- il s'agit d'un établissement classé qui ne correspond pas au caractère de la zone UB ;

- M. B... n'apporte pas la preuve de son identité physique et commerciale et de la réalité de son préjudice ; son propre comportement n'est pas abusif.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2022, la commune de Sanilhac, représentée par le cabinet Cazcarra et Jeanneau, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI Clover sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 19 avril 2022, M. A... B..., représenté par Me Dotal, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner la SCI Clover à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice subi du fait de ce recours abusif ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Clover une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- sa demande indemnitaire est justifiée sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Lefort, représentant la commune de Sanilhac.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 4 septembre 2018 le maire de Sanilhac (Dordogne), commune créée le 1er janvier 2017 par fusion de trois communes, a délivré à la société Garage B... un permis pour la construction d'un bâtiment à usage de garage automobile sur une parcelle cadastrée AA 298 située sur le territoire de l'ancienne commune de Notre-Dame-de-Sanilhac. La SCI Clover, propriétaire d'une maison à usage d'habitation et d'un cabinet de kinésithérapie situés sur une parcelle contigüe du terrain d'assiette du projet, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cette décision ainsi que la décision du 22 novembre 2018 rejetant son recours gracieux. Elle relève appel du jugement du 21 octobre 2020 rejetant sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 4 septembre 2018 :

2. En premier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que la notice architecturale figurant dans la demande de permis de construire précise que le projet consiste en la création d'un bâtiment R+1 à destination de garage automobile comportant des bureaux et des zones d'ateliers mécaniques. Le tableau des surfaces et les plans y figurant permettent de constater que la zone de bureaux occupera une superficie de 107 m2 et la zone d'entrepôts/garages une surface de 364,9 m2. D'autre part, au regard de ses dimensions et caractéristiques, le projet en litige ne constitue pas une installation classée soumise au droit de l'environnement, et les articles R. 431-6 à R. 431-10 du code de l'urbanisme relatifs à la composition du dossier de demande de permis de construire ne prévoient pas d'obligation de préciser les modalités de gestion des nuisances encourues. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier serait incomplet en l'absence d'une description complète de l'activité et d'informations sur la gestion des nuisances générées par cette activité doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme applicable, à la date de délivrance du permis en litige, sur le territoire de l'ancienne commune de Notre-Dame-de-Sanilhac est celui approuvé par la délibération du conseil communautaire du Grand Périgueux du 31 mai 2018 dans le cadre de la procédure de révision engagée par une délibération du conseil municipal de Notre-Dame-de-Sanilhac du 26 septembre 2013 à la suite de l'annulation, par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 11 juillet 2013, du plan local d'urbanisme adopté par une délibération du 5 novembre 2008 rectifiée le 29 janvier 2009. Par suite, le moyen tiré de ce que ce permis de construire serait dénué de base légale en raison de l'annulation du " plan local d'urbanisme adopté le 31 mai 2008 " doit être écarté.

4. En troisième lieu, et pour les mêmes motifs, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la légalité du permis de construire en litige doit être appréciée au regard des dispositions du plan d'occupation des sols antérieur. Il en résulte que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article UB2 de l'ancien plan d'occupation des sols et de l'illégalité de cet article sont inopérants.

5. En quatrième lieu, la circonstance que le règlement du lotissement du Val d'Atur Le Perrier du 21 septembre 2005 serait devenu obsolète est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors qu'il n'en constitue pas le fondement légal.

6. En cinquième lieu, le règlement de la zone UB du plan local d'urbanisme adopté le 31 mai 2018 définit la zone UB comme correspondant " aux premières extensions sud secteur limitrophe de Périgueux ", où " les constructions sont édifiées de manière moins dense mais de nature diverse " et indique qu'il s'agit " d'un secteur mixte regroupant à la fois les fonctions d'habitations, d'activités de type commercial et de services ". Il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies produites par la commune, ainsi que des vues aériennes Géoportail accessibles librement aussi bien au juge qu'aux parties, que le quartier d'implantation du projet en litige comporte des immeubles à usage d'habitation individuels et collectifs ainsi que des activités commerciales et des services. Se trouvent ainsi dans l'environnement proche du projet en litige, une pharmacie située sur la parcelle adjacente, un garage et des commerces de l'autre côté de la parcelle voisine et les locaux du service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne à moins de 200 mètres. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du règlement autorisant, sous certaines conditions, la construction d'immeubles destinés à accueillir des activités commerciales ou artisanales, des entrepôts liés à ces activités et des installations classées seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation du fait du caractère uniquement résidentiel de la zone. Elle ne saurait à cet égard utilement se prévaloir d'une pétition signée par les riverains hostiles au projet. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces dispositions doit, en tout état de cause, être écarté.

7. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique (...) ". Aux termes de l'article R. 111-27 du même code, anciennement R. 111-21 : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la zone d'implantation du projet en litige constitue un secteur mixte d'habitat, de commerces et de services et que les constructions situées autour du projet sont relativement espacées et de styles disparates, avec notamment la présence à 200 mètres du terrain du projet des locaux du service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne, qui comportent de nombreux bâtiments logistiques dont les caractéristiques sont comparables à celles du projet en litige. Par suite, l'arrêté en litige n'est pas entaché d'une erreur dans l'appréciation de l'atteinte portée au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, ainsi qu'au paysage.

9. Enfin, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

10. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le projet en litige ne concerne pas une installation classée et en se bornant à faire état de nuisances liées aux bruits et à l'odeur des véhicules, la requérante n'établit pas l'existence de risques pour la salubrité ou la sécurité publique. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur dans l'appréciation de l'atteinte portée à la sécurité publique doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Clover n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 4 septembre 2018. Par suite ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

12. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ".

13. Il ne résulte pas de l'instruction que le recours de la SCI Clover aurait été mis en œuvre dans des conditions traduisant un comportement abusif de sa part alors qu'elle se présente comme riveraine immédiate du projet, dont elle fait valoir que, compte tenu de sa hauteur et de l'activité qui y est prévue, il affectera les conditions d'utilisation, d'occupation et de jouissance de son bien. Un tel comportement ne saurait, en l'espèce, être établi par le caractère infondé de son appel ou par les moyens qu'elle a entendu soulever, dont l'un était tiré de la méconnaissance des règles d'urbanisme. Dans ces conditions, les conclusions indemnitaires présentées par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des intimés, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Clover une somme de 1 500 euros à verser respectivement à M. B... et à la commune de Sanilhac au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Clover est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 3 : La SCI Clover versera la somme de 1 500 euros à M. A... B... et la somme de 1 500 euros à la commune de Sanilhac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Clover, à la commune de Sanilhac et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2022.

La rapporteure,

Christelle D...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne le préfet de la Dordogne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX04099 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04099
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : ALJOUBAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-03;20bx04099 ?
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