Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 3 février 2020 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et d'enjoindre à l'Etat de renouveler son titre de séjour ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de procéder au réexamen de sa situation.
Par un jugement n° 2003749 du 24 février 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Mme H... A... épouse B... et M. B... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 2 décembre 2020 par lesquels la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et les a interdits de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2101018-2101019 du 16 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés de la préfète de la Gironde du 2 décembre 2020, en tant qu'ils interdisent le retour sur le territoire français des requérants pendant une période de deux ans et rejeté le surplus de leurs demandes.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21BX04322 et des productions de pièces complémentaires, enregistrées les 25 novembre 2021, 11 et 17 février 2022, M. B..., représenté par Me Reix, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003749 du tribunal administratif de Bordeaux du 24 février 2021 ;
2°) d'annuler la décision par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par la préfète en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour au lieu de la carte de séjour sollicitée sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et méconnait l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne demandait pas nécessairement une carte d'une durée d'un an mais sollicitait avant tout la délivrance d'une carte de séjour et non d'un simple récépissé ; une carte de séjour, même de moins d'un an aurait permis à son épouse de solliciter une carte de même durée en tant qu'accompagnante de malade car il était hors d'état de travailler à ce moment-là ; la délivrance d'une carte de séjour quelle qu'en soit la durée lui aurait permis à l'expiration de la carte d'en solliciter le renouvellement et de bénéficier d'un récépissé de renouvellement le temps d'un nouvel examen de sa situation médicale ; en l'espèce, les services préfectoraux lui ont envoyé une nouvelle enveloppe médicale afin qu'il envoie un nouveau dossier à l'OFII, et ce n'est à cette condition qu'il a pu recevoir un premier récépissé de demande de séjour en juin 2020 ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; ses médecins considèrent qu'il existe un danger vital et qu'il ne peut être soigné en Albanie, qu'une nouvelle intervention chirurgicale en France doit être envisagée de manière imminente et que son état contre-indique tout déplacement ; il est atteint d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; il ressort de la décision contestée que l'OFII aurait rendu un avis positif daté de janvier 2020 reconnaissant l'exceptionnelle gravité d'un défaut de soins ; il nécessite une surveillance régulière et un traitement à vie ; son état s'est aggravé depuis cet avis ; une nouvelle intervention chirurgicale en France doit être envisagée cette année ; le traitement est inaccessible voire inexistant en Albanie ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnait les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'erreurs de fait ; sa famille, entrée en juillet 2015, est présente en France depuis cinq années à la date de la décision contestée et ses enfants sont inscrits pour une septième année de scolarisation ; leurs attaches sociales, médicales ou scolaires y sont particulièrement fortes ;
- il bénéficie d'une prise en charge médicale depuis 2016, et son épouse depuis 2015 ; celle-ci s'est investie bénévolement au sein de plusieurs associations ; elle justifie par ailleurs de nombreuses d'attestations d'amis, de voisins et de proches sur ses qualités, son courage et leurs liens ; le centre des attaches personnelles de la famille est désormais établi en France, et non dans leur pays d'origine où les attaches ne sont plus que résiduelles ; la jeune E... bénéficie d'un suivi psychologique depuis 2015 auprès de l'A.M.I. ; le jeune G... a fait l'objet d'un séjour aux urgences pédiatriques en mai 2020 ; leur année scolaire 2019/2020 en CM1 et CM2 était leur 5ème alors que le plus jeune n'a pas été scolarisé en Albanie et qu'ils ont besoin de stabilité.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 2 février et 7 mars 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- le courrier du 3 février 2020 ne constitue pas une décision de refus en invitant le requérant à relancer une procédure auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 25 mars 2022, à 12 heures.
M. B... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mai 2021.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 22BX00440 le 8 février 2022, et des pièces complémentaires enregistrées les 11 et 17 février 2022 et le 26 avril 2022, Mme A... épouse B..., représentée par Me Reix, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2101018-2101019 du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours suivant la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- la décision est entachée d'une erreur de droit ; elle est atteinte d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; elle ne peut être soignée en Albanie ; il ne peut y avoir une interruption des soins ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision est entachée d'erreurs de fait ;
- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- sa famille, entrée en France en juillet 2015, est présente à la date de la décision contestée ; ses enfants sont inscrits pour une 7ème année de scolarisation ; leurs attaches sociales, médicales ou scolaires y sont particulièrement fortes ; son époux est atteint d'une pathologie dont la gravité exceptionnelle a été reconnue par l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII= en 2018 et 2020 et son état s'est encore détérioré ; il a subi au début de l'année 2020 une nouvelle intervention de réfaction de sa paroi abdominale ; son état contre-indique tout déplacement) ;
- elle s'est investie bénévolement au sein de plusieurs associations ; elle suit des cours de français ; elle justifie d'attestations d'amis, de voisins et de proches sur ses qualités, son courage et les liens noués par la famille ;
- le centre des attaches personnelles de sa famille est désormais établi en France, et non dans le pays d'origine où ses attaches ne sont plus que résiduelles ;
- sa fille E... bénéficie d'un suivi psychologique depuis 2015 auprès de l'A.M.I. (Accompagnement psychologique et médiation interculturelle); plusieurs encadrants et animateurs du centre socio-culturel de Saint-Pierre se sont alarmés au mois d'août 2019, du retour des bégaiements de son fils G... et du changement total de comportement des deux enfants ; le garçon a fait l'objet d'un séjour aux urgences pédiatriques en mai 2020 ; ils sont régulièrement scolarisés ; le plus jeune n'a pas été scolarisé en Albanie ; les enfants ont besoin de stabilité ;
- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale la décision d'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit et méconnait l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision méconnait l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 septembre 2021.
III. Par une requête, enregistrée sous le n° 22BX00441 le 8 février 2022, et des pièces complémentaires enregistrées les 11 et 17 février 2022 et le 26 avril 2022, M. B..., représentée par Me Reix, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2101018-2101019 du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours suivant la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- la décision est entachée d'une erreur de droit ; l'OFII a rendu un avis entièrement favorable daté du 24 janvier 2020 ; la préfète sans même délivrer de carte de séjour pour la durée des soins, a sollicité un nouvel examen de sa situation médicale ; l'OFII aurait rendu le 9 juillet 2020, un nouvel avis mitigé reconnaissant l'exceptionnelle gravité d'un défaut de soin ; son état s'est aggravé depuis cet avis et ses médecins considèrent qu'il existe un danger vital et qu'il ne peut être soigné en Albanie ; une nouvelle intervention chirurgicale en France doit être envisagée en 2019 de l'avis de plusieurs médecins ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision est entachée d'erreurs de fait ;
- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- sa famille, entrée en France en juillet 2015, est présente à la date de la décision contestée ; ses enfants sont inscrits pour une 7ème année de scolarisation ; leurs attaches sociales, médicales ou scolaires y sont particulièrement fortes ; il est atteint d'une pathologie dont la gravité exceptionnelle a été reconnue par l'OFII en 2018 et 2020 et son état s'est encore détérioré ; il a subi au début de l'année 2020 une nouvelle intervention de réfaction de sa paroi abdominale ; son état contrindique tout déplacement ;
- son épouse s'est investie bénévolement au sein de plusieurs associations ; elle suit des cours de français ; elle justifie d'attestations d'amis, de voisins et de proches sur ses qualités, son courage et les liens noués par la famille ;
- le centre des attaches personnelles de sa famille est désormais établi en France, et non dans le pays d'origine où les attaches ne sont plus que résiduelles ; il n'a plus de famille proche en Albanie ;
- sa fille E... bénéficie d'un suivi psychologique depuis 2015 auprès de l'A.M.I. ; plusieurs encadrants et animateurs du centre socio-culturel de Saint-Pierre se sont alarmés au mois d'août 2019, du retour des bégaiements de son fils G... et du changement total de comportements des deux enfants ; le garçon a fait l'objet d'un séjour aux urgences pédiatriques en mai 2020 ; ils sont régulièrement scolarisés ; le plus jeune n'a pas été scolarisé en Albanie ; les enfants ont besoin de stabilité ;
- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale la décision d'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit et méconnait l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision méconnait l'article L. 313- 11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 septembre 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme F... D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants albanais, nés les 22 mai 1970 et 11 août 1982, seraient entrés sur le territoire français respectivement les 24 juin 2015 et 27 septembre 2016, selon leurs déclarations. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par deux décisions des 31 mars 2016 et 21 juillet 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) les 25 novembre 2016 et 17 janvier 2018. Le 18 juillet 2017, M. et Mme B... ont sollicité auprès de la préfecture de la Gironde la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusée par arrêtés de la préfète de la Gironde du 8 février 2019, lesquels étaient assortis d'une obligation de quitter le territoire français. La légalité de ces arrêtés a été confirmée par le tribunal administratif de Bordeaux le 13 février 2020, par jugement n° 1905473-1905474. Par un arrêt n° 20BX02376- 20BX02377 du 9 février 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement et les arrêtés du 8 février 2019 au motif d'un défaut d'examen particulier de la situation des requérants. Elle a enjoint à la préfète de la Gironde de réexaminer la situation de M. et Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Les 26 et 29 août 2019, les requérants ont sollicité auprès de la préfecture de la Gironde la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un avis du 24 janvier 2020, le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a considéré que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il ne pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et devait poursuivre des soins pendant une durée de trois mois. Par un courrier du 3 février 2020, la préfète de la Gironde a estimé que l'avis rendu ne lui permettait pas de se prononcer " avec suffisamment de perspectives " sur le droit au séjour de M. B..., lui a demandé de se rendre à la convocation jointe et lui a indiqué qu'à cette occasion, un récépissé de première demande de titre de séjour d'une durée de validité de trois mois lui serait délivré. Par courrier du 12 mars 2020, reçu le 16 mars 2020, le conseil du requérant a sollicité, pour celui-ci et son épouse, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejetée par arrêtés de la préfète de la Gironde en date du 2 décembre 2020, assortis d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. D'une part, par la requête, enregistrée sous le n° 21BX04322, M. B... relève appel du jugement n° 2003749 du 24 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a confirmé la légalité du courrier de la préfète en date du 3 février 2020. D'autre part, M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 16 juin 2021, rejetant leurs demandes d'annulation des arrêtés préfectoraux du 2 décembre 2020 par les requêtes enregistrées sous les n° 22BX00440 et 22BX00441.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 21BX04322, n° 22BX00440 et n° 22BX00441, présentées respectivement par M. B... , Mme A... épouse B... et M. B... sont relatives à la situation des membres d'une même famille et présentent à juger les mêmes questions. En conséquence, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité de la décision préfectorale du 3 février 2020 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir :
3. Dans ses dernières écritures, enregistrées le 7 mars 2022, la préfète de la Gironde soutient que le courrier qu'elle a adressé à M. B... le 3 février 2020 ne constituait pas une décision de refus. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'alors que le requérant avait déposé le 29 août 2019 une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, la préfète s'est bornée à lui délivrer un récépissé de première demande de titre de séjour valable trois mois, en se fondant sur l'avis de l'OFII, qui le 24 janvier 2020 a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale durant trois mois, la délivrance dudit récépissé étant conditionné par le dépôt d'une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et le renouvellement de la procédure auprès de l'OFII. En procédant ainsi, sans se prononcer sur la demande de titre de séjour formée le 29 août 2019, la préfète de la Gironde doit être regardée comme ayant nécessairement opposé un refus à la demande initiale de M. B... tendant à se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décision qui lui fait grief et qui, au demeurant, l'a conduit à déposer une nouvelle demande de titre de séjour par courrier du 12 mars 2020.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 3 février 2020 :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée (...) ".
5. M. B... soutient que la décision du 3 février 2020 méconnait l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il demandait la délivrance d'une carte de séjour et non d'un simple récépissé. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 24 janvier 2020, le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a considéré que l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il ne pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et devait poursuivre des soins pendant une durée de trois mois. Si comme elle le soutient, l'autorité préfectorale n'est pas liée par l'avis émis par le collège de l'OFII, elle ne pouvait légalement, en réponse à la demande de titre de séjour de l'intéressé qui avait donné lieu à l'avis de ce collège le 24 janvier 2020, décider de délivrer à M. B... un récépissé de demande de titre de séjour valable trois mois conditionné par le dépôt d'un nouveau dossier de demande de titre de séjour " étranger malade ". Par suite, M. B... est fondé à soutenir que la décision préfectorale du 3 février 2020 est entachée d'erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 2003749 du 24 février 2020 qui n'est entaché d'aucune omission à statuer, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur la légalité des arrêtés du 2 décembre 2020 :
En ce qui concerne les décisions de refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
8. Les derniers avis du collège des médecins de l'OFII des 9 juillet et 7 février 2020, produits devant le tribunal, concluent que les états de santé respectifs de M. et Mme B... nécessitaient une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'ils pouvaient, toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de leur pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, ils pouvaient voyager sans risque.
9. D'une part, M. B... souffre d'une artérite sévère des membres inférieurs et d'une thrombose de l'aorte sous rénale, aggravées par une éventration, pathologies pour lesquelles il a subi des interventions chirurgicales en 2017 et 2019. Pour l'une de ces opérations, il a pu bénéficier, conformément à un avis de l'OFII du 24 janvier 2020, d'une autorisation provisoire de séjour en France d'une durée de trois mois en raison de son état de santé. Pour autant, dans le cadre de sa demande de titre de séjour, le collège de médecins de l'OFII a cette fois estimé, ainsi qu'il est précisé au point précédent, que si son état de santé nécessitait toujours une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté. La seule circonstance que le collège de l'OFII n'ait pas retenu la même position que lors de son précédent avis, alors au demeurant qu'il n'est pas justifié que l'état de M. B... n'aurait pas évolué, ne saurait suffire à justifier que le requérant ne pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Albanie. D'autre part, Mme B... est suivie en milieu hospitalier depuis le mois d'octobre 2015 pour des troubles bipolaires et anxieux généralisés. Si les intéressés produisent, pour contester la position retenue par le collège de médecins de l'OFII, plusieurs certificats médicaux et ordonnances témoignant du suivi régulier dont ils font l'objet, ces documents soit ne se prononcent pas sur l'impossibilité de bénéficier d'un tel suivi en Albanie, soit, rédigés en des termes imprécis et peu circonstanciés, sont insuffisants pour remettre en cause la position du collège des médecins de l'OFII sur la possibilité de disposer effectivement de traitements adaptés en Albanie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
10. En deuxième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Les requérants font valoir que, présents en France depuis cinq ans, ils sont intégrés, avec leurs deux enfants, âgés de 12 ans et 10 ans, qui n'ont connu que le système scolaire français. Mme B... précise qu'elle suit des cours d'apprentissage de la langue française, est bénévole dans plusieurs associations et a bénéficié de contrats à durée indéterminée pour exercer, quelques heures par semaine, l'activité d'assistante de vie de juin 2021 au mars 2022. Toutefois, les intéressés ne font état d'aucune attache privée ou familiale en France. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. et Mme B... soient dépourvus d'attaches personnelles et familiales en Albanie, où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 46 ans et de 32 ans et où résident les parents de Mme B... et des membres de sa fratrie. Par suite, compte tenu des conditions de séjour des requérants en France, les décisions de refus de délivrance de titre de séjour contestées ne portent pas à leur droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus. Dès lors, elles ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour ces mêmes motifs, les moyens tirés de ce que ces décisions seraient entachées d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle doivent aussi être écartés.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
13. Les requérants soutiennent que leurs deux enfants sont scolarisés en France et font l'objet d'un suivi médical spécialisé en raison de troubles anxieux. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille et le fils de M. et Mme B... souffriraient d'une pathologie d'une exceptionnelle gravité et ne pourraient pas bénéficier d'un traitement approprié en Albanie. Les intéressés ne font état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que leurs enfants, quand bien même ceux-ci n'auraient connu que le système éducatif français, poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, les décisions attaquées, qui n'ont par ailleurs pas pour objet ou pour effet de séparer les enfants de leurs parents, ne méconnaissent pas l'intérêt supérieur de l'enfant. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)/ 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;(...) ".
16. Compte tenu des éléments exposés aux points 8 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
17. En troisième lieu, il résulte des circonstances exposées aux points 11 et 13, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la préfète a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
18. Enfin, eu égard à ce qui a été dit précédemment, il ne ressort pas des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les requérants pouvaient prétendre à la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, la préfète a pu, sans méconnaître ces dispositions, prendre à leur encontre la mesure d'éloignement attaquée.
En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de renvoi :
19. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 2101018-2101019 du 16 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes en tant qu'elles étaient dirigées contre l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de leur pays d'origine . Par suite, leurs conclusions à fin d'annulation des arrêtés de la préfète de la Gironde en date du 2 décembre 2020 doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
21. Compte tenu du changement de circonstances de fait relatives à l'état de santé de M. B... et du rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par les requérants contre les arrêtés préfectoraux du 2 décembre 2020, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés aux instances :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes dont les requérants demandent le versement à leur conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2003749 du 24 février 2021 et la décision de la préfète de la Gironde du 3 février 2020 sont annulés.
Article 2 : Les requêtes n° 22BX00440 et n° 22BX00441 de M. B... et de Mme A... épouse B... et le surplus des conclusions de la requête n° 21BX04322 de M. B... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme H... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022.
La rapporteure,
Bénédicte D...La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX04322, 22BX00440, 22BX00441