Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... G... et Mme K... B... épouse G... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 8 février 2019 par lesquels la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi.
Par un jugement nos 1905473 et 1905474 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020 sous le n° 20BX02376, M. G..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 8 février 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour n'est pas suffisamment motivée dès lors qu'elle omet de tenir compte du courrier d'élargissement de la demande qui a été adressé à la préfète au mois de décembre 2018 et qu'elle ne vise ni l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- les premiers juges se sont mépris en retenant qu'il pouvait effectivement accéder à un traitement adapté à ses pathologies dans son pays d'origine et ont omis de se prononcer sur la possibilité de voyager sans risque ; il justifie par les pièces qu'il produit qu'il existe un danger vital en cas d'éloignement, qu'il ne peut être soigné en Albanie, qu'une nouvelle intervention chirurgicale est d'ores et déjà programmée et que son état de santé contre-indique tout déplacement ; les premiers juges ont, en outre, retenu des dates d'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) erronées ; son état de santé s'est sensiblement détérioré depuis l'examen de sa situation par le collège de médecins de l'OFII ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que sa famille se trouvait en France depuis moins de quatre ans à la date de la décision contestée dès lors que celle-ci ne lui ayant pas été régulièrement notifiée, il convient de retenir une durée de présence en France de cinq ans, calculée compte tenu de la date à laquelle il a pris connaissance de l'arrêté litigieux ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et sur celle de sa famille compte tenu de leur intégration en France, de la scolarisation de ses enfants qui présentent, en outre, des difficultés psychologiques, et de son état de santé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît également l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et sur celle de sa famille ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que rien n'établit la disponibilité d'un traitement adapté à sa pathologie dans son pays d'origine ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'éloignement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.
M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2020.
II. Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020 sous le n° 20BX02377, Mme G..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 8 février 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour n'est pas suffisamment motivée dès lors qu'elle omet de tenir compte du courrier d'élargissement de la demande qui a été adressé à la préfète au mois de décembre 2018 et qu'elle ne vise ni l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- les premiers juges se sont mépris en retenant qu'elle pouvait effectivement accéder à un traitement adapté à sa pathologie dans son pays d'origine ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que sa famille se trouvait en France depuis moins de quatre ans à la date de la décision contestée dès lors que celle-ci ne lui ayant pas été régulièrement notifiée, il convient de retenir une durée de présence en France de cinq ans, calculée compte tenu de la date à laquelle elle a pris connaissance de l'arrêté litigieux ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et sur celle de sa famille compte tenu de leur intégration en France, de la scolarisation de ses enfants qui présentent, en outre, des difficultés psychologiques, et de son état de santé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît également l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et sur celle de sa famille ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que rien n'établit la disponibilité d'un traitement adapté à sa pathologie et à celles de son époux dans leur pays d'origine ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'éloignement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme G... ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.
Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme I... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme G..., ressortissants albanais nés le 22 mai 1970 et le 11 août 1982, ont déclaré être entrés en France respectivement le 17 septembre 2016 et le 24 juin 2015. Les demandes d'asile qu'ils ont présentées ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 mars 2016 et du 21 juillet 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 25 novembre 2016 et le 17 janvier 2018. Ils relèvent appel du jugement nos 1905473 et 1905474 du 12 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 8 février 2019 par lesquels la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Les requêtes nos 20BX02376 et 20BX02377 ont été présentées par un couple de ressortissants étrangers, présentent à juger des questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité de la demande :
2. La préfète de la Gironde a fait valoir la tardiveté des demandes présentées par M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Bordeaux dès lors que les arrêtés contestés du 8 février 2019 étaient réputés notifiés le 12 février 2019 ou, à tout le moins, le 11 juillet 2019, ainsi que l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux dans une ordonnance du 24 octobre 2019 nos 1904509,1905169. Toutefois, cette ordonnance du juge des référés n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée et il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les arrêtés du 8 février 2019 auraient été régulièrement notifiés à M. et Mme G... le 12 février 2019 ou le 11 juillet suivant. Les intéressés indiquent que s'ils ont été informés dans le courant du mois de juillet de l'existence de tels arrêtés, ils n'en ont reçu communication qu'au cours de la procédure de référé qu'ils ont introduite au début du mois de septembre 2019 afin d'obtenir de la préfète de la Gironde qu'elle leur propose, en urgence, un hébergement. M. et Mme G... ont formé une demande d'aide juridictionnelle le 12 septembre 2019 qui a interrompu le délai de recours contentieux, lequel doit être regardé comme n'ayant pu commencer à courir avant le mois de septembre 2019. Les demandes formées par M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Bordeaux le 7 novembre 2019 n'étaient, par suite, pas tardives et les fins de non-recevoir opposées par la préfète de la Gironde ne peuvent qu'être écartées.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme G... ont d'abord sollicité auprès des services de la préfecture de la Gironde la délivrance de titres de séjour en raison de leur état de santé. Puis, par un courrier du 14 décembre 2018 dont la préfecture de la Gironde a accusé réception le 20 décembre suivant, M. et Mme G... ont informé la préfète de ce département de ce qu'ils entendaient solliciter un titre de séjour en raison, outre de leur état de santé ainsi qu'ils l'avaient déjà fait valoir, de leurs attaches personnelles sur le territoire français et de l'intérêt supérieur de leurs enfants qui y sont scolarisés. La préfète de la Gironde devait, dans ces conditions, se considérer saisie de demandes de titre de séjour présentées, non seulement sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais également en considération de la vie privée et familiale des requérants sur le territoire français et de l'intérêt supérieur de leurs enfants. Toutefois, les décisions attaquées se bornent à viser les demandes de titres de séjour présentées par M. et Mme G... en qualité d'" étranger malade " sans faire état des demandes complémentaires dont ils ont saisi la préfecture par leur courrier du 14 décembre 2018, elles ne visent ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et, à l'exception de la mention " rien ne s'oppose donc à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer sans dommage en Albanie " ne présentent aucune motivation relative à la situation des enfants du couple. En outre, si la préfète de la Gironde a indiqué dans ses écritures en défense avoir examiné la vie privée et familiale des requérants, elle n'établit ni même n'allègue sérieusement avoir tenu compte de l'élargissement du champ de leurs demandes par le courrier du 14 décembre 2018 qu'ils lui ont adressé. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, M. et Mme G... sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé, après avoir indiqué qu'ils ont présenté une demande sur le seul fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les arrêtés du 8 février 2019 n'étaient pas entachés d'un défaut d'examen particulier de leur situation.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens présentés par M. et Mme G..., qu'ils sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Gironde du 8 février 2019 leur refusant un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant un pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Le présent arrêt implique seulement, eu égard à ses motifs, que la préfète de la Gironde se prononce à nouveau sur la situation de M. et Mme G.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande Me C... au titre des articles 37 de la loi du 11 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1905473 et 1905474 du 12 février 2020 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Les arrêtés du 8 février 2019 de la préfète de la Gironde sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de réexaminer la situation de M. et Mme G... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... G..., à Mme K... B... épouse G..., au ministre de l'intérieur et à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme L... J..., présidente,
Mme A... F..., présidente-assesseure,
Mme E... I..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2021.
La rapporteure,
Kolia I...
La présidente,
Catherine J...
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 20BX02376, 20BX02377